15ème législature

Question N° 351
de Mme Emmanuelle Anthoine (Les Républicains - Drôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie et finances
Ministère attributaire > Économie et finances

Rubrique > entreprises

Titre > Commissaire aux comptes - Loi PACTE

Question publiée au JO le : 29/05/2018
Réponse publiée au JO le : 06/06/2018 page : 5358

Texte de la question

Mme Emmanuelle Anthoine attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur l'une des mesures du projet de loi PACTE visant à supprimer, pour certaines entreprises, l'obligation de faire appel à un commissaire aux comptes pour certifier leurs comptes annuels. En effet, le Gouvernement en proposant ce projet de loi prétendait vouloir faciliter la croissance des entreprises et rapprocher les Français de leurs employeurs. Parmi les mesures envisagées, l'une d'elles va venir modifier le périmètre d'intervention du commissaire aux comptes en relevant le seuil déclenchant l'obligation de certification des comptes pour les entreprises de 2 à 8 millions d'euros de chiffre d'affaires. Or cette mesure pénalise les petites et moyennes entreprises (qui représentent près de 60 % de la valeur ajoutée en France), nuit à l'emploi et à la vitalité des territoires. En effet, le rapport de l'IGF, qui recommande ce relèvement, note cependant que cette mesure entraînera mécaniquement la concentration du marché de l'audit au profit des 7 plus grands cabinets mondiaux, étrangers, implantés à Paris et dans les grandes métropoles, au détriment de l'économie locale. La chambre régionale des commissaires aux comptes de Grenoble estime que près de 120 cabinets devront fermer entraînant une perte de plus de 220 emplois et de 17,5 millions d'euros de chiffre d'affaires si cette mesure entrait en vigueur. Or le commissaire aux comptes est la clé de voûte de la confiance avec son rôle majeur d'alerte et de prévention des défaillances dans les entreprises. Selon une étude d'Ellisphère (décembre 2017) les entreprises recourant aux services d'un commissaire aux comptes présentent un taux de défaillance de 10,9 % contre 18,4 % pour celles qui s'en passent. Cette mesure semble paradoxale puisqu'elle retire des garanties aux entreprises privées au moment même où l'État souhaite introduire plus de transparence et de contrôles de qualité dans le secteur public notamment par un système de certifications pour les universités ou les hôpitaux. N'est-ce pas étonnant, au moment où les responsables aspirent à libérer l'innovation et les énergies créatrices, de songer à supprimer l'une des clés de cette liberté : la sécurité financière ? L'inefficience d'une telle mesure a été prouvée à plusieurs reprises dans des pays comme la Suède, le Danemark ou l'Italie qui aujourd'hui font machine arrière. Aussi, elle lui demande de reconsidérer la question des seuils obligatoires de contrôle légal des entreprises et d'envisager de manière concertée avec la profession des aménagements acceptables et profitables aux ambitions du projet de loi PACTE.

Texte de la réponse

RECOURS AUX COMMISSAIRES AUX COMPTES


M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine, pour exposer sa question, n°  351, relative au recours aux commissaires aux comptes.

Mme Emmanuelle Anthoine. Madame la secrétaire d’État auprès du ministre de l'économie et des finances, l'une des mesures du projet de loi PACTE – Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises – vise à supprimer, pour certaines entreprises, l'obligation de faire appel à un commissaire aux comptes pour certifier leurs comptes annuels. Contrairement aux arguments mis en avant par le Gouvernement, cette mesure va, d'une part, pénaliser les petites et moyennes entreprises, qui représentent près de 60 % de la valeur ajoutée produite en France, et, d'autre part, nuire à l'emploi et à la vitalité des territoires. Le rapport de l'inspection générale des finances qui recommande le relèvement du seuil rendant obligatoire l'appel à un commissaire aux comptes note tout de même que cette mesure entraînera mécaniquement la concentration du marché de l'audit au profit des sept plus grands cabinets mondiaux, la plupart étrangers, implantés à Paris et dans les grandes métropoles, et ce au détriment de l'économie locale. Globalement, ce sont 153 000 mandats sur 190 000, soit 80 %, qui disparaîtraient, ce qui entraînerait l'arrêt d'activité de 50 % des commissaires aux comptes. Dans le ressort de la chambre régionale des commissaires aux comptes de Grenoble, près de 120 cabinets devraient fermer, entraînant une perte de plus de 220 emplois et de 17,5 millions d'euros de chiffre d'affaires si jamais cette mesure entrait en vigueur.

Or vous n'êtes pas sans savoir que le commissaire aux comptes est la clé de voûte de la confiance, grâce à son rôle majeur d'alerte et de prévention des défaillances dans les entreprises. Selon différentes études récentes, les entreprises recourant aux services d'un commissaire aux comptes présenteraient un taux de défaillance de 10,9 %, contre 18,4 % pour celles qui s'en passent. J'ajoute que l'inefficience de la mesure que le ministre de l'économie et des finances envisage a été prouvée à plusieurs reprises dans des pays comme la Suède, le Danemark ou l'Italie, qui font aujourd'hui machine arrière.

Ainsi, madame la secrétaire d'État, pourquoi ne pas reconsidérer en l'état la question des seuils obligatoires de contrôle légal des entreprises, et envisager de manière mieux concertée avec la profession des aménagements qui soient acceptables et profitables au regard des ambitions du projet de loi PACTE ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances.

Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances. Madame la députée, dans le projet de loi PACTE, le Gouvernement souhaite alléger les obligations pesant sur les petites entreprises afin de faciliter leur développement. Dans ce cadre, il est en effet envisagé de relever les seuils de certification légale des comptes par un commissaire aux comptes au niveau prévu par le droit européen, c'est-à-dire 8 millions d'euros de chiffres d'affaires, 4 millions d'euros de bilan et cinquante salariés. Une analyse conduite par l'inspection générale des finances a conclu que la pertinence de seuils d'audit légal plus faibles que ceux fixés par le droit européen n'était pas établie. Notre démarche est conforme à l'objectif du Gouvernement d'éliminer les surtranspositions du droit européen dans notre droit national ; elle est également pleinement cohérente avec les orientations gouvernementales visant à établir un nouveau contrat avec les entreprises, contrat fondé sur la restauration de liens de confiance mutuelle entre l'État et les acteurs économiques.

Je reconnais toutefois que le relèvement des seuils d'audit constitue un défi pour la profession de commissaire aux comptes, impliquant une évolution en profondeur de son activité. Afin d'étudier de manière précise les conséquences de cette réforme et d'envisager les mesures d'accompagnement nécessaires, Bruno Le Maire a sollicité, conjointement avec sa collègue Nicole Belloubet, ministre de la justice, garde des Sceaux, l'appui d'une mission présidée par Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, sur l'avenir de la profession. Les conclusions de cette mission permettront au Gouvernement d'adopter, d'ici à l'été 2018, un plan d'action visant à accompagner la mise en œuvre du relèvement des seuils d'audit.

M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine. Si nous sommes tous favorables à la simplification des mesures relatives aux entreprises, ce que vous envisagez ne va pas dans le bon sens, madame la secrétaire d'État.

En effet, vos mesures vont occasionner de terribles dégâts. Or vous le savez bien, l'intervention des commissaires aux comptes permet la certification des comptes des entreprises et favorise donc – il ne faut pas l'oublier – leur transparence.

En outre, ces mesures feront des dégâts majeurs, tant sur le plan social que sur le plan humain, dégâts qu'il faudra bien prendre en considération.