15ème législature

Question N° 3755
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > langue française

Titre > Place de la langue française à l'organisation des Nations unies

Question publiée au JO le : 12/12/2017 page : 6250
Réponse publiée au JO le : 27/02/2018 page : 1691

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la place de la langue française à l'Organisation des Nations unies. Par l'article 111 de sa charte, l'ONU reconnaît six langues officielles : l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol, le français et le russe. Seules l'anglais et le français sont néanmoins les langues de travail du secrétariat général. Depuis une décennie, l'usage du français recule considérablement à l'ONU et dans ses diverses instances au profit de l'anglais. Ainsi, d'après le recensement fait par l'organisation internationale de la francophonie, sur les 63 sites internet de l'ONU, seuls 11 sont véritablement multilingues. Dans les trois quarts des procédures de recrutement, l'anglais est la seule langue obligatoire requise et le manuel d'instruction à destination des personnes souhaitant poser leur candidature n'est disponible qu'en anglais. Par ailleurs, 90 % des documents reçus par les services de traduction de l'ONU à New York sont rédigés en langue anglaise, de même que 80 % de ceux reçus à Genève. Les documents rédigés en français ne représentent respectivement que 4 % et 10 % des documents. Enfin, si l'interprétariat est assuré la plupart du temps dans les réunions officielles, il n'en est pas de même pour les réunions informelles. En effet, seules 12 % de celles-ci se déroulent avec un interprète. Or qualifiées "d'informelles" parce qu’elles ne figurent pas au calendrier onusien, ces réunions jouent évidemment un rôle essentiel dans les négociations. La France est signataire du vade-mecum sur la langue française dans les organisations internationales établi en 2006 par l'Organisation internationale de la francophonie (OIF). De plus, la résolution A/RES/70/9 du 13 novembre 2015 réaffirme que le multilinguisme est une « valeur fondamentale » des Nations unies. Il souhaite donc lui demander quelles actions et initiatives compte prendre la France au sein des Nations unies pour défendre l'usage du français et lutter contre la progression du monolinguisme.

Texte de la réponse

La montée en puissance de l'anglais dans les enceintes internationales en général, y compris à l'ONU, est incontestable. La France, notamment par la voix du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, entend maintenir ses efforts pour garantir au français la place qui lui est due à l'ONU. Il serait irréaliste d'imaginer que chaque collaborateur de l'ONU et des représentations permanentes des États membres auprès de l'ONU maîtrise le français ou soit à chaque entretien, à chaque discussion, accompagné d'un interprète. Dès lors, il convient d'agir dans deux directions : d'une part, rester inflexibles s'agissant du respect des langues de travail et des langues officielles de l'ONU, à la fois via l'interprétation systématique requise par les textes, l'investissement dans la formation linguistique et la prise en compte de ce critère dans les procédures de recrutement et de promotion au sein de l'Organisation ; d'autre part, promouvoir l'apprentissage du français à l'étranger, dans une logique à la fois de renforcement de la compréhension mutuelle et de démonstration des effets bénéfiques du multilinguisme. Concrètement, différentes actions sont et continueront à être mises en œuvre pour s'assurer que les langues officielles de l'ONU et les langues de travail du Secrétariat sont placées sur un pied d'égalité. Dans le cadre des résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies (AGNU), et en particulier celles comprenant des dispositions relatives au multilinguisme (résolution multilinguisme (A/71/328), résolution sur la coopération ONU/OIF (A/71/289), résolution sur les questions relatives à l'information (71/101 A-B - mandat de DPI), résolution sur la gestion des ressources humaines (A/71/263 – mandat d'OHRM), la France porte, seule ou en association avec des États membres affinitaires (membres de l'OIF, ou d'autres groupes linguistiques), des positions fermes sur le maintien de principes et sur l'introduction d'éléments concrets pour la mise en œuvre d'un multilinguisme effectif conforme aux textes. Ainsi, la dernière résolution sur le multilinguisme (A/71/328) se réfère pour la première fois au multilinguisme comme "valeur fondamentale"de l'ONU ; tandis qu'au plan opérationnel, ont été introduites des dispositions concrètes relatives aux achats, aux procédures en matière de ressources humaines, aux opérations de maintien de la paix et aux objectifs de développement durable. En coopération avec l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et ses États membres, la France mène des actions régulières pour s'assurer que les différents départements du Secrétariat des Nations unies mettent effectivement en œuvre les dispositions relatives au multilinguisme (par exemple, la publication intégrale des "manuels du candidat" en français). Elle poursuivra et intensifiera ces actions. La France entend encore renforcer sa coopération déjà étroite avec le Département de l'Assemblée générale et de la gestion des conférences au sein du Secrétariat des Nations unies, en particulier avec sa coordinatrice pour le multilinguisme, afin de trouver des solutions efficaces au quotidien pour un fonctionnement véritablement multilingue des organes des Nations unies. Sur le plan du recrutement, la France continuera à défendre systématiquement une meilleure prise en compte des compétences linguistiques par le Bureau des ressources humaines et de la gestion, et au Département de l'Appui aux Missions. Elle maintiendra enfin ses interventions systématiques, seule ou en coordination avec l'OIF, lorsqu'une entorse aux règles relative à l'usage du français comme langue de travail ou langue officielle de l'Organisation est portée à sa connaissance.