Compétence jeunesse aux collectivités territoriales
Question de :
Mme Anne-Laure Cattelot
Nord (12e circonscription) - La République en Marche
Mme Anne-Laure Cattelot attire l'attention de Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales au sujet des compétences qui relèvent des collectivités locales. En effet, les collectivités territoriales possèdent des compétences différentes réparties selon s'il s'agit des communes, des départements ou des régions. Mme la députée interroge la ministre sur la question de la jeunesse, en particulier des jeunes les plus vulnérables. À ce jour, seuls les départements disposent d'un fonds d'aide aux jeunes en difficulté tel que prévu par l'article L. 262-3 du code de l'action sociale et des familles. Les politiques jeunesse représentent pourtant un enjeu territorial important, on le constate d'ailleurs avec la crise sanitaire que l'on traverse qui fragilise cette jeunesse française et amorce d'ores et déjà un décrochage social que le Président de la République a très justement évoqué lors de son interview donnée au média « Brut » le 4 décembre 2020. D'après l'enquête de l'INSEE « Conditions de vie et d'emploi pendant le confinement » publiée le 14 octobre 2020, les jeunes récemment entrés sur le marché du travail ont été les premières victimes de la chute brutale de l'activité économique. Si les collectivités territoriales interviennent en matière de politique de l'emploi afin d'assurer l'insertion professionnelle des jeunes, elles ne disposent pas de compétences propres dédiées à un accompagnement plus ciblé auprès des jeunes qui en ont le plus besoin afin d'anticiper le développement des jeunes « NEETs » : ni étudiants, ni employés, ni en formation, en remédiant aux freins empêchant leur émancipation. C'est pourquoi Mme la députée interroge Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur la possibilité de rendre obligatoire la compétence jeunesse aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), en particulier pour les 16-29 ans, en incluant cette compétence au code général des collectivités territoriales. En effet, les élus locaux, en particulier les maires, connaissent bien leur population et sont donc les plus à même aujourd'hui de repérer les situations de grande vulnérabilité dans leur commune. Alors que le Gouvernement s'est mobilisé depuis le début de la pandémie de covid-19 afin d'apporter des solutions d'urgence pour soutenir les jeunes les plus vulnérables, le plan « 1 jeune, 1 solution » présenté le 23 juillet 2020 et doté d'une enveloppe de 6,5 milliards d'euros témoigne de la nécessité à accompagner ces jeunes vers leur insertion professionnelle. Toutefois, Mme la députée interroge la ministre sur la possibilité de pérenniser des moyens d'action afin de garantir un avenir plus prometteur aux jeunes soumis à des situations d'échecs. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) l'a très bien illustré en proposant dans ses recommandations au Gouvernement le 2 juillet 2020 de rendre obligatoire une compétence jeunesse (16-29 ans) aux collectivités territoriales. C'est pourquoi, Mme la députée interroge Mme Jacqueline Gourault sur la position de son ministère pour envisager l'intégration de cette mesure dans la future loi 4D (décentralisation, différenciation, déconcentration, décomplexification) qui devrait être présentée en conseil des ministres en février 2021 pour être examinée ensuite au Parlement. Ce projet de loi, dont l'un des principaux objectifs est de simplifier la répartition des compétences entre les collectivités territoriales, pourrait prendre en compte la thématique jeunesse. Cette compétence jeunesse engagerait ainsi l'État et les collectivités territoriales dans un projet de territoire consacré à la jeunesse française, qui a plus que besoin aujourd'hui d'être accompagnée et soutenue. Elle aimerait savoir comment elle envisage de prévenir le développement du public dit « jeunes invisibles », en particulier dans les territoires ruraux et périurbains, et l'interroge sur la possibilité d'intégrer une compétence dédiée à la jeunesse, en particulier des 16-29 ans, au code général des collectivités territoriales.
