15ème législature

Question N° 3753
de M. Ugo Bernalicis (La France insoumise - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > La systématisation des boxes fermés dans les salles d'audience

Question publiée au JO le : 12/12/2017 page : 6263
Réponse publiée au JO le : 07/08/2018 page : 7200
Date de signalement: 03/07/2018

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la généralisation des boxes fermés par des panneaux de verre dans les salles d'audiences, qui interroge sur le sens que le ministère de la justice souhaite donner au procès pénal. Alors qu'au titre de l'article 318 du code de procédure pénale, « l'accusé comparait libre et seulement accompagné de gardes pour l'empêcher de s'évader », une telle systématisation de ces cages sécurisées procède (en toute autorité) à une révolution de la conduite du procès pénal. Sous couvert du pragmatisme et de l'efficacité, le ministère de la justice développe dans les tribunaux en France une idéologie sécuritaire, attentatoire à la présomption d'innocence et aux droits de la défense. En effet, après avoir réduit la politique pénitentiaire au tout carcéral, ce sont désormais les salles d'audience qui font les frais de ce tropisme sécuritaire distillant dangereusement cette idéologie qui veut imposer la violence de l'enfermement dès l'audience aux personnes prévenues, pourtant présumée innocente. Les professionnels de la justice dénoncent une véritable atteinte à la présomption d'innocence, aux droits de la défense, une déshumanisation des justiciables en les réduisant à une dangerosité supposée, Un recours a d'ailleurs été déposé devant le Défenseur des droits par la section locale du Syndicat des avocats de France le 13 octobre 2017 et la contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) a elle aussi été saisie. Lors de la visite de la commission des lois au nouveau tribunal de grande instance de Paris des Batignolles, M. le député a pu constater le caractère déshumanisant de ces boxes, qui réduisent les personnes à des animaux en cage, plus présumées dangereuses qu'innocentes ! Ce principe est posé comme postulat a priori, par la configuration même de l'espace du tribunal. Il est indéniable que ce modèle a un impact psychologique déplorable sur les prévenus, mais aussi sur les jurés dans les cours d'assises, qui devront se prononcer sur la culpabilité de quelqu'un à l'égard duquel sont érigées des mesures importantes de sécurités. Ce sont autant de professionnels qui contestent cette généralisation des boxes vitrés ultrasécurisés partout en France : Aix-en-Provence, Bobigny, Colmar, Créteil, Évry, Grenoble, Meaux, Nanterre, Paris-Les Batignolles, Pontoise, Saint-Étienne, Strasbourg, Versailles, M. le député condamne fermement ce modèle architectural, qui consacre une déshumanisation et un déterminisme de culpabilité pour les prévenus. Il condamne également l'application systématique des règles de sécurité les plus dures pour l'ensemble des profils, considérant que l'usage des boxes ultrasécurisés doit être restreint à des situations particulières définies selon des critères objectifs. Enfin, il condamne l'atteinte aux droits de la défense, que constitue la systématisation de cette pratique, qui par sa généralisation constitue un moyen disproportionné et donc contraire aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ainsi qu'à l'article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen. Ainsi, il souhaite connaître précisément l'état de la situation des boxes fermés sur l'immobilier de la justice (nombre de boxes vitrés existant, en cours de construction et prévus, leur proportion dans l'ensemble du patrimoine de la justice). En outre, il souhaite connaître la doctrine en la matière : notamment, les critères objectifs permettant de justifier un tel usage, les statistiques relatives aux évasions et violences lors des audiences. Enfin, il lui demande un état budgétaire de la construction de ces boxes : notamment le coût par rapport aux escortes, et la communication d'une éventuelle évaluation budgétaire.

Texte de la réponse

Le ministère de la justice, attaché à l'image de la justice, est garant du respect et des exigences qui gouvernent la tenue d'un procès. Il est également responsable de la sécurité des magistrats, des fonctionnaires de justice, des avocats, des justiciables ainsi que du public. La Garde des Sceaux a réaffirmé la nécessité pour les palais de justice d'être doté de salles suffisamment sécurisées. L'utilisation de box vitrés permet ainsi d'assurer une sécurité adaptée lors de certains procès, comme les procès d'assises, les audiences liées au terrorisme ou à la criminalité organisée. Dans d'autres situations, notamment dans la plupart des audiences de comparution immédiate, le recours à un box sécurisé ne s'impose pas. Ce choix doit appartenir au président d'audience. C'est un principe de proportionnalité qui doit s'imposer. Il se traduit par une adaptation des impératifs de sécurité à la réalité physique des palais de justice et aux principes qui gouvernent la tenue des audiences. Il existe actuellement 229 box sécurisés. Un budget de 12,5 M euros a été engagé dans le cadre des plans de lutte anti-terroriste pour mettre en place de tels box. La Garde des Sceaux a suspendu, depuis le 22 décembre 2017, le déploiement des box vitrés dans les salles d'audience des juridictions. Elle a demandé à la direction des services judiciaires que toutes les dispositions soient prises pour que les box avec des barreaux soient démontés et qu'à la demande des chefs de juridiction, des travaux d'aménagement soient conduits dans les plus brefs délais pour apporter toutes les modifications nécessaires afin que les droits des personnes qui comparaissent soient respectés.