15ème législature

Question N° 40399
de Mme Élodie Jacquier-Laforge (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Isère )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > jeux et paris

Titre > Méthodes de communication des opérateurs de paris sportifs

Question publiée au JO le : 27/07/2021 page : 5948
Réponse publiée au JO le : 28/12/2021 page : 9203

Texte de la question

Mme Élodie Jacquier-Laforge alerte M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur les méthodes de communication employées par certains opérateurs de paris sportifs tels que BetClic ou Winamax, qui ciblent les jeunes de quartiers populaires à travers des publicités diffusées sur tous les supports : physique, numérique, à la télévision, sur les réseaux sociaux, à la radio, sur les plateformes etc. Ce public, déjà fragile et précaire, est plus enclin que le reste de la population à s'endetter devant les promesses du gain et de reconnaissance sociale véhiculées par ces opérateurs. Leur stratégie marketing, laquelle reprend tous les codes des jeunes des quartiers, est renforcée par les rappeurs, célébrités et autres influenceurs web, qui se joignent à ces campagnes publicitaires pour normaliser les paris sportifs, ce qui contribue à développer les conduites addictives chez les jeunes. Selon Santé publique France, en 2019 « les paris sportifs représentent le risque le plus important au plan individuel » avec une part de joueurs excessifs six fois plus élevée que les jeux de loterie. D'après ce baromètre, les joueurs excessifs ou à risque modéré sont plutôt des hommes jeunes appartenant à des milieux sociaux modestes. 9 parieurs sur 10 sont des hommes, 1 sur 3 a entre 18 et 25 ans, 1 sur 3 entre 25 et 34 ans. L'Observatoire des jeux précise que deux tiers des parieurs sont classés « problématiques » avec un profil « appartenant à des milieux sociaux modestes, ayant un niveau d'éducation et des revenus inférieurs à ceux des autres joueurs (...) moins actifs que l'ensemble des joueurs et plus fréquemment chômeurs ». Plus inquiétant encore, selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 4 jeunes de 17 ans sur 10 ont parié au moins une fois en 2019. Pourtant, le décret n° 2020-1349 du 4 novembre 2020 relatif aux modalités de régulation de l'Autorité nationale des jeux interdit toute communication commerciale lorsqu'elle « incite à une pratique de jeu excessive, banalise ou valorise ce type de pratique ; suggère que jouer contribue à la réussite sociale ; contient des déclarations infondées sur les chances qu'ont les joueurs de gagner ou les gains qu'ils peuvent espérer remporter ; présente le jeu comme une activité permettant de gagner sa vie ou comme une alternative au travail rémunéré ». Elle lui demande ce que le Gouvernement compte concrètement mettre en œuvre afin de renforcer l'encadrement de ces pratiques et remédier rapidement aux actes des opérateurs qui considèrent que la jeunesse est un fonds de commerce.

