15ème législature

Question N° 34492
de Mme Justine Benin (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Guadeloupe )
Question écrite
Ministère interrogé > Comptes publics
Ministère attributaire > Comptes publics

Rubrique > outre-mer

Titre > Application de l'octroi de mer aux opticiens - accès au 100 % santé en outre-mer

Question publiée au JO le : 01/12/2020 page : 8548
Réponse publiée au JO le : 26/10/2021 page : 7826
Date de signalement: 02/03/2021

Texte de la question

Mme Justine Benin attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, sur l'assujettissement des opticiens ultramarins à l'octroi de mer de production pour la vente de lunettes depuis 2019. À ce jour, la direction générale des douanes et des droits indirects considère que les opticiens réalisent localement une activité de production au motif qu'ils ajustent des verres sur une monture qu'ils destinent à leurs clients, les rendant dès lors passibles d'un octroi de mer interne de 9,5 % en Guadeloupe, ce taux pouvant monter jusqu'à 25 % en Martinique et en Guyane, en s'appliquant à leur chiffre d'affaires de vente. Les représentants de la filière en outre-mer regrettent cette nouvelle réglementation, considérant que leur activité ne peut être entendue ni comme une activité de fabrication ni comme une activité de transformation au sens de l'octroi de mer. De fait, la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 dispose que « sont assujetties à l'octroi de mer les personnes qui exercent de manière indépendante une activité de production. Sont considérées comme des activités de production les opérations de fabrication, de transformation, de rénovation de biens meubles corporels ainsi que les opérations agricoles et extractives ». Or, dans une circulaire du 27 décembre 2018 relative au régime fiscal de l'octroi de mer, la direction générale des douanes et des droits indirects précise qu' « une fabrication s'entend de l'obtention d'un bien différent du ou des biens mis en œuvre ou utilisés pour l'obtenir ». La même circulaire fixe que « des lunettes correctrices obtenues à partir de verres de lunetterie, montures en plastiques, vis en aluminium, constituent un bien différent. Cette opération doit s'analyser comme une opération de fabrication soumise à la taxe, indépendamment des changements de positions tarifaires ». L'administration des douanes retient ainsi que l'activité d'assemblage et de montage des lunettes constitue une activité assujettie à l'octroi de mer de production, alors que les opticiens réalisent principalement leur activité dans le conseil, la prise de mesures, le montage et l'ajustage des lunettes de vue. Surtout, les représentants de cette filière s'inquiètent de ne pouvoir faire face à cette nouvelle charge, alors que la France est confrontée à une crise sanitaire et économique sans précédent. En outre, les surcoûts induits par l'octroi de mer de production menacent directement la capacité des citoyens des Antilles et de la Guyane à avoir accès à des lunettes à coût faible, notamment dans le cadre du panier de soins « 100 % santé » auquel ils n'auront plus accès si l'octroi de mer de production est maintenu. En effet, les prix limites de vente négociés en 2018 avec les acteurs de la filière ne prévoyaient pas à l'époque d'intégrer cette taxe pouvant s'élever jusqu'à 20 % du chiffre d'affaires, celle-ci étant dès lors répercutée sur les prix de vente. Aussi, au regard de cette situation, elle souhaite connaître les dispositions qu'il entend prendre pour préserver les activités des opticiens ultramarins et l'accès des citoyens à des lunettes à un prix maîtrisé.

Texte de la réponse

Conformément à l'article 1 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte et à La Réunion, sont soumises à l'octroi de mer interne « les livraisons de biens effectuées à titre onéreux par les personnes qui les ont produits. La livraison d'un bien s'entend du transfert du pouvoir de disposer d'un bien meuble corporel comme un propriétaire ». Il en découle que les activités de prestations de services sont effectivement exclues du champ d'application de l'octroi de mer. L'article 2 de la loi précitée modifiée par la loi n° 2015-762 du 29 juin 2015 précise toutefois que « sont assujetties à l'octroi de mer les personnes qui exercent de manière indépendante, à titre exclusif ou non exclusif, une activité de production », définie notamment comme une opération de fabrication ou de transformation. Il en ressort que les personnes qui accomplissent des prestations de services sont assujetties à l'octroi de mer interne pour la part des biens produits qu'elles livrent. Ainsi, dans le cas des opticiens, leurs activités scientifiques, relationnelles, d'achat-revente et d'adaptation du dispositif de vision à la vue des clients constituent des prestations de services, hors du champ d'application de l'octroi de mer interne. Toutefois, les livraisons de biens fabriqués et/ou transformés par eux sont soumises à l'octroi de mer interne. Il en va ainsi de la mise en œuvre de verres de lunetterie, de montures et de vis en aluminium qui permet d'obtenir des lunettes. Cette opération peut être qualifiée de fabrication en raison de l'obtention d'un bien différent et de transformation car le bien transformé se classe à une position tarifaire différente au niveau SH4 des biens mis en œuvre pour l'obtenir (critère objectif fixé par l'article 2 de la loi de 2004 modifiée par la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016). Par arrêt du 31 mars 2021 (Rassemblement des opticiens de France) n° 447979, le Conseil d'État a validé la position de la direction générale des douanes et droits indirects sur la notion de transformation (activité de production par transformation dès lors qu'il y a un changement de SH4). Les opticiens sont donc redevables de l'octroi de mer interne. Conformément à l'article 2 de la loi, seuls sont assujettis ceux dont le chiffre d'affaires de production atteint ou dépasse les 300 000 euros au titre de l'année civile précédente. Concernant la maîtrise des taux d'octroi de mer, elle est laissée à l'appréciation des collectivités territoriales, qui peuvent mettre en place un taux réduit ou nul. Par ailleurs, conformément à l'article 14 de la loi n° 2004-639, les entreprises qui importent des composants de lunettes peuvent déduire l'octroi de mer externe acquitté de leur octroi de mer interne.