15ème législature

Question N° 3687
de Mme Christine Pires Beaune (Nouvelle Gauche - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > commerce extérieur

Titre > Conséquences pour l'agriculture des accords entre l'Union européenne, le Canada

Question publiée au JO le : 12/12/2017 page : 6231
Réponse publiée au JO le : 10/04/2018 page : 2992
Date de renouvellement: 20/03/2018

Texte de la question

Mme Christine Pires Beaune attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur les accords entre l'Union européenne, le Canada et le Mercosur. Malgré l'absence de ratification par les Parlements nationaux du CETA, sa mise en application est particulièrement alarmante pour les filières d'élevage et en particulier la filière bovine française. Car le volet agricole du texte d'accord ne comporte aucune réelle garantie quant au respect des normes européennes ou de la qualité des productions. L'ouverture du marché européen, sans droits de douanes, à 65 000 tonnes de viandes bovines canadiennes produites au sein de feedlots en est l'exemple le plus frappant. Ces négociations et la conclusion de ce traité vient ainsi impacter directement l'ensemble des éleveurs du Puy-de-Dôme. Ainsi, personne n'a pu à ce jour démontrer l'intérêt pour les Européens de disposer de viande bovine canadienne, transitant sur des milliers de kilomètres et aux normes environnementales et de qualité bien inférieures, alors que les productions communautaires et locales, à l'instar du charolais, sont reconnues. Aussi, elle lui demande, au regard de la gravité désormais reconnue des conséquences du CETA pour le secteur agricole, s'il compte au final refuser la signature de cet accord et pour le Mercosur, si le Gouvernement envisage une révision du mandat de négociation de l'accord de l'UE-Mercosur, conformément aux engagements pris par le président de la République à Rungis le 12 octobre 2017.

Texte de la réponse

L'accord économique et commercial global avec le Canada (AECG/CETA) est entré en application provisoire le 21 septembre 2017. Il sera soumis au Parlement français en 2018. Dans le cadre du CETA, l'Union européenne a octroyé un contingent supplémentaire de viande bovine de 45 840 tonnes dans les six ans. Ce volume supplémentaire constitue de la part des européens une concession importante : elle est la contrepartie d'un meilleur accès au marché canadien pour nos entreprises, notamment pour les fromages avec l'obtention dans le CETA d'un contingent total de 18 500 tonnes, et de la protection de 175 indications géographiques dont 42 françaises (dont « cantal », « fourme d'Ambert », « Saint-Nectaire », « bleu d'Auvergne »). L'ensemble des importations de viande canadienne devra respecter les préférences collectives européennes pour entrer sur le marché européen : seules seront admises les viandes issues de bêtes, nées, élevées et abattues au Canada. Les viandes issues d'animaux traités avec des hormones de croissance ou toute autre substance anabolisante utilisées comme facteur de croissance resteront strictement interdites. De même, seules les techniques de décontamination des carcasses employées au sein de l'Union européenne pourront être utilisées par les abattoirs canadiens. Afin d'assurer une mise en œuvre exemplaire du CETA, le Gouvernement a installé une commission d'experts indépendants pour mesurer l'impact de l'accord sur l'environnement, le climat et la santé. Suite aux recommandations de cette commission, le Gouvernement a adopté le 25 octobre 2017 un plan d'action. Ce plan permettra d'assurer un suivi de l'impact économique de l'accord sur les filières agricoles et de renforcer la traçabilité des produits importés au travers de programmes d'audits sanitaires et phytosanitaires. Le plan d'action vise en outre à vérifier que l'application du CETA, dont la lettre respecte strictement les choix de société du consommateur européen, est effectivement conforme aux préférences collectives françaises. Par ailleurs, le plan d'action rappelle que le principe selon lequel tout produit qui entre dans l'Union européenne doit respecter les règles du marché intérieur, en particulier les normes sanitaires et phytosanitaires, est pour la France non-négociable. Il vise également à améliorer la prise en compte des enjeux sanitaires et de développement durable dans l'ensemble des accords commerciaux afin d'assurer une meilleure cohérence entre la politique commerciale et notre modèle de production agricole, sûr pour le consommateur et engagé dans une transition écologique. S'agissant des négociations avec le Mercosur, le Gouvernement est pleinement mobilisé pour assurer la défense des intérêts français et ainsi garantir la préservation du dynamisme économique des territoires. La France, soutenue par d'autres États membres, considère ainsi que la conclusion de l'accord UE-Mercosur est tributaire de l'équilibre entre l'ouverture du marché et la protection des filières sensibles agricoles dans la négociation, en particulier, le bœuf, l'éthanol, le sucre et les volailles. Concernant la viande bovine, l'Union européenne a proposé à l'automne 2017 un contingent de 70 000 tonnes équivalent carcasse (tec). Face à la pression du Mercosur pour élever ce quota au-delà de 100 000 tec, la France demande que ce contingent soit le plus limité possible et ne s'écarte pas significativement de 70 000 tec. En cohérence avec les actions décidées dans le cadre du plan d'action sur la mise en œuvre du CETA, le Gouvernement fait en outre valoir que les concessions tarifaires sur les produits sensibles doivent s'inscrire dans les limites d'une « enveloppe globale », permettant de définir ce qui est soutenable pour les filières au regard du marché, à l'échelle de l'ensemble des négociations en cours ou à venir (Australie, Nouvelle-Zélande, Mexique…). Il se mobilise également pour l'ajout de mesures permettant de rétablir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs français et ceux des pays du Mercosur (mécanisme de sauvegarde et conditions non tarifaires liées aux modes de production). Concernant le volet sanitaire et phytosanitaire, le Gouvernement sera particulièrement vigilant pour que soit garantie la fiabilité du système sanitaire du Mercosur avant la conclusion de l'accord. Il reste du travail à mener pour atteindre le stade final de cette négociation, le Mercosur devra démontrer qu'il peut proposer à l'Union européenne un accord protecteur de ses sensibilités et synonyme d'avancées pour les secteurs agricoles offensifs. Le Gouvernement sera attentif jusqu'à la conclusion pour préserver les intérêts des filières agricoles françaises.