15ème législature

Question N° 34863
de M. Michel Larive (La France insoumise - Ariège )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique
Ministère attributaire > Transition écologique et cohésion des territoires

Rubrique > bois et forêts

Titre > Scierie industrielle à Lannemezan

Question publiée au JO le : 15/12/2020 page : 9156
Date de changement d'attribution: 21/05/2022
Question retirée le: 21/06/2022 (fin de mandat)

Texte de la question

M. Michel Larive attire l'attention de Mme la ministre de la transition écologique sur le projet de scierie industrielle à Lannemezan. Baptisé Florian, du nom de l'industriel italien qui le porte, ce projet disproportionné et extractiviste menace une filière bois déjà en difficulté, dans les Hautes-Pyrénées. Tout d'abord le projet ne présente aucune garantie de création d'emplois durables. La scierie industrielle sera largement automatisée et n'embauchera directement que 25 ouvriers spécialisés et indirectement 80 à 90 ETP d'exploitants forestiers. Le futur exploitant ne s'est pas engagé sur le niveau des salaires ni sur la provenance de la main-d'œuvre qu'il compte embaucher. Par ailleurs, le projet implique des investissements publics très importants, de l'ordre de plusieurs millions d'euros. Mais il s'agit ici de s'attarder plutôt sur les enjeux écologiques de la forêt pyrénéenne, qui sont très importants. Cette forêt a longtemps souffert d'une exploitation excessive de la ressource bois et demeure fragile. Aujourd'hui, les méthodes productivistes brutales n'ont plus leur place dans les forêts. Il est nécessaire de rompre avec la vision exclusivement utilitariste de la forêt qu'entretiennent encore malheureusement un trop grand nombre d'industriels du bois. Cette façon de voir voudrait que l'on ait d'un côté la forêt pour produire avec ses plantations de douglas et autres résineux, ses coupes rases, etc., et de l'autre la forêt préservée, la forêt « loisir ». Le projet Florian tel qu'il est conçu aujourd'hui s'inscrit très clairement dans cette dynamique irrespectueuse des équilibres fragiles qui maintiennent la forêt et sa biodiversité en bonne santé. En effet pour monter en charge, la future usine aura besoin de 50 000 m3 de bois d'œuvre de hêtre par an, du bois de très bonne qualité. Mais seul 9 % environ du volume de l'arbre répond à ces critères de haute qualité. Les 91 % restants seront revendus ailleurs pour d'autres usages à préciser. Il faudra donc fournir Florian à hauteur de minimum de 540 000 m3 de hêtre par an. Plusieurs études ont été réalisées sur le projet, principalement d'après des données statistiques. L'étude fournie par l'ONF établit la projection suivante : au cours des 5 prochaines années il y a environ 180 000 m3 d'arbres à couper dans la région, mais seuls 16 500 m3 répondraient aux critères exigés par Florian. La même étude précise que seul 60 % de ce bois est exploitable tout de suite. Pour le reste du gisement, il sera nécessaire de construire de nouveaux aménagements comme des pistes par exemple. L'étude IGN a contrario se base sur un scénario qui prévoit d'exploiter des hêtres de 110-120 ans. Or c'est un cycle très court car beaucoup de hêtres ont plus de 500 ans. Cette étude indique par ailleurs qu'un tiers des parcelles ciblées ne sont pas exploitables immédiatement. Enfin les critères de qualité employés ne sont pas les mêmes que ceux exigés par Florian. La charte d'engagement signée par tous les partenaires du projet établit que, en forêt domaniale, il faudra fournir 30 000 m3 de bois exploitable. On est encore loin des 50 000 m3 demandés par Florian. C'est pourquoi des réflexions sont en cours afin d'aller chercher du bois plus loin, ce qui soulève la question du transport et des aménagements que cela implique. L'autre hypothèse probable est qu'il faille exercer une pression plus forte sur la forêt, ce qui aurait des conséquences néfastes sur les fragiles équilibres de celle-ci, mais aussi sur l'approvisionnement d'autres consommateurs de bois, comme les petites scieries entre autres. Enfin, il est aussi probable que l'industriel Florian décide de faire fonctionner son usine avec d'autres essences de bois, comme il l'avait d'ailleurs envisagé au départ. Les premières estimations fournies évoquent une pression sur la forêt multipliée par 5, et parlent de 10 000 grumiers par an en plus sur les routes. Le collectif Touche pas ma forêt a mené sa propre expertise contradictoire, non sur la base de données statistiques, mais à partir d'information récoltées sur le terrain. La surface couverte représente environ 60 % de l'échantillon étudié par les autres études. Mais ce collectif estime qu'il va manquer entre 35 et 40 % des volumes de production prévus, pour différentes raisons, analysées parcelle par parcelle dans leur étude. L'existence d'un projet comme celui de Florian n'est pas surprenante, compte tenu des logiques qui président depuis des années notamment à l'ONF et qui s'appuient sur l'idée que la forêt serait actuellement sous-exploitée. Pourtant, la comparaison avec d'autres pays montre que ce postulat est faux. Le collectif soutient par ailleurs que les forêts seraient plus productives si elles étaient portées à maturité, comme tendent à le démontrer notamment les travaux de l'association Prosilva. Mais pour cela il faudrait envisager une sylviculture qui concilie l'ensemble des enjeux liés à la forêt. Il s'agirait par exemple de laisser plus de bois mort sur place, de ne pas toucher certaines zones, d'effectuer des coupes sélectives et même de laisser les arbres pousser plus longtemps pour obtenir des diamètres plus importants. Ce type de sylviculture est tout à fait possible à condition de limiter la pression « économique ». Il lui demande quel commentaire elle peut faire sur le projet dit Florain, et quelles mesures elles compte mettre en œuvre pour relancer des filières bois locales et durables dans les territoires.

Texte de la réponse