Texte de la réponse

La politique de l'État en matière de jeux d'argent et de hasard, telle que la définit l'article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure (CSI), a pour objectif constant de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation, afin notamment de prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs. Pour garantir le respect de cet objectif, l'ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 réformant la régulation des jeux d'argent et de hasard a, d'une part, rénové le cadre légal des jeux d'argent et de hasard en France et, d'autre part, regroupé les différentes missions de régulation au sein de l'autorité nationale des jeux (ANJ), nouvelle autorité de régulation mise en place en juin 2020 et dotée de pouvoirs renforcés. En premier lieu, l'encadrement des communications commerciales des opérateurs et le dispositif de prévention du jeu excessif et pathologique ont été récemment renforcés. Les publicités des opérateurs doivent ainsi être assorties d'un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d'un message faisant référence au système d'information et d'assistance prévu à l'article 29 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne. Ce message doit figurer sur chaque support publicitaire ou promotionnel et contenir notamment le numéro du service de communication en ligne du dispositif public d'aide aux joueurs mis en place sous la responsabilité de l'agence nationale de santé publique. Certaines communications commerciales sont interdites, notamment : celles incitant à une pratique de jeu excessive, banalisant ce type de pratique ; celles contenant des déclarations infondées sur les chances qu'ont les joueurs de gagner ou les gains qu'ils peuvent espérer ; celles suggérant que jouer peut être une solution face à des difficultés personnelles, professionnelles, sociales ou psychologiques. Les opérateurs de jeux sont en outre tenus de prévenir les comportements de jeu excessif ou pathologique par la mise en place de dispositifs de modération, d'auto-exclusion et d'auto-limitation des dépôts et des mises. Plus encore, le IX de l'article 34 de la loi du 12 mai 2010 prévoit qu'ils identifient les personnes dont le jeu est excessif ou pathologique et les accompagnent en vue de modérer leur pratique, dans le respect de l'arrêté de 9 avril 2021, pris sur proposition de l'autorité nationale des jeux (ANJ), définissant le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs. En second lieu, l'autorité nationale des jeux (ANJ) a été dotée d'importants pouvoirs pour exercer ses missions. L'autorité nationale des jeux (ANJ) peut ainsi exiger le retrait d'une communication commerciale comportant une incitation excessive au jeu et mener des contrôles sur place. En outre, tous les opérateurs de jeux sont tenus de lui soumettre pour approbation leur stratégie promotionnelle ainsi que leur plan d'action en matière de prévention du jeu excessif et de protection des mineurs. À ce titre, au regard des dérives en matière de surenchère publicitaire constatées lors de l'Euro de football et sur lesquelles vous appelez l'attention du Gouvernement, l'autorité nationale des jeux (ANJ) a réuni les opérateurs de paris sportifs en juillet 2021 pour faire un bilan intermédiaire de la mise en œuvre de leurs stratégies promotionnelles telles qu'approuvées par le collège de l'autorité nationale des jeux (ANJ) en janvier 2021. L'autorité a annoncé qu'elle pourrait engager, le cas échéant, des procédures de sanction en cas de non-conformité de ces stratégies publicitaires au cadre légal. Le collège de l'autorité nationale des jeux (ANJ) est en effet habilité à poursuivre devant la commission des sanctions de cette autorité les opérateurs de jeux ou de paris dont les comportements sont susceptibles de constituer les manquements aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à leur activité, notamment en matière de publicité. Parallèlement, l'ANJ a lancé une consultation des parties prenantes en septembre 2021 sur le thème de la publicité, dans l'objectif d'adresser éventuellement des recommandations aux acteurs. Elle a aussi engagé avec l'autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) une stratégie pour décliner les prescriptions règlementaires en recommandations concrètes pour les opérateurs et diffuser d'ici la fin de l'année des lignes directrices précises et opérationnelles sur la publicité. Par ailleurs, depuis le 31 décembre 2020, a été confiée à l'autorité nationale des jeux (ANJ) la gestion du fichier – initialement tenu par le ministère de l'intérieur - des interdictions volontaires de jeux (sites de paris sportifs, jeux de la Française des jeux ou du PMU réalisés en ligne ou en points de vente avec un compte joueur, etc.), lequel apparait comme une réponse possible au mécanisme d'addiction. Les modalités d'inscription au fichier ont été simplifiées, celle-ci pouvant désormais se faire entièrement en ligne, associée à des délais d'inscription réduits. La mesure d'interdiction prend fin à l'expiration d'une durée de trois ans renouvelable tacitement sur demande écrite et expresse de son bénéficiaire. Afin de prendre en compte le phénomène de « ciblage » privilégié d'un public jeune par les publicités, l'autorité nationale des jeux (ANJ) conduit en outre à leur destination ainsi qu'à celle de leur entourage familial, des actions d'information et de sensibilisation sur les réseaux sociaux (directement ou relayées par des influenceurs). La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) fait preuve d'une vigilance renforcée en 2021 dans le secteur des jeux et paris sportifs. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) du ministère de l'économie, des finances et la relance, est chargée de veiller au respect des dispositifs de protection des consommateurs, d'assurer la transparence des relations commerciales entre consommateurs et professionnels et de prévenir et sanctionner les pratiques commerciales trompeuses et/ou agressives en matière de jeux d'argent. Au regard de la multiplication de sites internet proposant des pronostics sportifs, les services d'enquête de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) déploient actuellement, en étroite coordination avec les services de l'autorité nationale des jeux (ANJ), des contrôles de l'activité de ces sites. Ces investigations ont pour objet de rechercher et de constater d'éventuelles pratiques commerciales trompeuses, notamment celles, réputées trompeuses en toutes circonstances, ayant pour objet « d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux d'argent et de hasard »), ainsi que les prestations de services "à la boule de neige" (marketing de réseau ou pyramidal conditionnant l'accès à la prestation au recrutement de nouveaux membres) qui sont interdites respectivement par les articles L. 121-4, 11° et L. 121-15 du code de la consommation. Les manquements et infractions constatées donneront lieu aux suites appropriées. Par ailleurs, les agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sont habilités à rechercher et constater les infractions au principe d'interdiction générale des jeux d'argent et de hasard (article L. 324-15 du code de la sécurité intérieure). Les résultats de l'ensemble de ces actions nécessiteront ainsi d'être analysés dans le temps, avant d'envisager, le cas échéant, de nouveaux axes de réforme, notamment en ce qui concerne la publicité.