Réponse publiée le 15 février 2022
Les collectivités territoriales disposent d'outils pour intervenir au service de la jeunesse, au travers des différentes compétences qu'elles exercent. L'insertion professionnelle relève de la compétence des départements au titre de leur rôle de chef de file de l'action sociale défini à l'article 3 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) : « III. Le département est chargé d'organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l'exercice des compétences relatives à : « 1° L'action sociale, le développement social et la contribution à la résorption de la précarité énergétique ; « 2° L'autonomie des personnes ; « 3° La solidarité des territoires. » L'article 94 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a réaffirmé les compétences des départements en matière d'action sociale en modifiant l'article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et en disposant que : « le conseil départemental règle par ses délibérations les affaires du département dans les domaines de compétences que la loi lui attribue. Il est compétent pour mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, à l'accueil des jeunes enfants et à l'autonomie des personnes. Il est également compétent pour faciliter l'accès aux droits et aux services des publics dont il a la charge. Il a compétence pour promouvoir les solidarités et la cohésion territoriale sur le territoire départemental, dans le respect de l'intégrité, de l'autonomie et des attributions des régions et des communes. ». Dans ce cadre, les départements disposent d'un fonds d'aide aux jeunes en difficulté dans le but de leur attribuer « des aides destinées à favoriser leur insertion sociale et professionnelle et, le cas échéant, leur apporter des secours temporaires de nature à faire face à des besoins urgents », conformément à l'article L. 263-3 du code de l'action sociale et des familles (CASF). Les autres collectivités territoriales et leurs groupements ont la possibilité de participer au financement de ce fonds. Les départements ont également la responsabilité de l'insertion sociale et professionnelle des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). Aux termes de l'article L. 6121-1 du code du travail, les régions développent quant à elles des actions envers les jeunes dans le cadre de leurs compétences en matière d'accès à la formation professionnelle et d'orientation, en accordant par exemple des aides individuelles à la formation, en organisant l'accompagnement des jeunes à la recherche d'emploi ou encore en contribuant à la mise en œuvre du développement de l'apprentissage sur leur territoire. Plus généralement, tous les niveaux de collectivités territoriales y compris les communes, ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI à fiscalité propre) ont la possibilité de participer aux missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes, telles que définies aux articles L. 5314-1 et suivants du code du travail. Rassemblant l'État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales, et des associations, les missions locales assurent « des fonctions d'accueil, d'information, d'orientation et d'accompagnement à l'accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi. » À ces fins, les missions locales mènent des actions destinées aux jeunes de 16 à 25 ans. Il est prévu qu'elles bénéficient de crédits supplémentaires dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution » annoncé en 2020 par le ministère du travail et du doublement des places en garantie jeunes en 2021. Les jeunes en difficulté pourront également bénéficier d'autres projets actuellement en cours de réalisation auxquels les différentes collectivités territoriales et leurs groupements sont amenés à participer. C'est le cas du déploiement du service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE) pour lequel le Gouvernement s'est engagé, à la suite d'une concertation nationale, lancée le 9 septembre 2019, dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Le SPIE a pour ambition de renforcer la coopération des acteurs pour rendre effectif le droit à un accompagnement personnalisé vers l'activité et l'emploi. Son déploiement s'appuie sur le volontariat des territoires, sur la base d'une expérimentation lancée en 2020 sur 14 territoires, et sur un appel à manifestation d'intérêt. Les collectivités territoriales et leurs groupements, en tant qu'acteurs de terrain, ont toute leur place dans le déploiement du SPIE. 31 territoires supplémentaires y participent depuis avril 2021 sur un objectif de 80 territoires engagés à la fin de l'année 2021. Par conséquent, le projet de loi 3DS ne prévoit pas d'intégrer une compétence dédiée à la jeunesse au sein du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements disposant de moyens pour participer à l'accompagnement des jeunes en difficulté.
Auteur : Mme Anne-Laure Cattelot
Type de question : Question écrite
Rubrique : Collectivités territoriales
Ministère interrogé : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère répondant : Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Dates :
Question publiée le 22 décembre 2020
Réponse publiée le 15 février 2022