15ème législature

Question N° 35870
de Mme Huguette Tiegna (La République en Marche - Lot )
Question écrite
Ministère interrogé > Autonomie
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité routière

Titre > Conditions du contrôle de l'aptitude à la conduite des personnes âgées

Question publiée au JO le : 26/01/2021 page : 589
Réponse publiée au JO le : 19/04/2022 page : 2540
Date de changement d'attribution: 02/02/2021

Texte de la question

Mme Huguette Tiegna interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie, sur les conditions du contrôle de l'aptitude à la conduite des personnes âgées, sujet régulièrement remis à l'ordre du jour à la suite d'accidents de la circulation mettant en cause des automobilistes âgés de plus de 75 ans. En effet, le 7 janvier 2021, une personne de plus de 75 ans a provoqué, dans le Lot, un accident involontaire en coupant la route à une conductrice de moto, entraînant une amputation de la jambe de celle-ci. Cet accident a suscité une vive émotion au sein de la population locale. Même si les chiffres de la sécurité routière montrent que les conducteurs âgés ne sont pas à l'origine du plus grand nombre d'accidents sur la route, puisque, conscients de leurs limites, certains(es) privilégient les déplacements doux, tous les territoires ne le permettent pas. Ainsi, dans le Lot, département rural, les personnes âgées n'ont souvent pas d'autre choix que de continuer à conduire, parfois dans des conditions visuelles, auditives et physiques diminuées. Il parait donc vital de permettre aux aînés de pouvoir conduire le plus longtemps possible, dans de bonnes conditions, en veillant à la sécurité de tous. Pour ce faire, les assureurs, les collectivités locales et les caisses d'assurance maladie organisent, avec le soutien de l'État, des stages destinés aux conducteurs seniors. Ces stages facultatifs leur permettent d'actualiser leurs connaissances théoriques et pratiques et de prendre conscience de leurs limites. En France, une personne âgée de 75 ans qui a passé son permis, délivré à vie et sans examen médical il y a plus de 50 ans, peut ainsi conduire sans examen de ses capacités physiques liées à son âge ou à un traitement médical ou encore de ses connaissances du code de la route qui a évolué depuis le passage de son permis de conduire. Par ailleurs, sur le plan réglementaire, les articles R. 226-1 et R. 221-10 du code de la route prévoient un contrôle médical périodique pour les personnes atteintes d'une affection médicale incompatible avec la délivrance ou le renouvellement d'un permis de conduire ou qui est susceptible de donner lieu à la délivrance d'un permis de conduire de durée de validité limitée. Ces affections médicales sont recensées dans une liste annexée à un arrêté du 21 décembre 2005 modifié en 2010. Les conducteurs concernés sont tenus de déclarer toute affection médicale, y compris contractée postérieurement à l'obtention ou au renouvellement de leur permis de conduire. Dans le cas contraire, ils peuvent, en cas d'accident, voir leur responsabilité personnelle engagée sur le plan pénal et civil. Ces dispositions sont complétées par l'article R. 221-14 du code de la route qui donne au préfet le droit d'imposer un contrôle médical au titulaire d'un permis de conduire qui serait, selon les informations en sa possession, atteint d'une affection médicale incompatible avec la conduite et qui aurait sciemment ou non omis d'en faire la déclaration. En cas de refus, le préfet peut prononcer la suspension sine die du permis de conduire jusqu'à la production d'un avis médical déclarant l'intéressé apte à la conduite. Aussi, le conseil national de la sécurité routière a émis une recommandation sur le sujet « seniors, mobilité, conduite » et a rendu les conclusions suivantes au Gouvernement le 9 juillet 2019 : « Promouvoir le repérage des situations à risque, les auto-évaluations, les bilans de compétences et les remises à niveau des connaissances en fonction de l'avancée en âge et pouvant déboucher sur des alternatives à la conduite individuellement acceptées ». Dans un contexte où le vieillissement de la population va mécaniquement augmenter le nombre de conducteurs de plus de 75 ans, elle lui demande si le Gouvernement entend mettre en œuvre un contrôle régulier, voire obligatoire, des aptitudes à la conduite, passé un certain âge, en lien avec le médecin traitant, pour limiter les accidents impliquant des personnes âgées.

