15ème législature

Question N° 41603
de Mme Agnès Thill (UDI et Indépendants - Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Industrie
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > industrie

Titre > Transfert de la production du moteur d'Ariane 6 de la France vers l'Allemagne

Question publiée au JO le : 05/10/2021 page : 7283
Réponse publiée au JO le : 05/04/2022 page : 2255
Date de changement d'attribution: 26/10/2021
Date de signalement: 04/01/2022

Texte de la question

Mme Agnès Thill alerte Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie, sur le transfert de la production du moteur d'Ariane 6 de la France à l'Allemagne. Alors que les moteurs d'Ariane 6 étaient jusqu'à présents produits à Vernon, la direction d'ArianeGroup a annoncé le 22 septembre 2021 que ces moteurs seront désormais assemblés à Ottobrunn, dans la région de Bavière, en Allemagne, entraînant la perte de l'équivalent de 40 000 heures de travail pour le site français et un plan de départs de 600 salariés. Cette annonce est étonnante et inquiétante alors que, le 12 janvier 2021, le Président de la République, en déplacement sur « le site d'excellence » de Vernon, selon les propres mots du chef de l'État, annonçait un soutien financier de 30 millions d'euros au producteur de moteurs de fusées. Cette manne financière semble paradoxalement ne pas avoir suffi à emporter la décision d'ArianeGroup, qui a acté la délocalisation pour des raisons de viabilité économique. Au-delà des conséquences sociales et économiques entraînées par cette restructuration, ce transfert vers l'Allemagne d'une partie du savoir-faire de ce fleuron technologique français s'inscrit dans un contexte diplomatique complexe, sur fond de crise avec les États-Unis d'Amérique, la Grande-Bretagne et l'Australie, avec la rupture, par cette dernière, du contrat qui l'unissait à l'entreprise française Naval Group pour le renouvellement de sa flotte sous-marine. Cette crise repositionne de manière urgente la question de la souveraineté industrielle du pays et il peut donc être inquiétant de constater que la France ne sait pas protéger ces grandes entreprises, ni dans le suivi des contrats, ni dans le maintien sur le territoire national des lieux de conception, de production et d'assemblage de produits technologiques à haute valeur ajoutée. Aussi, elle lui demande de lui communiquer le détail précis de l'affectation de l'enveloppe des 30 millions d'euros et les raisons pour lesquelles l'État n'a pas pu empêcher cette délocalisation malgré le soutien conséquent par de l'argent public. Par ailleurs, elle lui demande comment elle envisage d'inciter les 600 salariés sur le départ d'ArianeGroup d'intégrer des entreprises françaises afin d'éviter une perte de savoir-faire nuisible à la souveraineté industrielle du pays.

Texte de la réponse

La France a engagé début 2021 des groupes de travail franco-allemand et franco-italien ayant pour but de sécuriser l'avenir d'Ariane 6. Dans le cadre de l'accord franco-allemand signé le 21 juillet 2021 et afin d'optimiser la compétitivité d'Ariane 6, l'assemblage, l'intégration et le test (AIT) du moteur Vinci sera transféré depuis Vernon vers Lampoldshausen en Allemagne au sein de la branche allemande d'ArianeGroup. Ce transfert, acté lors de la conférence ministérielle de l'ESA (agence spatiale européenne) en 2019, répond à une rationalité industrielle avec une intégration de l'étage supérieur et du moteur en Allemagne. La classe des moteurs lourds (100 tonnes de poussée), aujourd'hui le moteur Vulcain qui est intégré dans l'étage principal d'Ariane aux Mureaux et demain le moteur Prometheus, demeurent à Vernon. Dans le cadre de cette rationalisation industrielle et des discussions franco-italiennes, un transfert parallèle des turbopompes des moteurs Vulcain et Vinci de l'Italie vers la France aura lieu. L'arrivée des turbopompes italiennes vers le site de Vernon va permettre de compenser une partie du transfert de l'AIT du moteur Vinci vers l'Allemagne. L'accord franco-allemand confirme le principe de préférence européenne pour les lancements institutionnels européens et en particulier le lancement du satellite allemand Opsat sur Ariane 6 et permet également de sécuriser la viabilité financière d'Ariane 6 avec une cadence de 7 lancements par an dont 4 lancements institutionnels. Afin de supporter le site de Vernon, dans le cadre de l'accord franco-allemand, 40 M€ seront débloqués pour rapatrier y la production de pièces et d'équipements des moteurs cryogéniques et conforter la zone d'essai comme étant la référence pour les essais de moteurs à forte poussée (100 t) en Europe grâce à l'adaptation de ses bancs d'essais. Une partie de cette enveloppe permettra de méthaniser le banc d'essai PF 50 pour qu'il puisse accueillir les essais du moteur Prometheus plutôt qu'en Allemagne. Comme annoncé lors du déplacement du ministre à Vernon en décembre 2021, la filiale d'ArianeGroup (Maia Space) développera un mini-lanceur réutilisable sur le site de Vernon, ce qui permettra de développer de nouvelles compétences à Vernon. Ce nouveau lanceur s'appuiera sur les développements réalisés dans le cadre du programme Themis et utilisera le moteur Prométheus qui représente le futur des moteurs liquide européen et qui est actuellement en fin de développement sur le site de Vernon. Produire Prometheus représentera 150 emplois de 2023 à 2025, soit 50 emplois de plus qu'aujourd'hui. Au sujet du plan de départ volontaire de 527 salariés d'ArianeGroup, ArianeGroup s'est engagé à ne fermer aucun site industriel et fera porter l'effort de réduction d'effectif sur les fonctions support et non sur les fonctions de production afin de limiter la perte de savoir-faire. Un transfert, autant que possible, est également envisagé vers les actionnaires Airbus et Safran. Ce plan de départ volontaire a pris la forme d'une rupture conventionnelle collective qui a été validé par le comité social et économique (CSE) central d'ArianeGroup le 8 décembre.