15ème législature

Question N° 3
de M. Hubert Wulfranc (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > aménagement du territoire

Titre > Contestation de la DUP du projet de contournement autoroutier de Rouen par l'Est

Question publiée au JO le : 05/12/2017
Réponse publiée au JO le : 13/12/2017 page : 6399

Texte de la question

M. Hubert Wulfranc interroge Mme la ministre, auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports, sur la déclaration d'utilité publique rendue par le Gouvernement sur le projet de contournement autoroutier de Rouen par l'est. Il conteste le rapport coût financier / bénéfices / nuisances du projet validé par le Gouvernement. Le coût global du projet est sous-évalué, la participation de l'État demeure incertaine, le décongestionnement de l'hypercentre de l'agglomération rouennaise n'est pas assuré, une accumulation de risques sanitaires, de nuisances sonores et environnementales est avérée sur certains points critiques du parcours notamment en zone urbaine, un projet répondant aux seuls intérêts des transporteurs routiers alors qu'il sera financé par les contribuables locaux qui ne bénéficieront pas d'une réelle amélioration de la circulation du fait de la présence d'un péage dissuasif. Il lui demande de ne pas donner suite à ce projet d'infrastructure anachronique à l'heure de la transition écologique.

Texte de la réponse

CONTESTATION DE LA DÉCLARATION D'UTILITÉ PUBLIQUE DU PROJET DE CONTOURNEMENT AUTOROUTIER DE ROUEN PAR L'EST


M. le président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour exposer sa question, n°  3, relative à la contestation de la déclaration d'utilité publique du projet de contournement autoroutier de Rouen par l'est.

M. Hubert Wulfranc. Madame la ministre chargée des transports, vous venez de signer le décret déclarant d'utilité publique le projet de contournement autoroutier de Rouen par l'est. Ce projet suscite une forte contestation de la part de nombreuses associations, d'élus et des habitants des communes rurales et urbaines directement touchées. Ainsi, les deux tiers des contributions déposées lors de l'enquête publique émettaient des avis négatifs.

Le rapport entre coûts, bénéfices et nuisances du projet de liaison pose particulièrement problème. Son coût financier, estimé à 1 milliard d'euros toutes taxes comprises, est très largement sous-évalué si l'on en croit les critiques formulées par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l'ARAFER, et par l'Autorité de la concurrence, lesquelles pointent les surprofits générés par les sociétés concessionnaires d'autoroutes, qui surfacturent leurs dépenses d'investissement.

Pour ce projet, il est attendu du concessionnaire qu'il apporte 500 millions d'euros d'investissements, à charge pour lui de se rembourser via un péage, dont le coût détournera les usagers locaux au regard des faibles gains de temps. Les pouvoirs publics doivent verser 500 millions d'euros répartis entre l'État et les collectivités locales. Déjà, la région Normandie, la métropole de Rouen et le département de Seine-Maritime ont augmenté leurs mises de fonds pour pallier la défaillance du département de l'Eure qui a eu la sagesse de se retirer.

Les incertitudes planent sur la contribution de 250 millions d'euros attendue de l'État. En effet, celui-ci cherche à économiser 10 milliards d'euros en matière de financements d'infrastructures. Une certitude : le contribuable local, qui bénéficiera de peu d'externalités positives, devra pallier un éventuel retrait financier de l'État, les inévitables surcoûts du projet ou encore le déficit prévisionnel d'exploitation de l'infrastructure.

Sur le fond, le CEREMA, le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, indique que le trafic routier continuera d'augmenter sur l'ensemble des axes pénétrants de l'agglomération rouennaise, malgré la réalisation de l'équipement. De fait, 90 % des flux routiers de transit sont tournés vers l'ouest de la métropole et sa zone portuaire, et non vers l'est. Concernant la pollution atmosphérique, si l'effet de l'infrastructure sera négligeable dans l'hypercentre rouennais, l'autorité environnementale prévoit qu'en certains points du territoire, plusieurs seuils sanitaires seront allègrement franchis, notamment en termes d'émissions de particules fines et de gaz cancérigènes.

De même, les points de captage d'eau seront vulnérables au moindre accident, alors qu'ils assurent la distribution d'eau potable à plus de 100 000 personnes. Dans les zones rurales, plusieurs centaines d'hectares de terres agricoles et d'espaces forestiers sont appelés à disparaître, tandis que des villages sont promis à une urbanisation génératrice de gaz à effet de serre supplémentaires.

Il est encore temps de faire machine arrière sur ce projet qui ne répond pas aux intérêts locaux. D'autres solutions s'offrent à vous, telle que la finalisation, moyennant quelques investissements, d'un contournement routier par l'ouest utilisant des infrastructures existantes. Ce territoire dispose d'atouts sous-employés qu'il convient d'exploiter : le transport de marchandises par voie fluviale ; le transport ferroviaire avec la plateforme de triage de Sotteville-lès-Rouen aujourd'hui délaissée, alors qu'elle est connectée au complexe industrialo-portuaire normand ; l'amélioration de l'offre de transport pour les voyageurs en TER, grâce au renforcement d'un TER à l'échelle métropolitaine.

Dans ces conditions, madame la ministre, je sollicite le réexamen de cette déclaration d'utilité publique, qui va être contestée par voie judiciaire par des tiers, et l'écoute en direct des acteurs locaux de propositions alternatives, sous l'égide de votre ministère et du ministère de la transition écologique et solidaire.

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports. Monsieur le député, le projet de contournement est de Rouen – liaison A 28-A 13 –, sur lequel vous me faites part de votre opposition, a fait l'objet d'études minutieuses et d'une concertation continue avec le territoire. Il s'agit certes d'un projet complexe, mais son insertion fait bien l'objet d'une attention particulière afin d'en minimiser les impacts résiduels. L'ensemble des évaluations et des études techniques ont montré l'intérêt de sa réalisation pour répondre à la problématique de congestion routière majeure à laquelle font face le centre-ville de Rouen, ses axes pénétrants et les quais de Seine. Les nuisances et l'insécurité qui découlent de cette convergence des flux dégradent aujourd'hui le cadre de vie de dizaines de milliers de riverains.

Ainsi, sur la base des avis favorables rendus par la commission d'enquête publique en septembre 2016, puis par la section des travaux publics du Conseil d’État en septembre 2017, le Gouvernement a signé et publié le 16 novembre dernier le décret déclarant d'utilité publique la construction de cette infrastructure. J'ai pris acte des engagements fermes des collectivités locales à prendre en charge la part de financement qui leur incombe. C'est assurément un atout pour le projet.

Cependant, comme il s'agit d'un grand projet d'infrastructures de transport, il est concerné par la pause annoncée par le Président de la République le 1er juillet dernier. Sa programmation budgétaire et son calendrier de réalisation sont actuellement examinés dans le cadre des Assises de la mobilité, lancées le 19 septembre dernier. Les conclusions de cette démarche permettront de préparer la loi d'orientation sur les mobilités qui sera présentée au Parlement au début de l'année 2018, comprenant notamment un volet programmation et financement des infrastructures. Les débats sur ce projet y prendront ainsi toute leur place, et je ne doute pas de votre vigilance à cette occasion.