15ème législature

Question N° 4158
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Importation d'huile de palme à la raffinerie de La Mède

Question publiée au JO le : 26/12/2017 page : 6674
Réponse publiée au JO le : 14/08/2018 page : 7454
Date de signalement: 08/05/2018

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur le projet d'importer massivement de l'huile de palme pour alimenter la raffinerie Total de La Mède à Châteauneuf-les-Martigues. Les ravages de l'exploitation massive du palmier à huile en Asie du Sud-Est sont malheureusement bien connus : déforestation et dérèglements climatiques, atteintes à la biodiversité, menaces sur les orangs-outangs, remise en cause du mode de vie des populations autochtones. Malgré son bilan carbone désastreux, voici l'utilisation de l'huile de palme malheureusement relancée grâce à une rupture technologique : l'hydrotraitement des huiles végétales (traitement à l'hydrogène) qui permet d'améliorer leur tenue au froid lorsqu'elles sont incorporées au carburant. Cette technologie, intéressante dans l'absolu, est mise en avant par Total pour son projet à base d'huile de palme à La Mède. Devant les critiques, le groupe Total promet de ne travailler qu'avec des fournisseurs certifiés. Cependant, les critères européens de durabilité à la base de cette certification sont très minimalistes. En important 550 000 tonnes d'huile de palme à La Mède, Total deviendrait le premier importateur français d'huile de palme et la consommation française d'huile de palme doublerait d'un seul coup ! Ce projet n'est pas considéré comme une alternative crédible, ni par les écologistes, ni par les représentants des salariés, ni par les élus locaux. Le 4 avril 2017, le Parlement européenén a voté à la quasi-unanimité un rapport appelant à mettre un terme à l'utilisation de l'huile de palme. Le 23 octobre 2017, la commission de l'environnement du Parlement européen s'est prononcée pour une élimination complète des biocarburants issus des cultures alimentaires d'ici 2030, et ceux produits à partir d'huile de palme dès 2021. Les débouchés économiques ne sont même pas assurés. Parmi les grands distributeurs de carburants, certaines enseignes ont pris des engagements pour exiger de leurs fournisseurs l'absence d'huile de palme. Pour éviter cette situation, il lui demande d'exclure l'huile de palme des carburants, aussi bien en France qu'en Europe, à l'occasion de la révision de la directive sur les énergies renouvelables. Il lui demande aussi de ne pas délivrer d'autorisation d'exploitation à Total pour son projet actuel de bio-raffinerie à la Mède et de travailler, avec tous les acteurs locaux à un véritable contrat de transition.

Texte de la réponse

Le parlementaire fait part de ses préoccupations relatives à la transformation de la raffinerie de Total située à La Mède en bioraffinerie, liées en particulier aux impacts sociaux et environnementaux de la production d'huile de palme et l'utilisation qui en est faite dans les biocarburants. Le Gouvernement engage une politique ambitieuse de lutte contre la déforestation importée. L'axe 15 du plan climat présenté en 2017 prévoit de mettre fin à l'importation en France de produits contribuant à la déforestation. La stratégie associée à cet objectif sera présentée dans les prochains mois. Les travaux en cours, notamment sur l'origine des matières premières, doivent nous permettre de mieux lutter contre la perte nette de forêt et en particulier de forêt tropicale. La question de l'utilisation de l'huile de palme dans les biocarburants est traitée, au niveau européen, dans le cadre des négociations en cours sur la révision de la directive énergies renouvelables. Côté Conseil, les ministres européens de l'énergie ont adopté, le 18 décembre 2017, une orientation générale sur la proposition de révision, qui maintient un plafond de 7 % pour les biocarburants de 1ère génération entre 2020 et 2030 et un plancher de 3 % pour les biocarburants avancés en 2030. Le Parlement européen, lors de la session plénière du 17 janvier, a adopté une position proposant une interdiction des biocarburants à base d'huile de palme en 2021. Un accord a été trouvé mi-juin par les négociateurs du Conseil et du Parlement : les biocarburants ayant un fort impact sur le changement d'affectation des sols seront définis par un rapport de la Commission. Leur niveau d'incorporation dans les carburants est gelé à celui de 2019. Il diminuera progressivement à partir de 2023 pour atteindre 0 % en 2030. Le Gouvernement a soutenu tout au long des négociations une approche constructive et exigeante dans l'objectif de limiter l'utilisation des matières susceptibles de donner lieu à de la déforestation importée. La reconversion de la raffinerie, afin d'y créer une bioraffinerie, a été autorisée le 16 mai 2018 par le préfet des Bouches-du-Rhône, en encadrant l'usage des matières premières, notamment d'huile de palme, qui seront utilisées pour produire des biocarburants. Cette reconversion s'inscrit dans le cadre de la réorganisation du secteur du raffinage, avec la conversion d'un site industriel permettant le maintien de 250 emplois. À ce jour les filières d'approvisionnement de cette installation ne sont pas entièrement arrêtées. Outre les huiles végétales vierges, deux autres types de ressources sont ciblées : les huiles de cuisson usagées et les résidus acides issus du raffinage des huiles alimentaires. Le Gouvernement a obtenu à cet égard qu'une part minimale de 25 % de l'approvisionnement provienne de cette économie circulaire. Total s'est engagé à limiter son approvisionnement en huile de palme à moins de 300 000 tonnes par an et à acheter au moins 50 000 tonnes de colza français. Concernant la part qui proviendra d'huiles végétales brutes (palme, colza, soja), le Gouvernement a rappelé à Total le caractère obligatoire de la réglementation communautaire relative à la durabilité des biocarburants. Le respect de ces critères, qui sont très stricts, est scrupuleusement contrôlé par les autorités françaises compétentes en la matière. Par ailleurs, et en ce qui concerne l'ensemble de la filière, l'usage énergétique des matières pouvant avoir un usage alimentaire restera limité, en France, et sera réduit sur le long terme. Le Gouvernement défend les mêmes orientations au sein de l'Union européenne.