15ème législature

Question N° 38417
de Mme Nathalie Porte (Les Républicains - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Mémoire et anciens combattants
Ministère attributaire > Mémoire et anciens combattants

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Titre > Réalisation de tests ADN sur les personnes inhumées sans identité

Question publiée au JO le : 27/04/2021 page : 3583
Réponse publiée au JO le : 15/06/2021 page : 4937

Texte de la question

Mme Nathalie Porte attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants sur la situation des anciens combattants ou des victimes civiles enterrés sans identité. Elle lui indique que la Bataille de Normandie, à l'été 1944, a fait près de 20 000 morts dans le Calvados, la Manche et l'Orne, et qu'un certain nombre de ces victimes ne sont toujours pas identifiées. Elle lui fait part des demandes répétées d'associations qui militent pour la mise en œuvre de tests ADN sur ces défunts, afin de pouvoir résoudre un certain nombre d'énigmes. Plus largement, elle lui rappelle l'intérêt de la proposition de loi déposée en 2018 par M. Di Filippo, pour rendre désormais obligatoire les tests ADN avant de procéder à l'inhumation d'une personne sans identité connue. Elle lui demande de bien vouloir lui préciser la position du Gouvernement sur ces sujets.

Texte de la réponse

Le projet d'effectuer une analyse génétique des victimes non identifiées de la Bataille de Normandie soulève plusieurs difficultés et contraintes juridiques et éthiques. Le cadre juridique des analyses génétiques est défini par les dispositions du code civil relatives au respect dû au corps humain, à l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne et à l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques, d'une part, et par celles du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) relatives aux sépultures militaires perpétuelles, d'autre part. Les articles 16 à 16-9 du code civil proclament l'inviolabilité du corps humain et le respect qui lui est dû. Cette obligation de considération n'est pas rompue par la mort. Le législateur n'autorise l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques que dans un nombre limité de cas. Ainsi, celle-ci peut être réalisée dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire, à des fins médicales ou de recherche scientifique, pour établir lorsqu'elle est inconnue l'identité de personnes décédées, ou dans les conditions prévues à l'article L. 2381-1 du code de la défense, qui autorise les personnels des forces armées à effectuer des prélèvements biologiques en opérations, hors du territoire national, sur des personnes décédées ou capturées représentant une menace pour la sécurité des personnes ou des populations. Des prélèvements aux mêmes fins doivent être réalisés sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés afin de confirmer ou d'infirmer l'identité présumée des défunts non identifiés. Le consentement exprès de chaque personne concernée doit être recueilli par écrit après que celle-ci ait été dûment informée de la nature de ce prélèvement, de sa finalité ainsi que du caractère à tout moment révocable de son consentement. Dans ces conditions, une opération visant à identifier par des recherches ADN les soldats et victimes civiles de la Bataille de Normandie, comme des conflits passés, se heurterait à de nombreuses difficultés concrètes, auxquelles s‘ajoutent les circonstances de leur décès. Il convient à cet égard de distinguer la situation des combattants et victimes inhumés comme inconnus en sépultures perpétuelles, conformément aux dispositions du CPMIVG, de celle des combattants découverts fortuitement, notamment à l'occasion de travaux dans les zones où se déroulèrent les combats. Dans le premier cas, les tentatives d'identification ont été effectuées avant l'inhumation, selon les techniques et moyens de l'époque. Il serait inopportun de remettre en cause ces recherches par une exhumation qui pourrait constituer une violation de sépulture et une atteinte à l'intégrité d'un cadavre, sanctionnées par l'article 225-17 du code pénal, notamment si ces recherches se révélaient infructueuses, ce qui représente une éventualité non négligeable. Dans le second cas, les restes mortels de soldats tués au combat ou de victimes civiles de bombardements peuvent être retrouvés mélangés : c'est donc chaque ossement qui devrait faire l'objet d'une analyse qui pourrait concerner plusieurs dizaines de milliers de fragments. De plus, le défaut de fiabilité de ces données sur des restes mortels que le temps a détériorés ne permettrait pas de garantir des résultats à la hauteur de l'espérance que l'on aurait fait naître dans les familles concernées. Pour les mêmes raisons, il n'est pas davantage envisageable de procéder de manière systématique à des tests ADN avant l'inhumation de restes mortels découverts sans avoir pu être identifiés, ce qui qui soulèverait en outre des interrogations quant aux modalités de conservation de ces données.