15ème législature

Question N° 33772
de M. Aurélien Taché (Non inscrit - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Logement

Rubrique > logement

Titre > Confinement, prise en charge des personnes à la rue

Question publiée au JO le : 10/11/2020 page : 7923
Réponse publiée au JO le : 09/11/2021 page : 8127
Date de changement d'attribution: 17/08/2021

Texte de la question

M. Aurélien Taché appelle l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur l'enjeu que représente l'amélioration pérenne de la prise en charge des personnes sans domicile fixe, au-delà des mesures d'urgence mises en place pour faire face à la crise sanitaire. Si des actions ont bien été entreprises et des moyens débloqués suite aux annonces successives de couvre-feu puis de reconfinement (entre 20 000 et 30 000 places d'hébergement supplémentaires avec un recours accru aux hôtels, résidences universitaires et internats scolaires vides, et avancement du plan hivernal de deux semaines), ces mesures d'urgence ne permettent pas de prendre en charge l'ensemble des personnes à la rue et ne représentent en rien une solution durable à l'enjeu social majeur que représente le sans-abrisme. En effet, il reste bien des sans-abris à la rue ! Il suffit de sortir pour s'en rendre compte : leur présence est d'ailleurs d'autant plus visible que les rues se vident. Ceux qui restent dehors sont généralement ceux qui y sont depuis le plus longtemps, qui sont les plus abîmés par la vie et qui sont donc les plus fragiles. Les aider est d'autant plus difficile qu'ils souffrent d'une profonde désinsertion sociale, de pathologies associées ou d'addictions diverses. Les prendre en charge suppose alors de disposer certes d'une offre suffisante en termes de volume mais aussi en termes de qualité de l'accueil. Les associations estiment aujourd'hui à 250 000 le nombre de SDF en France. Ceux-ci ne disparaîtront pas avec le virus ou la fin de l'hiver alors que les moyens exceptionnels s'éteindront au retour du printemps. Aussi, alors que les périodes de crise permettent souvent d'innover, on a toujours recours aux recettes habituelles en faisant plus d'hébergement d'urgence, plus de chambres d'hôtel... Or, si on veut se donner l'ambition d'un objectif « zéro SDF », cela passe par l'offre de services d'hébergement, mais aussi par des évolutions stratégiques. Notamment, on persiste à fermer les yeux sur la question des sans-papiers ! En 2019, 80 % des personnes SDF étaient des ressortissants extra-européens et dans les centres d'hébergement d'urgence, il y a une majorité de sans-papiers, alors que, dans les autres types d'hébergement, il faut être en situation régulière. Si l'on ne traite pas la question de l'éternisation administrative des dossiers de régularisation, on ne traite pas la question de l'hébergement d'urgence ! Aussi, la compétence de principe d'hébergement d'urgence revient à l'État avec une implication départementale, en vertu de leur compétence en matière d'aide sociale. Or le problème du sans-abrisme se gère bien souvent au cas par cas, au niveau des individus, du quartier, de la rue. Décentraliser la prise en charge des sans-abris en la confiant aux villes ou aux agglomérations en échange de moyens financiers permettrait une gestion plus directe, efficace et adaptée aux réalités de terrain. C'est d'ailleurs ce que font la plupart des métropoles européennes. Aussi, alors que les citoyens sont appelés à rester chez eux, il lui demande quelle est la stratégie de long terme envisagée par le Gouvernement pour ceux qui n'ont pas de toit. Personne ne devrait dormir dehors ! Quelles sont les mesures pérennes et de long terme qui seront mises en place afin d'aller vers cet objectif ? Il souhaite connaître ses intentions sur ce sujet.

