15ème législature

Question N° 4201
de Mme Élisabeth Toutut-Picard (La République en Marche - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Action et comptes publics
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Moyens de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales

Question publiée au JO le : 26/12/2017 page : 6611
Réponse publiée au JO le : 05/06/2018 page : 4758

Texte de la question

Mme Élisabeth Toutut-Picard attire l'attention de M. le ministre de l'action et des comptes publics sur les moyens de lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales. Les récentes révélations du Consortium international des journalistes d'investigation sur les « paradise papers » ont mis au jour de nouveaux circuits planétaires d'optimisation fiscale. Les mesures prises ces dernières années, tant au niveau international que national, ont permis aux services fiscaux de recouvrer 8 milliards d'euros supplémentaires, mais elles restent insuffisantes au regard du coût de l'évasion fiscale pour la France : chaque année en France, 60 à 80 milliards d'euros de recettes sont perdues du fait de la fraude fiscale et 40 à 60 milliards d'euros du fait de l'optimisation fiscale. Ces sommes sont supérieures au déficit de la France en 2016 et représentent 100 fois le montant des fraudes aux aides sociales. La taxation des profits quittant le pays, la mise en place d'une taxe sur les transactions financières ou encore la création d'un corps spécialisé de contrôleurs chargés d'examiner la réalité des prestations immatérielles facturées aux sociétés basées fiscalement en France, pourraient constituer des solutions efficaces. Elle lui demande de lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend prendre, aux niveaux national, européen et mondial, pour renforcer la lutte contre la fraude et l'optimisation fiscales et ainsi récupérer des recettes indispensables au financement des services publics.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est fortement mobilisé dans la lutte contre la fraude fiscale et contre l'optimisation fiscale agressive de certains grands groupes internationaux. Au sein du Conseil de l'Union européenne (UE), la France a fortement contribué à traduire en droit européen les avancées du projet BEPS (base erosion and profit shifting) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ainsi, quatre directives ont été adoptées depuis 2016, à savoir la directive no 2016/881 du 25 mai 2016 dite « DAC4 » imposant des exigences de transparence aux entreprises multinationales en mettant en place un échange automatique et obligatoire d'informations concernant les déclarations pays par pays conforme à la norme issue du projet BEPS, la directive no 2016/1164 du 12 juillet 2016 dite « anti-optimisation » ou « ATAD » qui comporte des dispositions, dans la ligne des recommandations du projet BEPS, relatifs à la déductibilité des intérêts d'emprunt, aux sociétés étrangères contrôlées et aux situations hybrides (différences de qualifications juridiques nationales conduisant à une réduction ou à une absence d'imposition) intra-UE, la directive no 2017/952 du 29 mai 2017 dite « ATAD 2 » complétant la directive ATAD concernant les relations hybrides avec les États et territoires tiers à l'UE et enfin la directive no 2017/1852 du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l'UE, conforme à la norme issue de BEPS. En outre, la Commission européenne a présenté, le 21 juin 2017, une proposition de directive modifiant la directive no 2011/16/UE sur l'échange automatique d'informations dans le domaine fiscal des montages transfrontaliers devant faire l'objet d'une déclaration obligatoire, dite « DAC 6 ». Cette proposition de directive, dont la France a soutenu l'adoption rapide pour mieux lutter contre les pratiques d'optimisation fiscale agressive au sein de l'UE, a fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil pour les affaires économiques et financières (ECOFIN) du 13 mars 2018. Par ailleurs, l'UE s'est dotée lors du Conseil ECOFIN du 5 décembre 2017 d'une liste des États et territoires non coopératifs en matière fiscale. Cette liste a été mise à jour au 23 janvier puis au 13 mars 2018. Elle se fonde sur des critères de transparence qui se réfèrent aux standards internationaux, mais aussi sur des critères relatifs à la fiscalité dommageable. Elle prend également en compte l'engagement à mettre en œuvre les standards du projet BEPS. La France, qui a soutenu cette démarche et œuvré à l'établissement de la liste, souhaite que les listes du G20 et de l'UE s'accompagnent de mesures défensives coordonnées et efficaces à l'encontre des États et territoires qui y figurent. L'harmonisation fiscale européenne constitue également un enjeu fondamental pour le Gouvernement afin de mettre un terme aux pratiques d'optimisation et de concurrence fiscales déloyales. Ainsi, la France participe activement aux travaux du Conseil sur les propositions de directives présentées le 25 octobre 2016 par la Commission relatives à l'assiette commune (ACIS) et consolidée (ACCIS) de l'impôt sur les sociétés. Enfin, au niveau national, le conseil des ministres a adopté le 28 mars dernier un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude, consistant notamment à aggraver les sanctions à l'égard des coupables de fraudes, prévoir dans certains cas que les peines et sanctions soient publiées ou encore que les tiers facilitant la fraude fiscale et sociale puissent relever de sanctions administratives. Sur le terrain des discussions en cours en matière de fiscalité des activités numériques, la publicité croissante autour des pratiques d'optimisation de certaines entreprises multinationales a mis en évidence l'inadaptation du cadre actuel des règles fiscales au modèle économique de ces entreprises. C'est pourquoi la France, sous l'impulsion du Président de la République, se mobilise, tant au G20 qu'au niveau de l'UE, avec ses partenaires pour corriger la situation actuelle. L'initiative prise par la France avec neuf États membres lors de l'ECOFIN des 15 et 16 septembre 2017 a conduit le Conseil à demander à la Commission de proposer d'ici le printemps des mesures concrètes et opérationnelles tant en vue d'agir à court terme, la France proposant une taxation reposant sur le chiffre d'affaires, que pour le long terme, en cohérence avec les travaux déjà engagés au sein de l'Union en matière d'harmonisation de l'impôt sur les sociétés et au sein de l'OCDE (Task Force sur l'économie numérique). Une proposition de directive a été présentée par la Commission européenne le 21 mars 2018. Dans l'attente, à droit constant, la mise en place de schémas fiscaux agressifs par les groupes internationaux est combattue par l'administration fiscale dans le cadre des contrôles qu'elle opère. Son action est concentrée sur la correcte localisation et donc la juste prise en compte, dans l'assiette de l'impôt, de l'activité réellement exercée en France. Si les difficultés sont accrues dans le secteur de l'économie numérique dont une part très significative de la valeur ajoutée produite provient d'éléments facilement délocalisables, l'administration utilise néanmoins tous les moyens à sa disposition, tant en matière de détection des entreprises à risques que dans la phase opérationnelle de contrôle. Enfin, lorsque le résultat des contrôles est contesté par les entreprises, la position de l'administration est défendue devant le juge de l'impôt.