Question orale n° 426 :
Mise en place d'un cadre légal sur le bien-être animal

15e Législature

Question de : M. Vincent Ledoux
Nord (10e circonscription) - UDI, Agir et Indépendants

M. Vincent Ledoux interroge M. le ministre de l'intérieur sur la mise en place d'un cadre légal sur le bien-être animal. Le 29 octobre 2018, M. Jean-Philippe Noël, journaliste de presse écrite, rapportait dans le magasine de l'Association 30 millions d'amis, une situation révélatrice des tensions qui existent en France autour de la question des spectacles avec animaux dits sauvages. En cause, le cirque Muller, à Luc-en-Provence, qui avait décidé d'installer son chapiteau en plein centre-ville alors que le maire avait pris un arrêté interdisant la présence d'animaux de cirque sur son territoire. Pour le directeur dudit cirque, la décision du premier élu était caduque, dès lors que le préfet du Var l'y avait autorisé. Très vite, les esprits s'étaient échauffés, au point que certains auraient même brandi la menace de lâcher les animaux dans l'agglomération ou de bloquer les routes le jour des épreuves du baccalauréat. Cette menace, restée lettre morte, illustre parfaitement l'imbroglio juridique qui règne aujourd'hui en France autour de la question générale du bien-être animal. Car, si en France, le public fait plus que de s'interroger sur la place de ces animaux sauvages dans ces lieux de divertissement populaires, le pouvoir politique notamment l'exécutif n'a pas encore eu, à l'inverse des élus locaux, le courage de trancher clairement malgré les nombreuses propositions parlementaires sur le sujet. En effet, actuellement, une soixantaine de communes - dont une quinzaine de plus de 20 000 habitants - ont pris un tel arrêté. C'est le cas, entre autres, de Roncq, d'Ajaccio, de Chartres, de Tourcoinget, chaque mois, elles sont rejointes par des nouvelles. Or le fondement juridique d'un tel arrêté est fragile voire néant ! Il est aujourd'hui largement admis qu'il est préférable à un animal sauvage de vivre et d'évoluer librement dans son environnement naturel. La captivité d'animaux sauvages dans les cirques à des fins de les produire en spectacle est contraire à la notion moderne du bien-être animal et du respect de leur dignité. La Fédération des vétérinaires européens recommande d'ailleurs « à toutes les autorités compétentes européennes et nationales d'interdire l'utilisation de mammifères sauvages dans les cirques itinérants dans toute l'Europe, compte tenu de l'impossibilité absolue de répondre de façon adéquate à leurs besoins physiologiques, mentaux et sociaux ». Eu égard à ces éléments, M. le député et plusieurs de ses collègues de tous bords politiques ont déposé une proposition de loi visant à interdire les animaux sauvages dans les cirques. Il lui demande ce que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour soutenir et faire aboutir cette proposition plébiscitée par la population et saluée par toutes les associations de défense de la cause animale.

Réponse en séance, et publiée le 28 novembre 2018

CADRE LÉGAL DU BIEN-ÊTRE ANIMAL
M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux, pour exposer sa question, n°  426, relative au cadre légal du bien-être animal.

M. Vincent Ledoux. Monsieur le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur, on montre des animaux sauvages dans des cirques ou des ménageries itinérantes depuis le IIe siècle avant J-C. Nous sommes au troisième millénaire, à un moment où les arts circassiens se sont profondément renouvelés et ont réinventé, voire cassé, les codes, toujours pour faire de la création, la présence d'animaux sauvages dans les cirques semblant totalement aberrante au regard des normes contemporaines du bien-être animal. J'ai toute confiance dans cette profession pour y ajouter un surcroît d'éthique à l'égard des animaux. Je veux d'ailleurs préciser ici que je ne sous-entends pas que tous les dompteurs ou circassiens maltraitent leurs animaux. Je veux seulement faire entendre qu'en les privant de la liberté dont les animaux jouissent en milieu naturel, ils se rendent coupables d'une maltraitance dont nombre d'entre eux ignorent probablement et de bonne foi les dégâts provoqués sur l'animal.

Certaines communes l'ont bien compris, comme Tourcoing, Roncq, Ajaccio Chartres ou encore Luc-en-Provence, où des arrêtés communaux ont provoqué l'été dernier un épisode difficile entre les circassiens et les élus.

