15ème législature

Question N° 42875
de M. Robert Therry (Les Républicains - Pas-de-Calais )
Question écrite
Ministère interrogé > Transports
Ministère attributaire > Transports

Rubrique > transports aériens

Titre > Accord de libre-échange sur le transport aérien entre UE et Qatar

Question publiée au JO le : 30/11/2021 page : 8561
Réponse publiée au JO le : 08/03/2022 page : 1636

Texte de la question

M. Robert Therry attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports, sur le récent accord de libre-échange signé en matière de transport aérien entre l'Union européenne et le Qatar. Censé selon la Commission européenne « créer des conditions de concurrence équitables qui devraient se traduire par de nouvelles possibilités de développement du transport aérien et par des avantages économiques pour les deux parties », cet accord inquiète en particulier les syndicats comme la direction d'Air France-KLM, qui l'estiment déséquilibré. Il prévoit en effet un accès pour les compagnies qataries à un marché de 447 millions d'habitants contre un marché local de l'émirat de moins de 3 millions d'habitants. Concernant le transport du fret, la situation serait encore plus préoccupante, les compagnies qataries pouvant embarquer ou débarquer du fret en Europe à destination ou au départ de n'importe quel pays tiers sous réserve que la ligne exploitée ait Doha pour origine ou destination finale. Cet accord serait également déséquilibré dans la mesure où, alors que le modèle des compagnies qataries est très éloigné des standards européens, les obligations sociales et concurrentielles imposées en contrepartie sont, soit de simples déclarations d'intention (pour les clauses sociales), soit très difficiles voire impossibles à mettre en œuvre (pour les clauses de concurrence loyale). Il lui demande donc quelles réponses il entend apporter à ces inquiétudes légitimes.

Texte de la réponse

L'accord sur le transport aérien entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'État du Qatar, d'autre part, signé le 18 octobre 2021, se substitue aux accords bilatéraux que les États membres de l'Union européenne avaient conclus avec cet État et, pour la France, à l'accord de 1975. Les accords bilatéraux des États membres avaient déjà largement ouvert le marché européen aux transporteurs aériens du Qatar, plus d'une vingtaine de ces États ayant même entièrement libéralisé le trafic avec ce pays ; en revanche, aucun de ces accords ne comportait de disposition encadrant strictement les conditions de concurrence, ni ne prévoyait de disposition promouvant les droits et principes fondamentaux au travail tels que déclinés par l'Organisation internationale du travail. Enfin, aucun de ces accords n'abordait de façon précise la problématique environnementale. C'est dans ce contexte et pour atteindre des objectifs précis en matière de concurrence, de droit du travail et d'environnement, que les États membres ont décidé en juin 2016 d'autoriser la Commission européenne à ouvrir des négociations avec le Qatar. Celles-ci ont abouti, début 2019, à un texte répondant aux objectifs qui avaient été assignés à la Commission européenne. A ce titre, cet accord comporte des dispositions novatrices en matière de concurrence directement inspirées du droit européen sur les abus de position dominante, les ententes, ou encore les concentrations, et sur les aides d'État. Il comporte aussi des obligations de transparence financière, seule à même de permettre le respect de ces dispositions concurrentielles. Il renvoie aux obligations des États découlant de leur appartenance à l'Organisation internationale du travail, ce qui est là-aussi novateur. Il entérine, enfin, la nécessité de protéger l'environnement, avec notamment un engagement à appliquer le dispositif CORSIA de l'Organisation de l'aviation civile internationale. Les États membres, pris individuellement, auraient vraisemblablement eu des difficultés à négocier de telles clauses. En contrepartie, l'accord européen prévoit une ouverture du marché européen, qui est progressive dans le temps, comme la France et l'Allemagne l'avaient souhaité, pour les vols passagers entre l'Union européenne et le Qatar. Cette ouverture ne prévoit pas la possibilité d'exploiter des vols entre des points situés dans le territoire de l'Union européenne ni des vols au-delà de l'Union européenne. Enfin, concernant le transport de fret, l'accord ne prévoit pas la possibilité pour Qatar Airways d'embarquer ou de débarquer du fret de façon illimitée au départ de l'Europe vers des pays tiers. Les droits prévus portent seulement, et après une période transitoire, sur un vol par jour au plus en continuation des vols entre Doha et l'Union et exclusivement de ou vers le continent américain. Ces éléments font de cet accord un texte dans lequel les droits ouverts aux transporteurs aériens ont été maîtrisés et s'accompagnent d'obligations fortes ; les autorités françaises veilleront à ce que ces obligations soient respectées. A cet égard, le Gouvernement a d'ores et déjà demandé à la Commission européenne de réunir sans délai le comité mixte, instance créée par l'accord aérien afin que la transparence requise par l'accord soit apportée sur les conditions économiques de fonctionnement de la compagnie Qatar Airways.