15ème législature

Question N° 39670
de M. Philippe Benassaya (Les Républicains - Yvelines )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > étrangers

Titre > L'affaire K.I c. France (requête n° 55690/19)

Question publiée au JO le : 22/06/2021 page : 5001
Réponse publiée au JO le : 26/10/2021 page : 7842

Texte de la question

M. Philippe Benassaya attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la récente décision rendue par la Cour européenne des droits de l'Homme, le 15 avril 2021. Dans cet arrêt, la Cour énonce une distinction entre la qualité et le statut de réfugié. Il résulte de cet arrêt que le fait qu'un individu condamné pour terrorisme voie son statut de réfugié révoqué ne permet pas de justifier son renvoi vers un pays où il pourrait faire l'objet de traitements inhumains ou dégradants. Un tel arrêt énonce donc que le juge européen estime qu'un juge français doit faire abstraction dans sa décision d'expulsion des sanctions pénales desquelles la personne réfugiée a fait l'objet. Il l'interroge sur les conséquences concrètes d'un tel arrêt en droit interne français.

Texte de la réponse

Dans son arrêt K.I. c. France du 15 avril 2021, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a conclu qu'« il y aurait violation de l'article 3 de la Convention en son volet procédural, si le requérant était renvoyé en Russie en l'absence d'une appréciation ex nunc par les autorités françaises du risque qu'il allègue encourir en cas de mise à exécution de la mesure de renvoi ». L'appréciation de la portée de cet arrêt appelle deux clarifications. D'une part, la CEDH a effectivement utilisé la distinction entre le statut et la qualité de réfugié. Elle a souligné à cet égard que la révocation par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du statut de réfugié d'une personne condamnée pour terrorisme, en application de l'ancien article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu article L. 511-7 du même code depuis le 1er mai 2021, ne signifie pas que l'intéressé ne conserve pas, en droit, la qualité de réfugié. Un tel principe n'est toutefois pas nouveau, ni propre au demeurant à la CEDH : il est appliqué tant par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, affaires jointes C 391/16, C 77/17 et C 78/17, 14 mai 2019), que par le Conseil d'Etat (CE, n° 428140, 19 juin 2020). Dans l'arrêt K.I. c. France, la CEDH a estimé que, dans les circonstances particulières de l'affaire, les autorités internes n'avaient pas suffisamment pris en compte le fait que le requérant avait conservé la qualité de réfugié en dépit du retrait de son statut de réfugié. Le constat de violation de la CEDH reposait donc exclusivement sur des insuffisances de nature procédurale propres à l'affaire en question, qui ne remettent pas en cause le droit interne pertinent en matière de révocation du statut de réfugié ou d'éloignement de ressortissants étrangers. D'autre part, la CEDH a clairement indiqué qu'elle n'excluait pas l'éloignement d'une personne dont le statut de réfugié a été révoqué, dès lors que les autorités nationales ont procédé à un examen approfondi et complet de la situation personnelle de l'intéressé et vérifié s'il possédait encore ou non de la qualité de réfugié. La France reste ainsi déterminée à mener les actions nécessaires pour assurer tant le plein respect de ses engagements internationaux que la conduite d'une politique de sécurité intérieure exigeante, attachée à assurer à la fois la sécurité des Français et le respect des droits.