Texte de la réponse

Les statistiques de l'accidentalité établies par la Sécurité routière montrent que les personnes de 65 ans et plus ne forment pas la classe d'âge la plus responsable des accidents mortels sur la route. Les deux premières causes identifiées dans un accident mortel sont, par ordre décroissant, la vitesse (30%) et l'alcool (18%) qui concernent principalement les tranches d'âge plus jeunes. L'instauration d'un contrôle d'aptitude à la conduite pour l'ensemble des seniors ne semble donc pas justifiée par une suraccidentalité spécifique à cette classe d'âge. Les retours d'expérience conduits par les États ayant instauré un tel contrôle, conduisent également à s'interroger sur sa portée en termes de réduction de l'accidentalité. A titre d'exemple, une comparaison de l'accidentalité de la Finlande, qui exige des contrôles médicaux réguliers en liaison avec le renouvellement du permis de conduire à partir de 70 ans, avec la Suède, qui n'a pas instauré un tel contrôle lié à l'âge, ne montre aucune évolution différentielle de l'accidentalité entre ces deux pays. En revanche, la Finlande a enregistré un taux de mortalité plus élevé que la Suède parmi les usagers de la route âgés non protégés. Ce chiffre est vraisemblablement lié à une augmentation du nombre de piétons âgés ayant perdu leur permis de conduire. Une étude australienne est parvenue à une conclusion similaire. L'instauration d'une visite médicale obligatoire systématique pour les conducteurs, dont le rythme pourrait être établi en fonction de l'âge, n'est donc pas envisagée en France. L'Union européenne n'a d'ailleurs pas non plus rendu obligatoire ce type de visite médicale par une évolution de la directive du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 modifiée relative au permis de conduire. En France, l'axe privilégié pour répondre aux problèmes liés à certaines formes d'incapacité à la conduite qui peuvent toucher les seniors, consiste à favoriser le dialogue entre le conducteur et son médecin traitant, afin de donner les conseils utiles liés aux pathologies et aux médicaments consommés, au-delà de la seule considération de l'âge du conducteur. Certaines de ces pathologies et les traitements qui y sont associés peuvent nécessiter une adaptation des conditions de conduite. Une convention a été signée le 1er février 2021 entre la Délégation à la Sécurité Routière (DSR) et le Collège de Médecine Générale afin de sensibiliser les médecins généralistes à leur rôle sur les sujets de sécurité routière et à les inciter à évoquer cette question avec leurs patients et notamment les séniors. Certaines pathologies, marquées par des troubles cognitifs, dont la maladie d'Alzheimer, présentent une fréquence plus accrue avec l'avancée en âge. Un travail est donc aussi en cours, entre la fédération des centres mémoires et la DSR pour mieux évaluer les conséquences de ces pathologies sur la conduite et pour diffuser cette information chez les professionnels de santé. Par ailleurs, de nombreuses auto-écoles, associations ou compagnies d'assurance proposent des rendez-vous de remise en confiance pour la conduite adaptée aux besoins des seniors. Enfin, lorsque la conduite n'est plus possible ou plus souhaitée, des solutions de mobilités alternatives doivent être envisagées. Or, de nombreux seniors se heurtent à l'insuffisance ou l'inadaptation de l'offre de déplacement, en dehors de la voiture individuelle. Un nombre croissant de collectivités territoriales considèrent l'installation de seniors comme un atout pour leur développement et s'orientent désormais vers des dispositifs de transport véritablement inclusifs et de proximité (comprenant aussi des mobilités actives) afin que les seniors gardent une vie sociale riche. Cette approche respectueuse des aînés semble davantage compatible avec les objectifs de sécurité des déplacements pour l'ensemble des usagers de la route. Elle a fait l'objet d'échanges très riches lors du colloque « la mobilité des aînés, vivre, ensemble » organisé par la Délégation à la Sécurité Routière le 29 juin 2021.