15ème législature

Question N° 39564
de M. Frédéric Petit (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Titre > Indemnisation - privation de liberté - garde à vue

Question publiée au JO le : 15/06/2021 page : 4830
Réponse publiée au JO le : 07/09/2021 page : 6724

Texte de la question

M. Frédéric Petit attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'indemnisation de l'État en raison d'une privation de liberté ordonnée par l'autorité judiciaire (en dehors de l'hypothèse exceptionnelle de la révision d'une décision de justice). Dans l'état actuel de la législation, deux cas précis et limités la permettent : d'abord, lorsqu'il y a eu détention provisoire et que la procédure s'est terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive (article 149 du code de procédure pénale), ensuite, lorsque le service public de la justice a été défectueux et que la garde à vue s'est déroulée dans des conditions constitutives d'une faute lourde. Le seul fait de placer légalement un individu en garde à vue sans engager ultérieurement de poursuites à son encontre ne constitue pas, en tant que tel, une faute lourde de l'État. Par ailleurs, il ressort de ces dispositions que le placement en garde à vue légalement décidé dans le cadre d'une procédure pénale donnant lieu à une décision de classement sans suite pour absence d'infraction ne peut, en tant que tel, donner lieu à aucune indemnisation de la personne ayant été privée de liberté puisqu'une telle décision ne s'inscrit pas dans les cas visés par l'article 149 du code de procédure pénale (qui ne vise que la détention provisoire) et ne traduit pas un fonctionnement défectueux du service public de la justice. M. le député s'étonne donc qu'un individu placé en détention provisoire puisse prétendre à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention en cas de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement alors qu'un même individu placé en garde à vue ne puisse pas bénéficier d'un régime similaire en cas d'absence de poursuites pour défaut d'infraction. Il demande donc au Gouvernement des éclaircissements sur ce point et s'il prévoit éventuellement de revoir le régime d'indemnisation des personnes gardées à vue ne faisant finalement l'objet d'aucune poursuite.

Texte de la réponse

Aux termes de l'article 62-2 du code de procédure pénale, la garde à vue est une mesure de contrainte visant les personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement. Cette privation de liberté nécessite en outre que la mesure constitue l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs visés par ce texte : permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne, garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête, empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels, empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches, empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres susceptibles d'être ses coauteurs ou complices, garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. Lorsqu'aucun de ces critères n'est réuni, la personne mise en cause ne peut faire l'objet d'une mesure privative de liberté et doit être entendue dans le cadre de l'audition libre prévue par l'article 61-1 du même code. En tout état de cause, conformément à l'article 62-3, la mesure de garde à vue, dont la durée est par ailleurs limitée et précisément encadrée par les textes et qui s'accompagne de l'exercice de droits spécifiques, s'exécute sous le contrôle du procureur de la République ou du juge d'instruction qui apprécie si le maintien de la personne en garde à vue et, le cas échéant, la prolongation de cette mesure, sont nécessaires à l'enquête et proportionnés à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre. Les décisions de classements sans suite à l'issue d'une enquête peuvent en outre être prises pour de multiples raisons, de sorte que l'absence de poursuite ne signifie pas nécessairement l'absence de toute charge contre la personne soupçonnée. De surcroît, si le code de procédure pénale prévoit des mécanismes d'indemnisation spécifique pour les victimes d'erreur judiciaire (article 626-1) et du fait des détentions provisoires (article 149) et que ces dispositions n'incluent pas le cas d'une garde à vue n'ayant donné lieu à aucune poursuite, il n'en demeure pas moins que des voies de recours existent. Le statut de la magistrature régit ainsi la responsabilité des magistrats à raison de leur faute personnelle (article L. 141-2 du code de l'organisation judiciaire). De plus, la responsabilité de l'Etat du fait de la police judiciaire peut également être engagée sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire. Ainsi, l'usager du service public n'est pas privé de recours et peut agir en responsabilité si le choix ou le déroulement de la garde à vue révèlent une faute lourde. Par conséquent, le Gouvernement n'envisage pas de revoir le régime d'indemnisation des personnes gardées à vue ne faisant l'objet d'aucune poursuite.