15ème législature

Question N° 35922
de M. Loïc Kervran (Agir ensemble - Cher )
Question écrite
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Mémoire et anciens combattants

Rubrique > défense

Titre > IGI n°1300 et communication des archives publiques

Question publiée au JO le : 02/02/2021 page : 821
Réponse publiée au JO le : 16/02/2021 page : 1470
Date de changement d'attribution: 09/02/2021

Texte de la question

M. Loïc Kervran attire l'attention de Mme la ministre des armées sur l'instruction générale interministérielle n° 1300 relative à la protection du secret de la défense nationale et ses conséquences en matière de libre communication des archives publiques. L'instruction générale, mise en place en 1952 et régulièrement mise à jour, avait modifié en 2010 la règle et prescrit que tous les documents classifiés devaient faire l'objet d'une déclassification avant tout communication. Toutefois, jusqu'à ce que le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale demande, en juillet 2019, une application stricte de ses dispositions, elle ne posait pas d'obstacle majeur à la communication d'archives. La nouvelle interprétation beaucoup plus stricte concerne plusieurs dizaines de millions de documents, considérés avant 2010 comme librement communicables, qu'il s'agit désormais de repérer un à un au sein de cartons où ils se trouvent à côté d'éléments restés librement communicables : l'opération a donc un coût important, le ministère des armées ayant déjà embauché 30 contractuels pour la mettre en œuvre. Les personnels du service historique de la défense sont fortement mobilisés sur ces tâches, ce qui entrave les autres missions du service. De plus, la situation engendre une restriction d'accès aux informations publiques, pourtant essentielle dans un État de droit, et peut sembler en contradiction avec le souhait du Président de la République, qui a par exemple accordé une dérogation générale sur les documents relatifs à l'affaire Maurice Audin. L'application stricte de l'IG 1300 conduit de façon paradoxale à restreindre l'accès aux archives de la guerre d'Algérie. Elle nuit également à la recherche historique. Les délais du code du patrimoine (50 ans pour les archives relevant du secret de la défense nationale et 100 ans pour celles mettant en danger la sécurité des personnes) semblent déjà suffisamment protecteurs. Aussi, il lui demande ce qui permettrait de revenir à une application raisonnée de l'instruction générale.

Texte de la réponse

Les archives publiques sont, en vertu de l'article L. 213-1 du code du patrimoine, « communicables de plein droit », le cas échéant à expiration des délais prévus à l'article L. 213-2. Ce principe ne saurait être remis en cause par des dispositions de niveau réglementaire. Aussi les dispositions de l'instruction générale interministérielle n° 1300 prévoyant un démarquage avant communication des documents classifiés de plus de cinquante ans n'ajoutent-elles rien au droit existant mais se bornent-elles à tirer les conséquences nécessaires de la révision du code pénal intervenue en 1994. Depuis cette date, en effet, sont protégés par le secret de la défense nationale, en vertu de l'article 413-9 du code pénal, l'ensemble des documents intéressant la défense nationale ayant « fait l'objet de mesures de classification destinées à restreindre leur diffusion ou leur accès ». Cette définition du secret, strictement formelle, fait obstacle à une déclassification « automatique » ou de facto. Un document marqué d'un timbre de classification est, en effet, au sens de l'article 413-9 précité, un document ayant fait l'objet d'une mesure de classification. Sa divulgation serait donc, quelle que soit son ancienneté, de nature à exposer tant les archivistes y ayant donné accès que les chercheurs y ayant accédé à des poursuites pénales, du chef des délits prévus aux article 413-10 à 413-12 du code pénal. La sécurité juridique de l'ensemble des acteurs impose que tout document classifié, même communicable « de plein droit » en vertu des dispositions du code du patrimoine, fasse, avant communication, l'objet d'une mesure de déclassification. Celle-ci se traduit notamment par l'apposition, sur le document, d'un timbre de déclassification. Cette opération préalable de démarquage doit, par ailleurs, permettre à l'administration de déterminer la date de départ du délai de 50 ans susmentionné. Si ce délai, en effet, court à compter de la date d'émission du document quand ce dernier est isolé, il trouve, en revanche, son origine, quand le document demandé est inclus dans un dossier, à la date d'émission du document le plus récent inclus dans le dossier. Ainsi, il n'est pas possible d'affirmer que tous les documents classifiés antérieurs à 1970 sont aujourd'hui communicables de plein droit. Le ministère des armées est très attaché au développement de la recherche historique et à l'accès du monde de la recherche à ses fonds. C'est une des missions essentielles du service historique de la défense. Dès lors face aux retards constatés, parfois importants, pour accèder aux archives, en raison de la conciliation du droit pénal et du droit du patrimoine, le ministère des armées a, au cours de l'année 2020, adopté un plan d'action incluant, d'une part, une déclassification au carton, et non au document, pour les archives antérieures à 1954 et, d'autre part, une augmention de ses effectifs affectés à des tâches de démarquage, afin de permettre le meilleur accès aux archives. Les délais ont ainsi été significativement réduits et le seront encore. Il ne saurait, dès lors, être raisonnablement soutenu que des documents tels que ceux, classifiés, relatifs à la seconde guerre mondiale sont devenus inaccessibles.