15ème législature

Question N° 34251
de Mme Emmanuelle Ménard (Non inscrit - Hérault )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > presse et livres

Titre > Presstalis et subventions de l'État

Question publiée au JO le : 24/11/2020 page : 8284
Réponse publiée au JO le : 14/09/2021 page : 6838

Texte de la question

Mme Emmanuelle Ménard interroge Mme la ministre de la culture sur les deux décrets du 13 novembre 2020 instituant une aide exceptionnelle au bénéfice de certains éditeurs de presse distribués par Presstalis et de la presse en outre-mer. Selon les termes mêmes du décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020, est instituée « une aide exceptionnelle au bénéfice de certaines entreprises éditrices de publications d'information politique et générale. Le texte vise à soutenir ces entreprises dans un contexte économique particulièrement difficile du fait des conséquences de la crise sanitaire. Les titres éligibles sont ceux qui étaient distribués au 12 mars 2020 par la société Presstalis, dont la liquidation judiciaire a été accélérée par les conséquences de l'épidémie de covid-19 ». Alors que le projet de loi de finances 2021, dans lequel il est justement question du budget alloué aux aides à la presse, suit son parcours via la navette parlementaire, le Gouvernement décide d'allouer une aide qui donnera « lieu à un versement unique ». L'article 3 du décret dispose que « le montant de l'aide prévue à l'article 1er, qui ne pourra être supérieur à 800 000 euros par entreprise, est déterminé en fonction de la perte de créances des titres à l'issue de la procédure de redressement judiciaire de la société Presstalis ». En clair, l'État va indemniser les pertes des créances des entreprises qui ont contracté avec le distributeur de presse, dont il est public que l'insolvabilité était antérieure à l'épidémie de covid-19. Le montant de cette aide est estimé par certains à 11 millions d'euros. Au regard de cette somme et du procédé utilisé, Mme la députée demande à Mme la ministre pour quelle raison l'État, par l'intermédiaire des impôts des Français, paye la perte de créance des entreprises de presse alors que tant d'autres entreprises sont aujourd'hui en faillite, elles aussi à cause de pertes sur créances. Elle lui demande aussi, par souci de transparence, de rendre publique la liste des bénéficiaires et le montant global de cette aide.

Texte de la réponse

Afin de garantir le pluralisme de la presse d'information politique et générale (IPG), il a été décidé d'instaurer une aide exceptionnelle au bénéfice de certains éditeurs de presse, durement touchés par les conséquences de la liquidation judiciaire de Presstalis, dans un contexte économique préoccupant lié à l'épidémie de Covid-19. Le droit à l'information est garanti par les ordres juridiques français et européens. L'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dispose ainsi que « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées (…) ». De même l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme (…) ». Le soutien aux titres de la presse d'IPG est au cœur du dispositif des aides à la presse, dont le principe trouve son fondement constitutionnel dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et plus particulièrement dans son article 11. Le Conseil constitutionnel se réfère à cet article, dans sa décision des 10 et 11 octobre 1984, pour considérer que « la libre communication des pensées et des opinions […] ne serait pas effective si le public auquel s'adresse ces quotidiens n'était pas à même de disposer d'un nombre suffisant de publications de tendances et de caractères différents ». Ainsi, le Conseil constitutionnel montre que la liberté d'expression ou de communication n'est pas simplement la liberté de ceux qui ont la possibilité de s'exprimer dans les journaux, ou de ceux qui possèdent ou contrôlent financièrement les publications. Elle est également celle des lecteurs « qui sont au nombre des destinataires essentiels de la liberté proclamée par l'article 11 de la Déclaration de 1789 » et qui doivent pouvoir « être à même d'exercer leur libre choix ». Ainsi, le Conseil constitutionnel reconnaît aux lecteurs un droit à une information ou à une expression pluraliste. Afin de défendre le pluralisme de la presse, des aides, directes et indirectes, sont notamment distribuées aux titres d'IPG. Alors que ces derniers sont les principaux destinataires de la politique publique d'aide à la presse, compte tenu de leur contribution au pluralisme et à « la libre communication des pensées et des opinions », cette catégorie de presse est fortement touchée par la crise que traverse le secteur. Pour l'ensemble de ces raisons, le décret n° 2020-1384 du 13 novembre 2020 a institué une aide exceptionnelle au bénéfice de certains éditeurs de presse d'IPG. Cette aide, réservée aux titres qui étaient distribués par la messagerie Presstalis, était accessible aux quotidiens et publications à faibles ressources publicitaires (quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires – QFRP et publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires – PFRP) et pour les autres titres d'IPG, à ceux dont les ventes en montant fort (chiffre d'affaires en vente au numéro) étaient inférieures en 2019 à 5 M€. Le montant des subventions était, par ailleurs, bonifié pour les titres les plus fragiles (QFRP et PFRP). Cette aide exceptionnelle a été mise en place pour soutenir des éditeurs particulièrement fragiles et essentiels au pluralisme (comme le montrent les critères retenus pour l'attribution de l'aide : qualification d'IPG, niveau du chiffre d'affaires, poids des ressources publicitaires), qui ont subi les effets collatéraux de la liquidation de Presstalis, dont la responsabilité ne saurait leur être imputée. Par ailleurs, les mesures d'urgence adoptées pour soutenir les acteurs les plus fragiles de la filière comprennent une aide à destination spécifique des titres ultramarins, instituée par le décret n° 2020 1383 du 13 novembre 2020. Les pertes subies du fait de la crise sanitaire se sont révélées particulièrement importantes pour le secteur de la presse écrite en outre-mer, qui enregistrait des difficultés structurelles avant même la crise. Cette aide exceptionnelle a ainsi bénéficié à vingt publications et services de presse en ligne reconnus d'IPG. Enfin, dans un objectif de transparence, le ministère de la culture publie la liste des titres et, depuis 2016, des principaux groupes de presse ayant bénéficié d'aides directes et indirectes. Ces listes sont accessibles sur le site Internet data.culture.gouv.fr.