Engrais phosphatés
Question de :
M. Christian Jacob
Seine-et-Marne (4e circonscription) - Les Républicains
M. Christian Jacob attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'utilisation des engrais phosphatés à teneur en cadmium élevée. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a confirmé que l'alimentation est la source dominante d'exposition au cadmium. Le cadmium est largement présent dans certains engrais phosphatés utilisés en France, provenant principalement d'Afrique du Nord. Lorsqu'il est appliqué dans les champs, le cadmium s'accumule dans les sols, puis est absorbé par les cultures et finit à terme dans l'assiette du consommateur. La pollution des sols par le cadmium est un problème en Bretagne par exemple, comme l'ont récemment rapporté les médias français. C'est pour cette raison que, en septembre 2019, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES) a établi une nouvelle valeur toxicologique de référence (VTR) et a fortement encouragé le Gouvernement français à abaisser les niveaux de cadmium dans les engrais jusqu'à 20 mg/kg de P2O5 pour en limiter l'accumulation dans les sols, le transfert vers les plantes et in fine l'exposition des consommateurs au cadmium par l'alimentation. À partir du 22 juillet 2022, l'Union européenne interdira tous les engrais inorganiques dont la teneur en cadmium est supérieure à 60 mg/kg de P2O5. Les engrais dont la teneur en cadmium est inférieure à 20 mg/kg de P2O5 peuvent bénéficier d'un « label vert », afin d'éclairer les agriculteurs dans leurs achats. Plusieurs États membres de l'UE sont allés encore plus loin en demandant à la Commission européenne de les autoriser à mettre en œuvre des interdictions encore plus strictes par la diminution du seuil de cadmium présent dans les engrais phosphatés. Les pays d'Europe du Nord continuent également d'appliquer leurs lois nationales avec des limites strictes. D'autres pays envisagent d'adopter des mesures supplémentaires. Aussi, il est souhaitable d'encourager fortement l'utilisation d'engrais phosphatés dont la teneur en cadmium est inférieure à 20 mg/kg de P2O5, compromis raisonnable compte tenu de l'offre abondante de sources alternatives de phosphore « propre », notamment au Canada, en Égypte, en Afrique du Sud, en Russie et en Arabie Saoudite. Les droits d'importation sur les engrais présentant les plus faibles concentrations de métaux lourds doivent être supprimés pour éviter les distorsions de prix. Parallèlement, les agriculteurs devraient bénéficier d'un financement par le biais des éco schémas de la PAC pour l'utilisation d'engrais propres, tandis que le nettoyage des phosphates devrait également faire partie des prochains plans de gestion des nutriments du projet « de la ferme à la fourchette ». Il lui demande s'il a l'intention d'encourager l'utilisation des engrais phosphatés à faible teneur en cadmium.
Réponse publiée le 5 octobre 2021
L'origine du cadmium dans les sols est à la fois naturelle (altération des roches, émissions volcaniques) et anthropique (usages des intrants et retombées des émissions industrielles) et du fait de sa forte persistance, le cadmium s'accumule durablement dans les sols. Dans son avis 2015-SA-040 du 17 juin 2019, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) recommande de limiter la contamination des sols afin de baisser l'exposition humaine au cadmium et propose ainsi de réduire les apports par la fertilisation, notamment par les engrais minéraux phosphatés qui sont les plus gros contributeurs en cadmium et sont importés. Il s'agit donc en premier lieu d'un sujet de santé publique et d'une question de souveraineté pour l'agriculture. Le volet agricole de la feuille de route économie circulaire (FREC) publié en 2019, promeut la mobilisation de fertilisants issus de ressources renouvelables avec une qualité agronomique et sanitaire élevée. Ces fertilisants issus du recyclage sont, soit sous forme organique tels que des déchets alimentaires, des déchets verts, des effluents organiques agricoles et industriels, soit sous forme minérale tel que la struvite (phosphore issu de stations d'épuration), généralement moins contaminés en cadmium. L'objectif est de réduire la dépendance de l'agriculture française aux engrais issus de ressources non renouvelables (tels que les engrais phosphatés issus de la roche mère et potentiellement contaminés en cadmium), contribuant ainsi à améliorer la résilience de l'agriculture. Dans cette perspective, le volet agricole de la FREC appelle à soutenir les projets d'innovations favorisant le déploiement des technologies d'extraction de nutriments à partir de différentes matières issues du recyclage, via notamment le volet agricole du grand plan d'investissement, et à enclencher une dynamique de recherche et développement sur ce sujet au sein notamment des instituts techniques et de recherche agronomique. Par ailleurs, de nombreux dispositifs d'aide et de soutien notamment ceux de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) soutiennent le développement de filières de production de fertilisants organiques issus de l'économie circulaire qui, en sus de permettre la valorisation des déchets organiques, permettent de se substituer aux engrais issus de ressources non renouvelables. Il est important d'encourager l'utilisation d'engrais à faible teneur en cadmium. Les propositions faites, et qui pour partie relèvent du niveau européen, font partie des options à l'étude. Au plan national, un projet de réglementation transversale sur l'innocuité et l'efficacité des matières fertilisantes dit « Socle commun de matières fertilisantes » est en préparation. Il découle de plusieurs lois récentes qui convergent sur la nécessité de fixer des teneurs maximales en contaminants, en particulier les teneurs maximales admises en éléments-traces métalliques, dont le cadmium, pour les matières fertilisantes quelles que soient leur nature et leur origine. L'objectif est d'assurer un niveau de protection homogène des sols agricoles et des productions alimentaires quelle que soit la voie de mise sur le marché du fertilisant (autorisation de mise sur le marché, conformité à une norme française, conformité au règlement européen, cahier des charges, plan d'épandage, etc.). Il est prévu dans ce projet de réglementation nationale de limiter le risque lié à la présence de cadmium dans les matières fertilisantes via l'encadrement des teneurs maximales en cadmium dans les matières mais aussi via l'encadrement des apports en cadmium cumulés sur une même parcelle, comme recommandé par l'Anses.
Auteur : M. Christian Jacob
Type de question : Question écrite
Rubrique : Produits dangereux
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Dates :
Question publiée le 15 juin 2021
Réponse publiée le 5 octobre 2021