Lutte contre le cybersquattage
Question de :
M. Benjamin Dirx
Saône-et-Loire (1re circonscription) - La République en Marche
M. Benjamin Dirx attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès des ministres de l'économie, des finances et de la relance, et de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques, sur la question de la lutte contre le cybersquattage. En effet, aujourd'hui, pour enregistrer un nom de domaine en .fr, une entreprise ou une personne physique doit en faire la demande auprès de l'un des 400 bureaux accrédités par l'Association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC). Certaines entreprises s'adonnent au cybersquattage, c'est-à-dire l'enregistrement d'un nom de domaine correspondant à une marque ou à une personnalité publique dans l'objectif de profiter de sa notoriété, de revendre le nom ou encore de nuire à la marque. Aujourd'hui, une personne victime de cybersquattage peut se défendre grâce à la procédure SYRELI. Pour autant, cette procédure est longue (trois mois) et n'a pas d'effet suspensif jusqu'au jugement, pouvant causer un préjudice important à la victime. Certains cybersquattages pourraient être prévenus si, dès l'enregistrement du nom d'un domaine, de simples vérifications étaient faites sur le lien entre le nom de domaine et la personne, morale ou physique, souhaitant l'enregistrer. Dès lors, il souhaite connaître la position du Gouvernement sur la possibilité de responsabiliser l'AFNIC et ses 400 bureaux d'enregistrement accrédités dans la lutte contre le cybersquattage, en s'assurant qu'un nom de domaine ne soit pas enregistré s'il n'a aucun lien avec l'entreprise et peut potentiellement nuire à une personne morale ou physique.
Réponse publiée le 19 octobre 2021
Le rôle de l'office d'enregistrement (Association française pour le nommage internet en Coopération - AFNIC) en matière de lutte contre le cybersquattage est encadré et limité par les compétences que lui confère en la matière le code des postes et communications électroniques (CPCE). Il convient tout d'abord de préciser que l'office d'enregistrement n'a pas pour mission de réparer les préjudices causés par des titulaires de noms de domaine en « .fr » à des tiers, qui sont du seul ressort du juge judiciaire. En application de l'article L. 45-2 du code des postes et communications électroniques (CPCE), l'action de l'office d'enregistrement se limite aux noms de domaine eux-mêmes : dès lors qu'une personne justifie d'un intérêt à agir sur un nom de domaine (par exemple, le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle), elle peut demander à l'office d'enregistrement compétent la suppression ou le transfert à son profit d'un nom de domaine lorsque ce dernier entre dans les cas prévus à l'article L. 45-2. L'office statue sur cette demande dans un délai de deux mois (et non trois) suivant sa réception, selon une procédure contradictoire fixée par son règlement intérieur : en particulier, la suppression du nom de domaine ne peut intervenir qu'après que l'office d'enregistrement a mis le titulaire en mesure de présenter ses observations et le cas échéant, de régulariser sa situation (article L. 45-6). Les demandes de vérification portant sur l'exactitude des données fournies par le titulaire (au titre de l'article L. 45-5) et susceptibles d'emporter la suppression de l'enregistrement du nom de domaine correspondant échappent à cette procédure de résolution de litige, tout en conservant un caractère contradictoire, la suppression ne pouvant intervenir qu'après que l'office d'enregistrement a mis le titulaire en mesure de régulariser la situation. Par ailleurs et en vertu de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, l'office d'enregistrement supprime ou transfère sans délai à l'autorité compétente un nom de domaine sur injonction de l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation. Il ressort de ces éléments que l'office d'enregistrement, tout comme les bureaux d'enregistrements qui distribuent les noms de domaine en « .fr », se doivent de respecter un cadre légal et réglementaire qui leur confère des devoirs relatifs aux noms de domaine et non aux contenus qui leurs sont éventuellement associés. Ces derniers, s'ils sont illicites, font l'objet de mesures qui doivent être prises en priorité par les hébergeurs de contenus, l'intervention de l'office d'enregistrement n'ayant lieu, comme dans le cas cité plus haut de l'article L. 521-3-1 du code de la consommation, qu'en dernier ressort. L'article R. 20-44-46 du code des postes et communications électroniques (CPCE) caractérise par ailleurs l'existence d'un intérêt légitime (notamment l'utilisation du nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services, la notoriété du demandeur ou titulaire sous un nom identique ou apparenté, ou encore l'absence d'intention de tromper le consommateur ou de nuire à la réputation d'un nom sur lequel est reconnu ou établi un droit) et la mauvaise foi (notamment l'objectif principal de vente ou de transfert du nom de domaine à une personne sur laquelle un droit sur le nom de domaine est reconnu, de nuire à la réputation du titulaire d'un intérêt légitime, de profiter de la renommée de ce dernier, etc.). Il ressort de cet article que la caractérisation de la mauvaise foi et de l'absence d'intérêt légitime ne peut matériellement s'opérer ex ante, puisque les faits décrits ne peuvent légitimement se vérifier avant l'attribution du nom de domaine. En outre, la loi ne prévoit pas de « droit au nom » qui s'appliquerait automatiquement du fait de l'existence d'un lien nominal entre la dénomination sociale ou le patronyme du titulaire et le nom de domaine demandé. Si l'existence d'un tel lien peut constituer un intérêt légitime, il ne peut à lui seul prouver la bonne foi ou l'intention du demandeur. Une telle interprétation serait de plus incompatible avec la liberté d'expression et la liberté d'entreprendre, consacrées par la décision du Conseil constitutionnel du 6 octobre 2010 relative aux noms de domaine en « .fr ». Il ne saurait donc être demandé à l'association française pour le nommage internet en coopération (AFNIC), dans le cadre juridique actuel, d'opérer une telle vérification à titre ex ante.
Auteur : M. Benjamin Dirx
Type de question : Question écrite
Rubrique : Internet
Ministère interrogé : Transition numérique et communications électroniques
Ministère répondant : Transition numérique et communications électroniques
Dates :
Question publiée le 27 juillet 2021
Réponse publiée le 19 octobre 2021