15ème législature

Question N° 35507
de Mme Laurence Trastour-Isnart (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > Démolition du patrimoine français

Question publiée au JO le : 12/01/2021 page : 136
Réponse publiée au JO le : 13/04/2021 page : 3271

Texte de la question

Mme Laurence Trastour-Isnart attire l'attention de Mme la ministre de la culture sur la vulnérabilité du patrimoine bâti. Depuis deux siècles, la notion de patrimoine s'est imposée en conscience politique, ce patrimoine est l'ADN commun des Français et on a le devoir de le préserver. En effet, l'YNCREA, qui a racheté le lieu en 2019, a pour projet de détruire la chapelle Saint-Joseph à Lille. Cet endroit contient notamment de nombreux vitraux, ainsi que des tapisseries portant des scènes bibliques, ce qui est rare. À Sierck-les-Bains en Moselle, une importante demeure du XVIIème siècle, rappelant l'importance de la confrérie des drapiers en Lorraine, va être démolie par la mairie. En mars 2020, à Saint-Cloud, l'enceinte et le pavillon de garde Napoléon III de la manufacture nationale de Sèvres ont été détruits. Outre l'aspect onéreux et non écologique d'une démolition, détruire un bâtiment architectural aussi emblématique d'une époque est une atteinte au patrimoine bâti et à la culture française que l'on doit transmettre aux futures générations. « Puissions-nous faire que tous les enfants de France comprennent un jour que ces pierres vivantes leur appartiennent à la condition de les aimer », avait dit André Malraux, prédécessur de Mme la ministre, devant l'Assemblée nationale. Elle lui demande de bien vouloir se positionner sur le sujet, et aimerait savoir quelle solution le Gouvernement entend mettre en place pour préserver le patrimoine culturel menacé.

Texte de la réponse

La conservation du patrimoine demeure l'un des objectifs majeurs du ministère de la culture, qui suit avec toute l'attention possible les quelque 44 000 immeubles et 300 000 objets mobiliers classés et inscrits au titre des monuments historiques. Les trois sujets évoqués ont fait l'objet d'un examen très attentif. La chapelle Saint-Joseph de Lille, édifice néo-médiéval appartenant à l'association YNCREA, n'était pas protégée au titre des monuments historiques. En dépit de ses dimensions et des vitraux qui ornaient ses baies, cette grande chapelle n'avait pas été considérée comme présentant un intérêt tel qu'il justifie une inscription. Cet édifice n'était pas non plus identifié dans l'inventaire du patrimoine architectural, urbain et paysager du plan local d'urbanisme intercommunal applicable à Lille. Compte tenu du permis de démolir déjà délivré, le ministère de la culture n'aurait pu s'opposer à sa destruction qu'en prenant une instance de classement, puis une mesure de classement définitif d'office, au regard de la volonté du propriétaire de la démolir. Cet édifice ne méritait pas un classement et le classement d'office, mesure exceptionnelle et fortement attentatoire au droit de propriété, prise après avis de la commission nationale du patrimoine et de l'architecture et du Conseil d'État, ne saurait être envisagé que pour des édifices présentant un intérêt de tout premier plan. Il n'a donc pas paru possible de s'opposer à la démolition de la chapelle, même si le propriétaire a accepté une dépose soignée des vitraux et si les tapisseries ont bien évidemment été conservées. Le tribunal administratif de Lille a d'ailleurs rejeté deux requêtes en référé-suspension présentées par une association et plusieurs particuliers contre le refus de prendre une décision d'instance de classement sur cet édifice et le Conseil d'État a rejeté le pourvoi en cassation des requérants contre l'une des ordonnances du tribunal administratif. La maison de Sierck-les-Bains a, de son côté, été placée sous instance de classement, pour empêcher toute démolition intempestive, après que la commission régionale du patrimoine et de l'architecture a émis un avis favorable à son inscription au titre des monuments historiques et le vœu d'une instance de classement. Comme souvent, l'enjeu consistera, après sa protection, à ce que son propriétaire, ou un éventuel repreneur, s'engage dans sa restauration, pour laquelle il bénéficiera évidemment du soutien financer du ministère de la culture. S'agissant enfin du pavillon de Sèvres, il convient d'abord de bien préciser ce dont il s'agit : lorsque la manufacture et le musée de Sèvres ont été aménagés, au XIXe siècle, leur périmètre a été entouré d'un mur de clôture, dont les portes étaient flanquées de petits pavillons de garde construits sur le même modèle et dont l'emprise au sol était extrêmement modeste. Non dépourvus d'intérêt architectural, ces pavillons n'étaient cependant pas des chefs d'œuvre et leur classement au titre des monuments historiques est principalement dû à leur appartenance au domaine de Saint-Cloud, dont dépend historiquement la manufacture. Dans les années 2000, le département des Hauts-de-Seine, confronté à des difficultés et à une dangerosité de la voie départementale longeant la manufacture, a demandé à acquérir une bande de terrain pour créer une nouvelle voie de circulation et un trottoir sécurisé. Le ministère de la culture n'a alors pas souhaité consentir à cette cession pour ne pas entamer le domaine et un accord a été trouvé pour créer, non une voie de circulation automobile, mais une promenade piétonnière le long de la manufacture et du fleuriste du domaine. Cette solution a paru de nature à concilier les légitimes préoccupations de tous. La création de la promenade a toutefois rencontré des difficultés, liées aux murs de clôture et aux bâtiments se trouvant sur son tracé. Les murs ont, pour l'essentiel, pu être conservés et la création d'un passage voûté a été décidée sous le bâtiment construit par l'architecte Roux-Spitz pour l'ancienne école de céramique. Seul un pavillon de garde, dont le déplacement, un temps envisagé, s'est avéré trop onéreux au regard de son faible potentiel d'utilisation et de son intérêt architectural, somme toute modeste, n'a pu être conservé. Le ministère de la culture œuvre tous les jours, avec les instruments juridiques dont il dispose dans le code du patrimoine et qui ne sont pas négligeables, mais surtout en tentant de sensibiliser le public et les élèves à l'intérêt du patrimoine culturel et de sa préservation, pour la sauvegarde des monuments historiques. Dans les directions régionales des affaires culturelles, les conservations régionales des monuments historiques et les architectes des Bâtiments de France, dans des conditions parfois difficiles, s'efforcent de préserver de nombreux éléments du patrimoine, classés ou inscrits, en abords de monuments historiques ou dans les sites patrimoniaux remarquables. Leur action se heurte à d'autres intérêts parfois légitimes et des compromis s'avèrent alors nécessaires. Les sommes importantes consacrées, dans le cadre du plan de relance, à la restauration des monuments historiques, le « Fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des communes à faibles ressources » et le loto du patrimoine, créés en 2018 et qui rencontrent un vrai succès depuis lors, montrent la détermination du Gouvernement à préserver et à mettre en valeur, dans toute la mesure du possible, le patrimoine architectural de la France.