15ème législature

Question N° 40
de M. Mansour Kamardine (Les Républicains - Mayotte )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Sécurisation des bâtiments scolaires - statut REP - renforcement des effectifs

Question publiée au JO le : 12/12/2017
Réponse publiée au JO le : 20/12/2017 page : 6820

Texte de la question

M. Mansour Kamardine alerte M. le ministre de l'éducation nationale sur les conditions extrêmement dégradées de sécurité des biens et personnes aux abords et dans les écoles, collèges et lycées de Mayotte. La multiplication des violences et des agressions marquent les difficultés de l'État à sécuriser l'accès des structures éducatives et l'intérieur des bâtiments. La situation est telle qu'elle a conduit les personnels de l'éducation nationale à exercer leur droit de retrait, à plusieurs reprises, comme au lycée Kahani de Ouangani. La très forte croissance des effectifs (doublement en 8 ans), la proportion importante d'élèves en grande difficulté scolaire (50 %) et en situation sociale fortement dégradée (84 % sous le seuil de pauvreté), et la stagnation du nombre de surveillants et de conseillers principaux d'éducation (ratio CPE/élève divisé par 2 en huit ans) justifie qu'une attention immédiate et particulière soit portée à la situation de l'éducation à Mayotte. C'est pourquoi il lui demande d'une part l'adoption d'un statut reconnaissant la nécessité d'une éducation prioritaire à Mayotte (REP pour l'ensemble du département), d'autre part le renforcement sans délai des effectifs de proviseur-adjoint, CPE et de surveillants, en particulier au lycée Kahany et enfin la sécurisation des abords et accès des structures scolaires, en particulier de ceux du lycée de Kahany.

Texte de la réponse

SÉCURITÉ AUX ABORDS ET À L'INTÉRIEUR DES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES À MAYOTTE


M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine, pour exposer sa question, n°  40, relative à la sécurité aux abords et à l'intérieur des établissements scolaires à Mayotte.

M. Mansour Kamardine. Monsieur le ministre, j'ai écouté avec grand intérêt votre réponse à la question posée sur les langues régionales, selon laquelle on en dénombrerait cinq outre-mer. Je veux espérer que vous comptabilisez, parmi ces cinq langues, le mahorais. À défaut, je vous demanderais naturellement de tenir compte du fait que le mahorais constitue également une langue régionale de la République.

L'école à Mayotte est gravement malade, monsieur le ministre : un médecin compétent aurait diagnostiqué une affection de longue durée. En effet, vous n'êtes pas sans savoir qu'il ne se passe pas un seul jour sans qu'elle ne soit le théâtre d'un fait divers. Outre la surcharge des classes, qui comptent plus de trente élèves, et les rotations qui progressent, année après année, dans le primaire, elle est l'objet de violences, de plus en plus graves, dans le secondaire. La surcharge des établissements secondaires est aussi une réalité : conçus pour accueillir 600 élèves, ils en abritent le double, si ce n'est plus.

En regardant l'école de la République à Mayotte, une impression particulière se dégage et, plus encore, une certitude : il n'y a d'école que le nom, à Mayotte. Les enseignants, malgré leur volonté, sont épuisés. Les parents sont inquiets pour la sécurité de leurs enfants. Certains leur demandent même de s'armer pour se défendre en cas de besoin. D'autres fuient Mayotte et partent scolariser leurs enfants ailleurs.

Les élèves se rendent à l'école la peur au ventre. Les parents ont fini par prendre conscience que leurs enfants ne vont pas dans des établissements secondaires pour appendre, mais dans des crèches et des garderies, de la maternelle à la terminale. C'est ce qui explique que de plus en plus de parents n'envoient plus leur progéniture à l'école de la République, mais dans le privé. À cette situation s'ajoutent les agressions en tous genres : agressions physiques, rackets et autres violences multiples, qui frappent indifféremment élèves et enseignants, notamment dans le secondaire, aussi bien dans les enceintes des établissements qu'à leurs abords immédiats.

À plusieurs reprises, les familles ont demandé des mesures de sécurisation des établissements pour protéger leurs enfants. Ces appels au secours sont restés quasiment sans effet. À Mamoudzou, à Kahani, à Chiconi, à Sada, pour ne citer que ces localités, les violences devant l'école sont devenues monnaie courante. Face à ces situations, les enseignants n'ont d'autre ressource que d'invoquer leur droit de retrait. Ce fut le cas à Kahani où, durant tout le mois de décembre, les enseignants ont refusé de faire cours, pour ne pas exposer davantage leur sécurité et celle de leurs élèves.

Aussi, monsieur le ministre, ma question est simple : que doit-il se produire pour que des mesures urgentes de sécurisation de ces établissements de l'État soient prises, alors que nous avons déjà déploré des pertes de vies humaines, notamment à Mamoudzou ? Je vous soumets un dicton personnel : loin des yeux, près du cœur. Mayotte est peut-être loin, mais je vous demande qu'elle soit proche de votre cœur.

