Alerte sur la situation des journalistes en Afghanistan
Question de :
M. Hubert Julien-Laferrière
Rhône (2e circonscription) - Non inscrit
M. Hubert Julien-Laferrière alerte M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur la situation dramatique que vivent plus d'un millier de journalistes afghans depuis maintenant plus de trois mois. Depuis la prise de pouvoir des Talibans en août 2021, l'Afghanistan, pays déjà meurtri par deux décennies de conflits sans issue, vit sous le joug d'un régime théocratique obscurantiste qui porte des atteintes graves aux droits de l'Homme, à la condition des femmes, à la liberté d'éducation et à la liberté de la presse. La pratique ultra-rigoriste de l'islamisme le plus radical appliquée à l'ensemble de la sphère publique a engendré, comme il était malheureusement à prévoir, une répression générale à l'encontre des médias du pays. D'après le Comité pour la sécurité des journalistes afghans (AJSC), plus de 70 % des médias d'Afghanistan, soit plus de 120, ont d'ores et déjà fermé depuis le 15 août 2021, forcés par le nouveau régime ou contraints par peur de représailles. Qari Muhammad Yousuf Ahmadi, porte-parole Taliban et directeur du Centre d'information et des médias du Gouvernement (GMIC), demandait ainsi à tous les organes de presse, dès septembre 2021, d'adapter l'intégralité de leurs contenus à la nouvelle ligne idéologique du pays en cessant de diffuser « tout sujet en contradiction avec l'Islam » et en interdisant toute « insulte envers des personnages nationaux ». Les femmes journalistes, plus encore, figurent parmi les plus visées par la répression du régime. Depuis la mi-novembre, les femmes sont désormais totalement bannies des séries diffusées à la télévision et les rares femmes journalistes apparaissant à l'antenne sont obligées de porter le voile à l'écran. Seule une poignée d'entre elles travaillent toujours dans quelques rédactions du pays, l'immense majorité ayant déjà cessé d'exercer leur liberté d'informer leurs concitoyens. Le recul amorcé est terrible lorsque l'on sait que, entre 2001 et 2021, le pays avait vu émerger des dizaines de stations radio et télévisions proposant émissions de libre antenne, documentaires, feuilletons, clips musicaux ou émissions de divertissement en tous genres. Les journalistes afghans visés par les Talibans, privés de travail et de ressources, parfois menacés de mort, se trouvent dès lors dans une situation catastrophique. N'ayant d'autre perspective que l'exil, un grand nombre d'entre eux se tournent vers la France qui, à leurs yeux, bénéficie d'une aura particulière en tant que pays des droits humains, de la liberté et de la démocratie. Pourtant, plusieurs dizaines d'entre eux sont toujours, à l'heure actuelle, en attente d'une exfiltration par la France faute de moyens humains et matériels suffisants. Cette situation dramatique oblige la France et ses dirigeants. Le préambule de la Constitution de 1946 énonce que toute personne « persécutée en raison de son action en faveur de la liberté a droit d'asile sur les territoires de la République ». Les journalistes afghanes et afghans qui risquent désormais leur vie pour avoir défendu la liberté de conscience et d'information dans leur pays en font pleinement partie. Le Président de la République l'avait également énoncé en août 2021 : « nous les aiderons parce que c'est l'honneur de la France d'être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos valeurs ». M. le député demande donc à M. le ministre quelles mesures sont envisagées pour permettre la prise en charge par la voie des ambassades de celles et ceux qui ont réussi à émigrer dans des pays limitrophes, favoriser l'évacuation rapide des journalistes afghans restés sur place et leur accorder l'asile.
Réponse publiée le 19 avril 2022
La France suit avec une grande attention la situation des droits humains et libertés fondamentales en Afghanistan, parmi lesquelles figure la liberté de la presse, qui s'est fortement dégradée depuis la prise de Kaboul par les Talibans le 15 août 2021. Après avoir anticipé le rapatriement des Afghanes et Afghans ayant travaillé pour la France, ainsi que leurs familles, la France a mené, dès le 15 août, des opérations d'évacuation d'urgence, qui ont concerné en grande majorité des ressortissants afghans en besoin de protection. En dépit du désengagement rapide des forces américaines en charge de la sécurité de l'aéroport de Kaboul, la France a poursuivi son effort en mettant en place de nouvelles opérations d'évacuation aérienne, en partenariat avec le Qatar. Depuis la chute de Kaboul, nous sommes ainsi parvenus à mettre en protection plus de 3 000 Afghanes et Afghans, dont un grand nombre de journalistes, mais également des professionnels de la culture, syndicalistes, anciens personnels civils de recrutement local (PCRL) ou anciens cadres politiques et administratifs, avec leur famille. Dans le cadre de l'opération d'évacuation menée conjointement avec le Qatar le 2 décembre 2021, sur les 259 personnes évacuées, un peu moins de la moitié était des journalistes, accompagnés de membres de leur famille. Nos ambassades dans les pays limitrophes de l'Afghanistan sont également pleinement mobilisées : elles ont renforcé leurs effectifs pour répondre dans les meilleurs délais aux nombreuses demandes de visas aux fins de demande d'asile, en coordination avec le ministère de l'intérieur, compétent en la matière. À ce jour, près de 2500 demandes d'asile ont été enregistrées. Parmi ces demandeurs, près de 2 000 sont hébergés dans le cadre du dispositif national d'accueil (DNA). À ce jour, le départ d'Afghanistan demeure subordonné à l'autorisation des autorités de fait talibanes qui se montrent très strictes, en dépit des assurances qu'elles ont données à la communauté internationale. Nous continuons à porter des messages en faveur de la levée des entraves pour celles et ceux qui souhaitent quitter le pays et pour que soient respectés les droits humains, et tout particulièrement la liberté de la presse. Sur initiative de la France, ces exigences figurent parmi les conditions de la résolution 2593 du Conseil de sécurité des Nations unies, que nous n'avons de cesse de rappeler. La France, qui a d'ores et déjà fourni une aide humanitaire de 100 millions d'euros en soutien à la population afghane fin 2021, reste pleinement mobilisée pour venir en aide aux Afghanes et aux Afghans menacés.
Auteur : M. Hubert Julien-Laferrière
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 30 novembre 2021
Réponse publiée le 19 avril 2022