15ème législature

Question N° 4343
de M. Michel Larive (La France insoumise - Ariège )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Titre > Personnes renvoyées d'Europe vers l'Afghanistan ces trois dernières années

Question publiée au JO le : 02/01/2018 page : 28
Réponse publiée au JO le : 12/11/2019 page : 9963
Date de changement d'attribution: 16/10/2018
Date de signalement: 04/12/2018

Texte de la question

M. Michel Larive attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'augmentation significative du nombre de personnes renvoyées d'Europe vers l'Afghanistan ces trois dernières années alors que la situation dans le pays est très préoccupante. Plusieurs rapports font état d'une dégradation de la situation sécuritaire dans cette région du monde. De nombreux groupes armés se disputent tel ou tel secteur géographique et les victimes civiles se comptent par milliers. La mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan a dénombré 11 418 personnes tuées ou blessées en 2016. D'après les premiers recensements, on en dénombre au moins autant en 2017 et compte-tenu de la campagne de bombardement intensive menée par les Américains contre les Talibans au cours de l'année 2017, il est à craindre que de malencontreux « dégâts collatéraux » n'aggravent encore ce triste bilan. Aux dires de plusieurs organisations internationales, l'Afghanistan connaît les heures les plus sombres de son histoire. Pourtant, en dépit de cette situation dramatique, le nombre de retours de migrants vers l'Afghanistan a plus que triplé ces dernières années. En France, les conditions d'accueil déplorables des migrants, en particulier à Calais, ont conduit bon nombre d'entre eux à accepter les primes de départ volontaire et à rentrer chez eux. Plus de 500 afghans sont ainsi partis en 2016 contre seulement 27 l'année précédente. Mais les départs dits « volontaires » ne sont pas tout. En 2017, selon différentes sources, il y a eu plus de 800 renvois forcés de migrants vers l'Afghanistan, et autant vers d'autre pays européens, sur la base des accords de Schengen ou du règlement Dublin. Étant donné les nombreux dangers qui attendent les ressortissants afghans en cas de retour dans leur pays, comme l'explique en détail le rapport EASO de décembre 2017 (Afghanistan - Individuals targeted under societal and legal norms), il faudrait suspendre immédiatement toutes les procédures de renvois vers l'Afghanistan et décréter un moratoire sur les renvois directs depuis la France. Il serait aussi souhaitable de s'assurer qu'aucun transfert de demandeur d'asile vers un autre État européen n'aura plus lieu lorsqu'il existe un risque que l'État en question renvoie ces personnes vers l'Afghanistan. Il lui demande s'il est prêt à adopter une telle mesure ou s'il peut justifier son refus.

Texte de la réponse

L'exécution d'une mesure d'éloignement offre des garanties permettant de prévenir les risques que l'intéressé pourrait encourir pour sa vie dans son pays d'origine. Ainsi, la mesure d'éloignement ne peut intervenir que si l'intéressé n'a pas demandé l'asile ou si cette demande a été rejetée. Un étranger ayant introduit une demande d'asile dans un pays de l'Union européenne peut faire l'objet d'une mesure de transfert, au titre du règlement n° 604-2013 du 18 février 2003, dit règlement « Dublin III », vers ce pays, qui offre de facto un système de protection des droits équivalent à celui de la France en matière d'asile. Les personnes transférées vers les Etats membres responsables de leur demande d'asile y bénéficient à chaque fois qu'ils le sollicitent d'un réexamen de leur demande d'asile ainsi que de toutes les voies de recours sur une éventuelle décision de rejet. La France ne saurait contester le bon fonctionnement de l'Etat de droit dans ces Etats européens, qui sont signataires de la Convention de Genève et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. A ce titre, ils apportent des garanties similaires à celles de la France. Cette position est confortée par un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 21 décembre 2011, considérant que le système européen de l'asile repose sur une présomption renforcée de respect des droits fondamentaux par les États membres et que les Etats membres peuvent s'accorder une confiance mutuelle à cet égard. En France, l'examen des demandes d'asile est assuré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui dispose d'une indépendance consacrée par la loi pour statuer sur les dossiers individuels. Les mesures d'éloignement vers l'Afghanistan ne sont prononcées qu'après un examen attentif du dossier par l'autorité administrative. En particulier, l'administration s'assure systématiquement que l'intéressé ne sera pas exposé à des traitements inhumains ou dégradants sanctionnés par l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif à l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants. Cette appréciation est, en outre, soumise au contrôle du juge. Une partie des retours se fait de façon volontaire et l'Etat propose des aides à cet égard. En 2018, 1 126 ressortissants afghans ont bénéficié de l'aide au retour volontaire attribuée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ces retours s'effectuent également dans le cadre du dispositif européen de réinsertion économique (ERRIN). L'opérateur pour l'Afghanistan est « International returns and reintegration assistance », dont le siège est situé en Grande-Bretagne. Il travaille en Afghanistan exclusivement avec l'agence Afghanistan Center of Excellence. En 2018, ce sont 1 126 aides à la réinsertion économique pour la création d'entreprises qui ont été distribuées par l'OFII dans le cadre du dispositif ERRIN. Enfin, l'allongement de la durée de rétention prévu par la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a pour objectif d'augmenter la délivrance par les autorités consulaires des pays tiers des documents de voyage nécessaires à l'éloignement de leurs ressortissants en situation irrégulière dans notre pays, qui interviennent souvent dans des délais supérieurs à ceux précédemment prévus pour la rétention. Pour mémoire, la déclaration politique « Joint Way Forward », signée entre l'Afghanistan et l'Union européenne en octobre 2016, prévoit la possibilité pour l'État membre concerné de délivrer un laissez-passer européen en l'absence de réponse des autorités afghanes passé le délai d'un mois.