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le député, je fais volontiers mien votre dicton. Comme vous le savez, j'ai une expérience de recteur de la Guyane, qui présente beaucoup de points communs avec Mayotte. J'ai toujours observé avec beaucoup d'attention les réalités de Mayotte ; je sais à quel point elles sont complexes et nécessitent de l'attention.

Vous reconnaîtrez avec moi que les difficultés scolaires de Mayotte que vous avez mentionnées ne sont pas intrinsèques au système scolaire, mais s'expliquent par des facteurs démographiques et par l'existence d'une certaine violence, qui, malheureusement, sont une réalité mahoraise, et viennent s'imposer, en quelque sorte, au système scolaire. Celui-ci, il est vrai, doit développer des stratégies pour y répondre.

Depuis de nombreuses années, en particulier depuis la départementalisation, l'État a accompli des efforts conséquents en termes de création de postes dans le domaine scolaire. Ces efforts doivent être reconnus si l'on veut porter un diagnostic juste.

Pour répondre plus directement à votre question, il existe, vous le savez, une politique de l'éducation prioritaire à Mayotte. Celle-ci doit être développée et, à l'avenir, adaptée aux réalités de Mayotte, pour répondre aux difficultés que vous avez exposées.

Une évaluation de la politique de l'éducation prioritaire à Mayotte a été réalisée en 2015. L'analyse de la situation sociale a conduit mon ministère à classer la totalité du territoire en réseau d'éducation prioritaire, ce qui est un cas tout à fait exceptionnel. Aussi, à ce jour, sur les vingt et un collèges du département, neuf sont classés en éducation prioritaire renforcée – REP + – et les autres en éducation prioritaire, ce qui permet de déployer des mesures spécifiques pour Mayotte, comme le dédoublement des classes au cours préparatoire.

Mayotte connaît effectivement un contexte social violent, dans lequel l'école, ses élèves et ses personnels subissent l'importation de violences extérieures. C'est pourquoi, face aux problèmes d'atteinte à la sécurité que vous avez à juste titre soulignés, le Gouvernement a mis en place un renforcement des actions préventives menées dans les établissements auprès des élèves, un engagement accru des forces de l'ordre, avec, notamment, une présence systématique aux abords des établissements et des contrôles de sacs dans les transports scolaires, l'équipement des établissements en barreaudage, clôture et vidéosurveillance, qui représente 1,2 million d'euros en 2017, et une augmentation des moyens humains et matériels pour la sécurité dans les établissements à la rentrée scolaire 2017, avec, notamment, quatre-vingt-deux assistants d'éducation, vingt-deux assistants de prévention et de sécurité et sept conseillers principaux d'éducation.

Vous le voyez, dans le domaine de la vie scolaire comme dans celui de la pédagogie, ce sont des moyens importants qui sont engagés par le ministère pour répondre aux difficultés. Mais il faut faire plus, au regard du contexte du département. C'est pourquoi une attention particulière a été portée à la constitution des équipes mobiles de sécurité, qui ont été renforcées en moyens humains. Le ministère de l'éducation nationale a accompagné le renforcement de ces équipes à Mayotte par l'attribution de quatorze emplois sur le programme 141, dont cinq à la rentrée 2016, et de quatre emplois sur le programme 140, à la rentrée 2017. Nous avons souhaité que les équipes mobiles de sécurité répondent de manière très pragmatique aux situations de violence qui peuvent survenir dans les établissements.

Par ailleurs, Mayotte dispose de 75 emplois de direction pour 33 établissements, soit, en moyenne, 2,3 emplois par établissement contre 1,78 en moyenne nationale. On ne peut donc pas dire que Mayotte soit dans une situation défavorable par rapport au reste du pays. Au contraire, elle bénéficie d'efforts spécifiques. Nous continuerons à les engager, en implantant de nouveaux emplois de direction – seize d'entre eux ont été créés au cours des trois dernières années scolaires.

Nous allons devoir aussi assouplir les règles, de façon à prendre des mesures appropriées sur le territoire, pour répondre à ces enjeux de sécurité, tout en engageant un travail interministériel renforcé, pour que les forces de l'ordre soient encore plus présentes aux abords des établissements.

M. le président. La parole est à M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et vous invite à venir sur place, car un contact sur le terrain vaut toujours mieux qu'un bon rapport. Vous verrez que les accès aux établissements de Mayotte sont de véritables passoires. Les mesures que vous proposez sont bonnes. Encore faut-il que l'on puisse sécuriser les entrées, pour qu'on ne pénètre pas dans les enceintes des établissements comme on entre dans une mosquée ou dans une église.