Rubrique > sectes et sociétés secrètes
Titre > Arnaques et dérives sectaires
M. Ian Boucard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur s'agissant des arnaques et dérives sectaires émanant du trading en ligne, dont sont notamment victimes les jeunes. En effet, les jeunes font face à la prolifération d'escroqueries sur les réseaux sociaux, dont les caractéristiques s'apparentent à celles des dérives sectaires. Une partie importante d'entre elles concernent le trading en ligne et le marketing de réseau. Elles ont été fortement accentuées par les confinements successifs, poussant parfois certains étudiants à abandonner leurs études. En cause, des sociétés qui, en échange d'un abonnement mensuel, donnent accès à toute une gamme d'outils et d'enseignements en prétendant qu'ils permettront à leurs bénéficiaires de devenir des traders expérimentés et de rapidement gagner beaucoup d'argent. Derrière ces promesses de façade se cache cependant un système manifestement illégal reposant sur l'endoctrinement, la manipulation et la vente pyramidale. Les jeunes pessimistes quant à leurs chances de réussir sur le marché du travail représentent la cible privilégiée de ces structures. De plus, ils sont encouragés à rompre avec leurs études, leurs activités d'apprentissages ou professionnelles et même parfois leurs famille et amis, pour se focaliser sur le trading et le marketing relationnel. Ainsi, ces sociétés utilisent un système de vente pyramidale proscrit par l'article L. 122-6 du code de la consommation. Le procédé dit « de la boule de neige » visé par cet article se caractérise lorsque les destinataires d'une offre sont incités à acquérir des marchandises à titre gratuit ou à prix réduit, sous condition de trouver un certain nombre de nouveaux acheteurs. Or de nombreux éléments semblent également apparenter ces méthodes à des dérives sectaires, notamment l'utilisation d'un vocabulaire et de comportements spécifiques. Il faut se montrer « coachable », c'est-à-dire manipulable, mais aussi « adopter le bon mindset », le bon état d'esprit, pour intégrer le réseau. Cet endoctrinement se caractérise également par des discours dévalorisant les points d'ancrage classiques des jeunes : les parents, les professeurs, les institutions. La particularité de ces sociétés réside dans le fait qu'elles abusent de personnes par différentes pressions exercées au moment de l'achat des formations, mais également lorsqu'il s'agit de recruter d'autres individus. En effet, ce problème n'est pas récent, dès 1999 un rapport parlementaire sur les sectes et l'argent mettait en garde contre les systèmes pyramidaux de ce type. Ce rapport réitérait également l'interdiction de « toute source de profit fondée exclusivement sur la multiplication des adhérents », introduite en 1995. Par ailleurs, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), alertée par ces pratiques, ne dispose d'aucun moyen pour agir dans ce qui s'apparente à un angle mort du droit français. Plusieurs pays dans lesquels ces structures sont implantées ont déjà adapté leur système juridique, c'est notamment le cas du Canada et plus précisément de la province de Québec, qui a obtenu une ordonnance du tribunal interdisant de recruter des membres via les réseaux sociaux. Aussi, dès 2017, l'autorité des marchés financiers (AMF) a émis une mise en garde officielle à l'encontre de plusieurs de ces sociétés, précisant « qu'elles ne bénéficiaient en France d'aucune autorisation pour exercer une activité régulée par l'AMF ». De surcroît, une étude de 2016 rapportée par François Molins, alors procureur de la République près le tribunal judiciaire, démontre que les arnaques relatives au trading en ligne avaient fait perdre près de 4,5 milliards d'euros en six ans aux épargnants. Bien que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ait précisé que plusieurs enquêtes étaient en cours, force est de constater que l'arsenal juridique français ne parvient pas à endiguer les arnaques et risques de dérives sectaires de ces sociétés. C'est pourquoi il souhaite savoir quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour lutter contre les pratiques illicites de ces sociétés.