Remboursement par l'assurance maladie des nouveaux traitements anti-migraineux
Question de :
M. Julien Ravier
Bouches-du-Rhône (1re circonscription) - Les Républicains
M. Julien Ravier attire l'attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur le remboursement par l'assurance maladie des nouveaux traitements antimigraineux. La migraine est un sujet de santé dont on ne parle que trop peu alors qu'elle constitue pourtant la maladie neurologique chronique la plus répandue dans le monde. Outre son impact sur la vie quotidienne et professionnelle, avec des douleurs invalidantes qui provoquent une diminution des capacités des patients, elle peut également conduire à l'apparition de syndromes dépressifs. Les essais thérapeutiques menés sur les injections d'anticorps anti-CGRP ont eu des résultats prometteurs, avec la diminution conséquente voire la disparition totale de la douleur chez les patients traités. Les laboratoires Novartis, Lilly et Teva qui développent ces médicaments ont obtenu les autorisations de mise sur le marché européen. Toutefois, malgré les améliorations spectaculaires des conditions de vie des patients et l'espoir suscité pour des milliers de Français, le Gouvernement a décidé en décembre 2020 de ne pas rembourser ces traitements. Or leur coût s'avère prohibitif pour la grande majorité des patients qui doivent débourser environ 600 euros pour chaque injection mensuelle. Il lui demande donc les raisons qui le poussent à ne pas rembourser les anticorps anti-CGRP pourtant efficaces dans le traitement de la migraine.
Réponse publiée le 4 janvier 2022
La migraine est une maladie douloureuse et invalidante qui peut se traduire par un handicap et une dégradation marquée de la qualité de vie, notamment pour les patients souffrant de migraine sévère. La commission de la transparence (CT) de la Haute Autorité de Santé (HAS), chargée d'évaluer l'intérêt thérapeutique de ces trois produits dans le panier de soins remboursable, souligne l'existence de différents traitements actuellement pris en charge dans le traitement de fond de la migraine et pouvant être considérés comme des comparateurs cliniquement pertinents de ces nouvelles spécialités. Ces comparateurs permettent une prise en charge de l'ensemble des stades de la pathologie avec des traitements de première et seconde intention (Lopressor, Seloken, Avlocardyl, Epitomax) mais également des traitements de recours (Sanmigran, Nocertone et Sibelium) ainsi que des alternatives non médicamenteuses pouvant être aussi mobilisées pour la prise en charge des patients. En raison de la démonstration d'une efficacité clinique par rapport à un placebo alors qu'il existe des comparateurs médicamenteux et d'une quantité d'effet modérée uniquement dans une sous-population, cette même commission a octroyé à EMGALITY®, AJOVY® et AIMOVIG® un service médical rendu (SMR) pour une population plus restreinte que celle de l'autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle recommande ainsi la prise en charge de ces traitements par la solidarité nationale dans un périmètre limité aux patients atteints de migraine sévère avec au moins huit jours de migraine par mois, en échec à au moins deux traitements prophylactiques et sans atteinte cardiovasculaire. Le service médical rendu octroyé est modéré pour AJOVY® et AIMOVIG® et important pour EMGALITY®. Ce SMR modéré octroyé à deux des trois médicaments reflète un rapport efficacité clinique/effet indésirable qualifié de moyen par la commission de transparence. Pour les trois médicaments, cette même commission a octroyé une amélioration du service médical rendu (ASMR) de niveau V, soit une absence d'ASMR, ce qui signifie que les anti CGRP ne représentent aucune amélioration du service rendu au regard des thérapeutiques existantes. Conformément aux dispositions de la loi, la fixation du prix d'un médicament tient compte principalement de son amélioration du service médical rendu. Les discussions tarifaires entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) et les laboratoires exploitant ces spécialités se sont ainsi fondées sur les critères légaux, réglementaires et conventionnels qui définissent le cadre de négociation, une spécialité d'ASMR V ne pouvant être inscrite au remboursement que dans le cas où elle génère une économie dans les coûts de traitement. Malgré plusieurs propositions de la part du CEPS, ces discussions n'ont pu aboutir du fait des prétentions tarifaires extrêmement élevées des industriels au regard des dépenses actuellement engagées pour le traitement médicamenteux de la migraine. Face à l'impossibilité pour les industriels de formuler des propositions tarifaires compatibles avec les dispositions législatives, réglementaires et conventionnelles se traduisant par un échec des négociations, de l'existence de sept autres médicaments pris en charge dans le traitement de la migraine, du risque de tolérance à long terme (risques cardiovasculaires et immunogénicité) et de l'absence de réponse supplémentaire au besoin médical partiellement couvert, ces trois antimigraineux anti CGRP n'ont pas pu être inscrits sur les listes des médicaments remboursables. Néanmoins, cette non-inscription ne préjuge pas de l'issue de nouvelles négociations qui pourraient se tenir à la demande d'un des laboratoires s'il souhaite s'inscrire dans le cadre réglementaire, ou encore après soumission à la commission de la transparence de nouvelles données permettant l'octroi d'une ASMR revalorisée. Les services du ministère de la santé sont pleinement conscients du besoin médical qui subsiste pour traiter des patients en impasse de traitement souffrant de migraine, qui du fait de sa grande prévalence et du retentissement qu'elle induit, est classée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) parmi les vingt maladies ayant le plus fort impact sociétal. Ils espèrent que les laboratoires seront en mesure de déposer de nouvelles données démontrant l'intérêt du produit par rapport à des comparateurs médicamenteux ou accepteront de négocier dans le cadre réglementaire existant. Au-delà, des travaux récents mettent en lumière l'impact de l'inhibition de la protéine HDAC6 dans la réduction de la douleur liée à la migraine et ouvrent également la voie au développement de nouvelles alternatives thérapeutiques dans cette pathologie.
Auteur : M. Julien Ravier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Assurance maladie maternité
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Dates :
Question publiée le 2 février 2021
Réponse publiée le 4 janvier 2022