15ème législature

Question N° 39159
de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > presse et livres

Titre > Bilan de la loi PACTE en matière d'annonces judicaires et légales

Question publiée au JO le : 25/05/2021 page : 4291
Réponse publiée au JO le : 29/03/2022 page : 2083
Date de renouvellement: 15/03/2022

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller interroge Mme la ministre de la culture sur le bilan de la loi PACTE en matière d'annonces judicaires et légales. Le 22 mai 2019, l'article 3 de la loi PACTE est venu modifier la loi du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales. Les modifications apportées ont notamment eu pour objet l'ouverture aux services de presse en ligne (SPEL), et l'habilitation à publier des annonces judiciaires et légales (AJL) à compter du 1er janvier 2020. Après plus d'un an d'application de cette nouvelle législation, le syndicat national de la presse judiciaire constate que les chiffres des habilitations démontrent que la loi PACTE n'atteint pas ses objectifs. Alors qu'elle visait à faire émerger de nouveaux acteurs et à faciliter l'accès à la presse en ligne au marché des annonces légales, en 2021, les habilitations des pures players représentent à peine 10 % des habilitations (seulement 35 nouveaux acteurs pour l'ensemble de la France). À l'instar des habilitations 2020, les habilitations 2021 de SPEL ont majoritairement profité aux acteurs déjà présents sur le marché puisque 90 % des habilitations ont été obtenues par des acteurs ayant également des habilitations papier. Plus précisément, il apparaît que la loi PACTE ait été détournée de son objectif par « les majors » du marché qui ont obtenu des habilitations sur l'ensemble du territoire national, y compris sur des territoires où ils ne sont pas implantés localement et pour lesquels ils ne produisent pas de contenu, et ce au détriment des acteurs locaux qui ne peuvent résister aux moyens déployés sur le web par ces grands acteurs. On peut s'interroger sur la maîtrise et la bonne application des nouveaux textes permettant l'habilitation des sites de presse en ligne par les services préfectoraux. En effet, beaucoup de ces services ont attribué des habilitations à des demandeurs qui ne respectaient manifestement pas les conditions fixées par le décret et les lignes directrices qui les accompagnent, en particulier l'obligation d'un contenu local renouvelé de façon hebdomadaire. On constate sur le terrain de premières défections de petits éditeurs depuis 2020 et qui risquent de s'accélérer en 2021, après la seconde vague d'habilitation de SPEL. À titre d'illustration, parmi les 219 nouvelles habilitations de SPEL en 2021, on constate par exemple qu'un seul groupe de presse concentre à lui seul 62 de ces nouvelles habilitations. Elle souhaite ainsi connaître son analyse et ses propositions face aux problématiques rencontrées par les acteurs de la presse judiciaire.

Texte de la réponse

Les annonces judiciaires et légales (AJL) répondent à un véritable enjeu d'information et de transparence pour les citoyens sur la vie des entreprises et, plus largement, sur l'activité économique des acteurs territoriaux. L'article 3 de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite « loi PACTE ») a réformé en profondeur le régime juridique des AJL. Il a ainsi procédé à l'ouverture aux services de presse en ligne (SPEL) de la possibilité d'être habilité à publier des AJL, à la suppression des habilitations par arrondissement et à l'augmentation du niveau d'exigence quant à la surface consacrée aux contenus d'information pour les titres sollicitant l'habilitation à publier des AJL. Cette réforme du régime juridique des AJL marquait la volonté du Gouvernement de favoriser la visibilité de ces annonces par l'ensemble des citoyens qui s'intéressent à la vie locale. Il convient de noter que l'article 3 de la loi PACTE n'avait pas pour objectif d'ouvrir la possibilité d'être habilité à publier des AJL aux seuls services tout en ligne mais bien à l'ensemble des SPEL, y compris ceux édités par des entreprises de presse éditant également une publication papier. Pour l'année 2021, environ 1 200 habilitations ont été accordées par les préfectures dans l'ensemble des départements français (contre 980 en 2020). Ces 1 200 habilitations se répartissent entre 650 habilitations de publications de presse (contre 660 en 2020) et 550 habilitations de SPEL (contre 320 en 2020). Ces 1 200 habilitations ont bénéficié à environ 840 publications de presse et SPEL différents (555 publications de presse et 285 SPEL), certains étant habilités dans plusieurs départements. Parmi les SPEL, les « tout en ligne » ont été plus nombreux à être habilités cette année (49 habilitations ayant bénéficié à 36 SPEL tout en ligne en 2021 contre 23 habilitations ayant bénéficié à 17 SPEL tout en ligne en 2020). Cette hausse est due notamment à une augmentation du nombre de SPEL tout en ligne candidats. L'habilitation de services tout en ligne concerne essentiellement les départements les plus peuplés et où l'activité économique est la plus forte. Ainsi, alors qu'aucun SPEL ne pouvait être habilité à publier des AJL en 2019, 285 d'entre eux (dont 36 services tout en ligne) l'ont été en 2021. L'objectif d'ouverture aux SPEL portés par la loi PACTE est donc pleinement atteint. Si le nombre de services tout en ligne habilités reste modeste, cela s'explique par la complexité du marché des AJL et des dépenses qu'il convient de réaliser pour y entrer. En effet, se faire connaître des annonceurs (essentiellement des entreprises) est long et potentiellement coûteux. Par ailleurs, les SPEL gratuits doivent faire certifier leurs chiffres de fréquentation par un tiers indépendant, ce qui représente là aussi un coût. Parmi les critères que publications de presse et SPEL doivent respecter pour être habilités, le 4° de l'article 2 de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les AJL dispose que les titres candidats doivent « comporter un volume substantiel d'informations originales dédiées au département et renouvelées sur une base au moins hebdomadaire ». Aussi l'habilitation à publier des AJL n'est aucunement réservée à des titres de presse locaux, mais bien à ceux qui produisent suffisamment d'informations locales. Si le respect de ce critère, comme tous les autres, est à apprécier par les préfets, ceux-ci sont néanmoins guidés dans leur appréciation par des lignes directrices publiées à leur attention sur le site Internet du ministère de la culture et actualisées chaque année. Pour la campagne d'habilitation 2022 menée fin 2021, les lignes directrices appelaient les préfets à être particulièrement vigilants quant au respect de ce critère ayant trait au caractère substantiel du volume d'informations originales dédiées au département. Elles leur donnaient également des indications afin de faciliter leur analyse des dossiers de candidatures reçus. Cette actualisation des lignes directrices a été rédigée en concertation avec l'association de la presse pour la transparence économique, qui regroupe l'ensemble des organisations professionnelles d'éditeurs de presse habilités à publier des AJL et qui édite la plateforme Actulégales centralisant l'ensemble des annonces légales concernant la vie des entreprises. Par ailleurs, si un éditeur de presse estime que c'est à tort que le préfet a habilité une publication de presse ou un SPEL ou, au contraire, a refusé son habilitation, les voies de recours de droit commun, y compris contentieuses, sont bien sûr à sa disposition. La réforme du régime juridique des AJL introduite par la loi PACTE a donc d'ores et déjà atteint son objectif d'ouverture aux SPEL et se poursuit par la voie réglementaire, notamment au travers d'une réforme de la tarification des AJL (passage à une tarification forfaitaire pour les AJL les plus courantes et à une tarification au caractère pour les autres catégories d'AJL) et d'une modernisation de leurs règles de présentation, toutes deux souhaitées par les éditeurs de presse et élaborées en complète concertation avec leurs représentants.