Texte de la réponse

La crise de la COVID-19 a largement impacté les publics sans domicile, qu'ils vivent à la rue, en centres d'hébergement collectifs ou à l'hôtel ainsi que les publics vulnérables. Le Gouvernement a entrepris dans ce contexte un travail considérable en matière de protection des personnes les plus précaires et fragiles. Depuis le premier confinement, le Gouvernement a fait de la mise à l'abri des personnes sans domicile fixe une priorité, traduite par l'ouverture de plus de 40 000 places d'hébergement supplémentaires. Au 30 avril 2021, le parc d'hébergement généraliste comptait 200 000 places qui ont permis d'apporter une réponse quantitative et qualitative aux situations de sans-abrisme en France. Durant cette période, il a pu être constaté la diminution nette du nombre de personnes sans abri et des personnes auparavant inconnues des services d'aide sociale ou qui refusaient d'y recourir ont pu être hébergées dans des conditions dignes. Cette stratégie a permis de renforcer la continuité de l'accueil et d'assurer des prestations d'accompagnement de meilleure qualité, qui aboutissent de plus en plus fréquemment à l'orientation vers des solutions plus pérennes, en premier lieu desquelles le logement. Pour la première fois dans le secteur d'hébergement d'urgence, le parc d'hébergement généraliste sera maintenu au niveau haut de 200 000 places jusqu'à la fin du mois de mars 2022. Cette décision en rupture avec une gestion au « thermomètre » s'appuie sur une augmentation de 700 millions d'euros en loi de finance rectificative, portant le budget annuel du programme 177 notamment consacré à l'hébergement d'urgence à 2,9 milliards d'euros en 2021. En parallèle, les actions de sortie de l'hébergement vers le logement vont s'intensifier et permettre à moyen et long terme de réduire progressivement le parc d'hébergement d'urgence pour développer plus de solutions de logement social, de résidences sociales, de pension de famille. Aussi, un travail étroit est mené en lien avec les associations pour transformer le parc d'hébergement en des centres de meilleure qualité, mais aussi pour réduire la part des nuitées hôtelières et développer les structures d'hébergement garantissant un accompagnement social adapté aux besoins des personnes. L'objectif poursuivi par le Gouvernement est bien de privilégier le développement de solutions pérennes de logement et de renoncer à la multiplication des réponses d'hébergement de court terme. À titre d'exemple, entre le 1>er> janvier et le 30 juin 2021, près de 12 700 attributions de logements sociaux ont été réalisées en faveur de ménages sans domicile (sans abri ou hébergés dans l'hébergement généraliste), ce qui représente 6,2 % des attributions totales de logements sociaux sur la période (ce taux s'élevait à 5,2 % sur le 1>er> semestre 2019, pour près de 11 000 attributions). La crise sanitaire montre également, sur le plan de la protection des personnes, la pertinence de la politique du plan quinquennal pour le Logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, lancé en septembre 2017 par le Président de la République. L'accélération de cette stratégie s'est concrétisée par la création d'un Service public de la rue au logement en 2021 pour amplifier cette dynamique forte de transformation et lui donner un cadre d'action. Le Gouvernement est particulièrement attaché à assurer l'effectivité et l'équité de ce service public sur l'ensemble du territoire national. Il est certain néanmoins que la réussite de la mise en œuvre de la stratégie du Logement d'abord repose sur la mise en œuvre coordonnée des compétences de l'État et des collectivités territoriales. Pour favoriser ces stratégies communes, 45 territoires sont aujourd'hui engagés et soutenus financièrement par l'État pour la mise en œuvre accélérée du Logement d'abord (« Territoires de mise en œuvre accélérée du Logement d'abord »). Afin de produire et de mobiliser des logements abordables et adaptés aux besoins des personnes sans domicile, la production de PLAI (logements financés en prêt locatif aidé d'intégration), c'est-à-dire des logements très sociaux qui permettent l'accès au logement des personnes les plus en difficulté, est fortement encouragé par l'État. En mars 2021, la ministre déléguée chargée du logement a signé un protocole commun d'engagement avec les principaux acteurs du logement social en France pour relever le défi de produire 250 000 logements sociaux sur deux ans. La mobilisation du parc privé à des fins sociales est également encouragée avec les dispositifs d'intermédiation locative, pour atteindre voire dépasser l'objectif des 43 000 places fixé dans le plan quinquennal. 27 400 places ont été ouvertes depuis 2018. Des solutions de logement adaptées aux besoins de chacun sont également soutenues avec la production de pensions de familles qui proposent des logements pérennes et assurent un environnement semi-collectif adapté aux personnes isolées. 5 000 places ont été ouvertes depuis 2017. Enfin, le programme « Un chez soi d'abord » vise à répondre à la situation des personnes sans-abri les plus vulnérables qui présentent des troubles psychiques sévères et des addictions et échappent aux dispositifs d'accompagnement classique. Il change radicalement la prise en charge en proposant un accès dans un logement ordinaire depuis la rue, moyennant un accompagnement soutenu et pluridisciplinaire au domicile. Une étude scientifique indépendante a confirmé en 2016 que le programme avait une réelle efficacité pour un moindre coût : amélioration de la qualité de vie et de l'état de santé des personnes, réduction significative des recours aux soins, optimisation des moyens alloués par la puissance publique. Fin 2021, ce dispositif aura été déployé sur 34 sites en France, dont 2 sites dédiés au jeunes. Concernant les tensions observées dans les régions confrontées aux flux migratoires les plus importants, 3 000 places sont créées dans des Centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), où ces derniers sont hébergés en attente de l'instruction de leur demande du statut de réfugié, et 1 000 autres dans des Centres d'accueil et d'examen des situations (CAES), sorte de premier sas permettant l'orientation, notamment des familles et femmes avec enfants, en fonction de leur situation administrative. Ces 4 000 places nouvelles viendront s'ajouter aux places déjà existantes dans le dispositif national d'accueil, avec environ 43 000 en CADA et 64 000 dans les autres structures dont 8 700 places en centres provisoires d'hébergement (CPH) pour les personnes les plus vulnérables : jeunes de moins de 25 ans, couples avec enfants sans ressources, personnes isolées.