15ème législature

Question N° 33985
de Mme Constance Le Grip (Les Républicains - Hauts-de-Seine )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Transfert par la France de la couronne du dais de la reine malgache à Madagascar

Question publiée au JO le : 17/11/2020 page : 8109
Réponse publiée au JO le : 22/12/2020 page : 9477

Texte de la question

Mme Constance Le Grip appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur le transfert par la France à Madagascar, le 5 novembre 2020, de la couronne du dais de couronnement de la reine malgache Ranavalona III, conservée jusqu'à présent au musée des Armées, à Paris. Ce retour se fait « dans le cadre d'une convention signée entre les deux pays. Cette convention s'inscrit dans le processus de restitution à Madagascar de ce bien culturel, symbole de l'histoire malgache », d'après les termes mêmes du communiqué de presse du ministère de la défense. En effet, le 20 février 2020, le président malgache Andry Rajoelina adressait un courrier au Président de la République afin de demander cette restitution en vue du soixantième anniversaire de l'indépendance malgache, prévu pour juin 2021. Le 30 septembre 2020, alors que la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale débattait du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, Mme la ministre, à la demande des députés, dressait une liste des autres demandes de restitution adressées à la France. Concernant la demande de restitution de cette couronne à Madagascar, Mme la ministre déclarait qu'une procédure de prêt avait été proposée en attendant la fin de la procédure habituelle, la crise sanitaire retardant celle-ci. C'est le jour même où le Sénat adoptait ledit projet de loi relatif à la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, et alors que le processus parlementaire d'adoption de ce texte était toujours en cours, que la représentation nationale apprenait par voie de presse le retour par avion, pour un « prêt », de cet objet culturel à Madagascar ! Un tel transfert, même pour un « prêt de longue durée », effectué au milieu de l'examen d'un projet de loi établissant une restitution de biens culturels, est, pour la représentation nationale, un véritable camouflet. En vertu du principe d'inaliénabilité des collections muséales françaises, la restitution d'un bien culturel conservé dans un musée français ne peut se faire sans l'accord du Parlement, par le vote d'une loi l'autorisant. Cette dérogation au principe d'inaliénabilité des collections nationales a encore été rappelée dans le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, par l'ajout d'un amendement d'origine parlementaire. Mme la députée souhaite donc savoir si le Parlement sera saisi de l'examen d'une loi de restitution à Madagascar de la couronne du dais de couronnement, ou s'il ne s'agit là que d'un prêt et dans ce cas, de quelle durée, et enfin si la couronne du dais reviendra en France avant l'éventuelle adoption d'une loi de restitution. Enfin, elle souhaite savoir, devant la multiplication des demandes de restitution par un certain nombre de pays extra-européens, quelle sera la politique suivie par le Gouvernement en la matière, la stratégie du « fait accompli » ne pouvant être, pour la représentation nationale, une option digne et responsable. Les « prêts » et restitutions de biens culturels conservés dans des musées français ne sauraient être considérés comme des variables d'ajustement d'une action diplomatique. Elle souhaite connaître son avis sur ces sujets.

Texte de la réponse

L'inaliénabilité des collections publiques, consacrée par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France est prévue par l'article L. 451-5 du code du patrimoine : « Les biens constituant les collections des musées de France appartenant à une personne publique font partie de leur domaine public et sont, à ce titre, inaliénables. » L'autorisation du législateur est ainsi indispensable pour faire exception à ce principe et permettre qu'un bien sorte définitivement des collections. Cette dérogation à ce principe de valeur législative a été rappelée dans le projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal, par la voie d'un amendement parlementaire lors de l'examen en commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale. La couronne ornant le dais de la dernière reine de Madagascar, Ranavalona III, fait l'objet d'une seule convention de dépôt, signée avec Madagascar, dont la durée est fixée à cinq ans. Le transfert de la couronne par la France à Madagascar, le 5 novembre dernier, n'est donc nullement une restitution : cette dernière ne pourra intervenir qu'après l'adoption par le Parlement d'une loi permettant de déroger au principe d'inaliénabilité des collections publiques. Ce projet de prêt remonte à plusieurs années et la complexité de ce dossier, même s'il était le plus avancé parmi les demandes de restitution, demande une étroite coopération interétatique ainsi qu'une étude approfondie de l'origine des œuvres avant toute restitution. Par ailleurs, si le Gouvernement avait souhaité procéder à une restitution rapide de cette couronne, un article aurait été inséré dans le cadre du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal actuellement en cours d'examen. À aucun moment il n'a été dans l'intention du Gouvernement de dissimuler une quelconque information à la représentation nationale. Le Parlement sera nécessairement saisi, par le biais d'un projet de loi, afin de permettre, le moment venu, la restitution de la couronne ornant le dais de la reine Ranavalona III.