Rubrique > recherche et innovation
Titre > Stratégie et ambition françaises en Antarctique
M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la nécessité de reconstruire une stratégie française forte en Antarctique, notamment à l'occasion de la présidence française de la réunion consultative du traité sur l'Antarctique (RCTA). En cette année 2021 seront célébrés deux anniversaires d'événements majeurs ayant contribué à une meilleure connaissance scientifique du pôle Sud de la planète : le 60e anniversaire de l'entrée en vigueur du traité sur l'Antarctique et le 30e anniversaire de la signature du protocole de Madrid, dont la France est co-initiatrice avec l'Australie et qui définit un nouveau cadre juridique en faveur de la protection de l'environnement du grand continent blanc en définissant l'Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». L'année 2021 est d'autant plus l'occasion de construire une ambition nationale renouvelée pour les recherches conduites en Antarctique que la France présidera à Paris du 14 au 24 juin 2021 les deux conférences annuelles de négociations internationales adossées à ces événements géopolitiques : la 43e réunion consultative du traité sur l'Antarctique (RCTA XLIII) et la 23e réunion du comité pour la protection de l'environnement (CPE XXIII) mis en place par le protocole de Madrid. La présidence française de cette réunion annuelle des 54 États parties du traité sur l'Antarctique est historique puisque, depuis la signature du Traité en 1959, la France l'a présidé à seulement deux reprises, en 1968 et en 1989, et que la prochaine présidence française se tiendra en 2050. Or, alors que la France est sur le point d'accueillir les 54 États membres signataires du traité sur l'Antarctique, la communauté scientifique française s'inquiète du manque d'ambition de la présence française en Antarctique, et notamment du manque cruel de moyens octroyés à l'Institut polaire français Paul-Émile-Victor (IPEV). Cette agence nationale de moyens et de compétences est chargée d'implémenter les recherches polaires françaises depuis 1992 en organisant les expéditions et en assurant la maintenance et le développement des infrastructures dédiées. Mais l'IPEV dispose aujourd'hui de beaucoup moins de moyens que les autres nations comme par exemple la Corée du Sud, l'Australie, l'Allemagne ou encore le Royaume-Uni en matière d'investissements en Antarctique au service de la recherche. Ces dernières investissent annuellement trois fois plus que la France pour remplir les mêmes missions logistiques et opérationnelles dans les milieux polaires. Même l'Italie, qui a débuté son investissement en Antarctique seulement en 1984, soit 40 ans après la France, octroie plus de moyens à son opérateur polaire que la France. Plus grave, par manque de moyens et de volonté politique, l'IPEV est contraint de réduire ses ressources humaines depuis au moins 15 ans, alors même que la pression scientifique s'accroît. Les enjeux scientifiques, logistiques et opérationnels sont pourtant bien présents, car la France dispose de deux stations de recherche en Antarctique (Dumont d'Urville sur la côte et Concordia au cœur du continent), qui nécessitent urgemment un plan de rénovation et de modernisation. La première a en effet vu ses derniers investissements matérialisés au cours des décennies 1960 et 1970 et la deuxième, construite en 2005 pour une durée de vie de 30 ans, parvient à demi-vie. À ce jour, la France est considérée comme une nation polaire majeure. Si sa voix est particulièrement écoutée dans le cadre du système du traité sur l'Antarctique, cela tient en priorité à l'excellence et à la visibilité de sa recherche scientifique en Antarctique, reconnue au meilleur niveau international dans des domaines aussi variés que la glaciologie, la géophysique, l'écologie ou la biologie. La compétitivité de la science française en Antarctique et plus largement la puissance polaire française dépendent plus que jamais des orientations politiques et budgétaires qui seront prises dans les tous prochains mois. Parmi les pistes de réflexion pour affirmer une politique ambitieuse de la France en Antarctique figurent la modernisation des deux stations françaises, la fixation d'un objectif « zéro carbone » pour celles-ci à l'horizon de 2050, l'octroi à l'IPEV de moyens suffisants pour conduire des campagnes océanographiques récurrentes dans l'océan circumantarctique, soit en adaptant son navire brise-glace ravitailleur L'Astrolabe, soit en se dotant d'un navire de façade de petite capacité, permettant en particulier d'étudier de manière plus approfondie la zone maritime que la France souhaite inscrire dans le réseau de nouvelles aires marines protégées (AMP). À l'aune de ces enjeux éminemment stratégiques, il l'interroge donc sur les intentions du Gouvernement pour poursuivre une stratégie française forte en Antarctique, notamment à l'occasion de la présidence française de la réunion consultative du traité sur l'Antarctique (RCTA).