Au pays de Descartes qui considérait l'animal comme une machine, les connaissances scientifiques sur l'animal ont pourtant formidablement évolué, prouvant que les animaux sont des êtres sensibles, ce que le Parlement a reconnu. J'ai déposé une proposition de loi visant à interdire les animaux sauvages dans les cirques. Il s'agit d'assurer l'extinction progressive des ménageries de cirque, en leur imposant de ne plus acquérir de nouveaux animaux sauvages, et de faire en sorte que les animaux nés de parents actuellement détenus soient confiés à des structures agréées et réintroduits, dans la mesure du possible, dans leur milieu naturel.

Cette démarche, dont je ne sous-estime pas l'incidence pour un secteur d'activité traditionnel, devra être accompagnée, tout comme devra l'être le transfert des animaux vers des structures adaptées pour qu'il se passe dans les meilleures conditions ainsi que le développement d'une offre de spectacles de qualité.

Je vous fais observer qu'à l'échelle mondiale, vingt-huit pays, dont seize en Europe, interdisent totalement ou partiellement les cirques avec animaux sauvages. Nous attendons désormais que la France, pays des droits de l'homme, devienne bientôt celui des droits de l'animal.

Je vous remercie donc de bien vouloir me préciser comment le Gouvernement entend appuyer ma proposition de loi pour sécuriser sur le plan juridique les arrêtés pris par les communes et améliorer les droits des animaux. Permettez-moi pour conclure de citer cette belle phrase de Théodore Monod : « si l'homme se montrait plus modeste et davantage convaincu de l'unité des êtres, de sa responsabilité et de sa solidarité avec les autres êtres vivants, les choses seraient bien différentes! »

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur.

M. Laurent Nunez, secrétaire d'État auprès du ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous interrogez le Gouvernement au sujet de la mise en place d'un cadre légal sur le bien-être animal et je vous en remercie. Cette question est en effet aujourd'hui une préoccupation grandissante de l'opinion publique et concerne la situation des animaux des cirques.

Je rappelle qu'aujourd'hui, l'activité des cirques détenant des animaux sauvages en France est strictement encadrée par un arrêté ministériel du 18 mars 2011. Une centaine de cirques présentent des animaux au public. Au sein de ces établissements, le responsable de l'entretien des animaux doit être titulaire d'un certificat et l'établissement doit disposer d'une autorisation préfectorale d'ouverture. Par ailleurs, des normes de cages et d'installations pour les animaux sont édictées afin de garantir un minimum de bien-être pour les animaux.

Une partie de la population demande, comme vous le proposez, que les animaux sauvages soient interdits dans les cirques. Certaines communes – vous avez cité des noms – ont d'ailleurs refusé l'installation de cirques sur leur territoire au nom du bien-être animal alors que ces établissements, régulièrement contrôlés, sont en conformité avec la réglementation en vigueur. Pour appréhender au mieux cette problématique, il est nécessaire de prendre en considération tous les enjeux – bien-être animal mais aussi enjeux sociaux et économiques pour les circassiens – et d'instaurer un dialogue entre les parties. Il est de notre responsabilité collective d'apaiser les tensions entre circassiens et certaines ONG ou associations.

À cette fin, le Gouvernement a décidé de confier à la Commission nationale des professions foraines et circassiennes la mise en place d'un groupe dédié au bien-être des animaux dans les cirques. Ce groupe constituera une instance de dialogue et formulera, d'ici au printemps prochain, des propositions de mesures concernant la place des animaux sauvages dans les cirques. Si des évolutions législatives ou réglementaires apparaissent nécessaires, elles seront donc décidées sur le fondement des travaux menés par cette commission nationale.

M. le président. La parole est à M. Vincent Ledoux.

M. Vincent Ledoux. Vous avez rappelé le cadre réglementaire en vigueur. La proposition pourrait aller dans le bon sens si elle associait les organisations de défense animale et les parlementaires. Je pense que le Parlement fera son travail. Il faudra qu'autour de cette proposition de loi et du groupe de travail sur le bien-être animal nous convainquions le maximum de nos collègues pour aller en ce sens. Revoir la place de l'animal sauvage dans les cirques est une chose ; l'interdire en est une autre et pour ma part, je suis beaucoup plus radical en la matière, tout en recherchant des relations apaisées avec tous. Je pense seulement qu'au siècle où nous vivons, il faut absolument interdire les animaux sauvages dans les cirques et c'est en ce sens que je mènerai mon combat, je l'espère avec le Gouvernement.

Données clés

Auteur : M. Vincent Ledoux

Type de question : Question orale

Rubrique : Animaux

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 novembre 2018

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