15ème législature

Question N° 35485
de M. Fabien Roussel (Gauche démocrate et républicaine - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > entreprises

Titre > Surfacturation des prestations de services au sein d'un groupe

Question publiée au JO le : 12/01/2021 page : 139
Réponse publiée au JO le : 20/07/2021 page : 5850
Date de changement d'attribution: 26/01/2021
Date de signalement: 15/06/2021

Texte de la question

M. Fabien Roussel attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les conséquences néfastes de la surfacturation des prestations de services versées à un groupe par ses filiales sur le montant de la participation versée aux salariés. Ces redevances, qui se caractérisent souvent par une grande opacité, ne correspondent en effet pas toujours à des prestations effectivement réalisées. Pour autant, ces fees, assimilés à des achats externes à l'entreprise, sont juridiquement considérés comme des charges financières. Elles viennent donc en déduction de la valeur ajoutée de l'entreprise, à partir de laquelle est calculé le montant de la répartition. De Mac Donald à Wolters Kluers, ces pratiques déloyales se multiplient depuis des années et contraignent les organisations syndicales à de longues et coûteuses procédures judiciaires, sans certitude du résultat. Récemment, des représentants des salariés de l'entreprise Sapian, anciennement ISS Hygiène et Prévention, ont ainsi mandaté un cabinet d'experts pour évaluer une éventuelle surfacturation des fees versés au groupe danois ISS. Malgré une absence de transparence, volontairement orchestrée, dans les comptes, les salariés ont néanmoins pu estimer le manque à gagner sur la participation à plus d'un million d'euros par an sur les trois dernières années étudiées. La voie vers une action en justice est pourtant loin d'être dégagée, comme l'a confirmé le cabinet d'avocats sollicité par la CGT. En cause, une interprétation restrictive des textes existants et la difficulté extrême pour les salariés à démontrer le caractère injustifié d'une partie des fees remontés au groupe. Il lui demande donc de lui indiquer quelles mesures le Gouvernement peut prendre pour combler le vide juridique grâce auquel ces manœuvres injustes peuvent prospérer.

Texte de la réponse

Dans les entreprises comptant au moins 50 salariés, en application de l'article L. 3322-1 du code du travail, la participation garantit collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise. Elle est constituée sous la forme d'une réserve de participation déterminée en fonction du bénéfice net de l'entreprise. Le montant de la réserve résulte de modalités de calcul fixées par l'article L. 3324-1 du code du travail, ou par voie conventionnelle, pour autant que celle-ci offre des avantages équivalents. La formule légale intègre, dans des proportions prédéterminées, différents paramètres, tels que le bénéfice fiscal, les capitaux propres, les salaires et la valeur ajoutée. Chacun des éléments constitutifs de ces déterminants est précisé par les articles D. 3324-1 à D. 332-9 du même code. Le droit reconnu aux salariés prend la forme, dans le régime de droit commun, d'une participation calculée à partir du bénéfice net de l'entreprise. Ce droit s'exprime selon la formule suivante : R = 1/2 [B - (5 % C)] x [S/VA] dans laquelle : - B : représente le bénéfice net de l'entreprise ; - C : les capitaux propres de l'entreprise. Le soin de déterminer tant le bénéfice net que les capitaux propres est de la compétence de l'employeur mais les résultats sont sécurisés, l'article L. 3326-1 du code du travail disposant que le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes. Ce texte ajoute qu'ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application des dispositions relative à la participation. Cette règle de sécurisation juridique, comptable et fiscale s'applique aux salariés et à l'employeur. Nonobstant tous autres documents, comptables ou fiscaux, elle garantit les droits à participation des salariés, dès lors que l'attestation précitée établit que le bénéfice net de l'entreprise excède la rémunération aux taux de 5 % des capitaux propres. Pour la chambre sociale de la Cour de cassation, elle s'applique également au comité d'entreprise (anc.) (Cass. soc. 7 novembre 2001 n° 00-12.216) et aux organisations syndicales, même non signataires de l'accord de participation (Soc. 9-2-2010 n° 08-11.338), dont les actions sont jugées irrecevables. En outre, les salariés ne peuvent pas contourner cette règle en agissant sur le terrain de la responsabilité de l'entreprise (Cass. soc. 18 févier -2016 n° 14 12.614). Il demeure que dans certains cas, la réserve spéciale de participation peut faire l'objet d'une révision. Ainsi, selon l'article D. 3324-40, lorsque la déclaration des résultats d'un exercice est rectifiée par l'administration ou par le juge de l'impôt, le montant de la participation des salariés, au bénéfice dudit exercice, fait l'objet d'un nouveau calcul, au vu des rectifications apportées. Dans ce cadre, les salariés, présents dans l'entreprise lors de l'exercice au cours duquel les rectifications opérées par l'administration ou par le juge de l'impôt sont devenues définitives ou ont été formellement acceptées par l'entreprise, peuvent prétendre à la réserve spéciale de participation résultant de ce redressement fiscal. En outre, la Cour de cassation a jugé que lorsque l'attestation est incomplète, ne mentionnant pas par exemple le montant du bénéfice net, assimilable à une absence d'attestation, la contestation du montant de ce bénéfice net n'est pas irrecevable (Soc., 5 mars 2014, no12-29.315). Enfin, en application de l'article L. 3326-1 du code du travail, les contestations relatives au montant des salaires et au calcul de la valeur ajoutée relèvent de la compétence de la juridiction administrative. Par ailleurs, les conventions de prestations d'assistance au sein d'un même groupe répondent à des besoins très divers et sont utilisés dans de très nombreux cas. Elles sont encadrées par le droit commun des contrats, et la jurisprudence a dégagé, au fil des années, certaines conditions permettant de sanctionner d'éventuels abus, au cas par cas. Ces prestations peuvent également être remises en cause par l'administration fiscale selon les critères qui lui sont propres, notamment ceux qualifiant l'acte anormal de gestion. Au vu de leur équilibre d'ensemble et de leurs portées sociales, économiques, comptables et fiscales, le Gouvernement ne souhaite pas modifier les dispositions légales et règlementaires d'ordre public absolu qui régissent la participation des salariés aux résultats de leur entreprise.