15ème législature

Question N° 4451
de Mme Séverine Gipson (La République en Marche - Eure )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > médecine

Titre > Lutte contre la désertification médicale

Question publiée au JO le : 09/01/2018 page : 135
Réponse publiée au JO le : 23/01/2018 page : 626

Texte de la question

Mme Séverine Gipson attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les problèmes d'adaptation des mesures incitatives pour l'installation des médecins en zones déficitaires. Alors que de nombreux territoires ruraux font face à une pénurie de médecins de plus en plus alarmante, les mesures fiscales pour faciliter l'installation ou le regroupement des professionnels ne sont pas toujours adaptées à la réalité des besoins. Si les médecins s'installant en zone de revitalisation rurale peuvent bénéficier d'une exonération d'impôt sur les bénéfices et de taxe professionnelle, certaines zones déficitaires ne bénéficient pas de ces incitations pour attirer de nouveaux praticiens. Aussi elle lui demande de préciser quelles initiatives le Gouvernement entend adopter pour permettre une meilleure adéquation des incitations aux zones déficitaires et s'il est envisageable d'accroître la fréquence d'évaluation des zones de pénurie médicale. Par ailleurs, dans son rapport publié fin novembre, la Cour des comptes réclame la mise en place d'un conventionnement sélectif pour limiter la liberté d'installation des praticiens. Elle pense qu'au regard de la situation, voyant la désertification médicale progressée, un système de conventionnement sélectif par l'assurance-maladie, applicable à tous les professionnels de santé libéraux, conditionné à la vérification qu'un besoin de santé existe bien sur le territoire d'installation prévu, devrait être envisagé. Il ne s'agirait pas seulement de défendre l'accès aux soins dans les zones reculées, mais de mieux maîtriser l'envolée des remboursements. Car plus il y a de soignants, plus on soigne, les dépenses de santé étant étroitement corrélées avec la densité de professionnels de santé libéraux, mais fort peu avec les besoins de santé des territoires ; la Cour des comptes estime à entre 900 millions et 3,2 milliards d'euros la dépense qui n'a pas lieu d'être du fait de cette mauvaise répartition des professionnels de santé sur le territoire. Avec le conventionnement sélectif, un médecin libéral ne pourrait pas s'installer là où la densité médicale est élevée. Ce conventionnement sélectif a été mis en place pour les infirmières et, depuis 2008, pour les kinésithérapeutes. Et cela donne des résultats. Pour les kinésithérapeutes, on a fait baisser le nombre d'installations dans les zones excédentaires, et augmenter dans les zones déficitaires. Ce n'est pas de la coercition mais de la régulation. Aujourd'hui, nous sommes malheureusement contraints de constater que les mesures incitatives mises en place pour une meilleure répartition des professionnels de santé présentent une efficacité dérisoire pour des coûts très élevés. La densité de généralistes varie du simple au double selon le département et de 1 à 8 pour les spécialistes. Les 600 contrats de praticiens territoriaux de médecine générale ou de praticiens isolés à activité saisonnière ont coûté 20,4 millions d'euros à l'État en 2015. Pour les dispositifs démographiques de l'assurance-maladie, ce sont plus de 46,5 millions d'euros, plus 4,6 millions de prises en charge des cotisations famille. Quant aux aides des collectivités territoriales, elles ne sont ni recensées, ni chiffrées. Ce serait alors une solution face à une situation devenue inacceptable. Car les déserts médicaux rompent l'égalité des Français devant l'accès à des soins de proximité. Ainsi, elle souhaite connaître son avis sur cette solution et son plan d'action pour lutter efficacement et concrètement contre la désertification médicale.

Texte de la réponse

Le Gouvernement s'est saisi très rapidement des difficultés d'accès aux soins auxquels sont confrontés certains territoires. Un plan d'égal accès aux soins a été présenté le 13 octobre 2017 par la ministre des solidarités et de la santé. Ce plan, structuré autour de 4 priorités, propose un panel de solutions adaptables à chaque territoire : - La première priorité porte sur le renforcement de l'offre de soins dans les territoires au service des patients, avec notamment le déploiement des aides individuelles à l'installation dans les territoires en tension, négociées dans le cadre conventionnel, des mesures visant à faciliter le cumul-emploi retraite, et d'autres pour développer l'exercice en zone sous-dense même sans installation (ex : les consultations avancées) ainsi que les coopérations entre professionnels de santé. Sans oublier les actions en faveur des stages en cabinet de ville, maisons ou centres de santé pour les futurs professionnels en formation : l'indemnité des maîtres de stage implantés dans les zones en tension sera revalorisée de 50% (soit 300 euros) ; des dispositions sont aussi prévues pour développer l'accueil des stagiaires (aides, amélioration des conditions d'hébergement et de transport). - La seconde priorité est centrée sur la mise en œuvre de la révolution numérique en santé pour abolir les distances, avec en particulier un appui fort au développement de la télémédecine (téléconsultation et télé expertise), qui sera inscrite dans le droit commun dès 2018 ; il est aussi prévu d'équiper d'ici 2020 tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et toutes les zones sous-denses d'un matériel permettant la téléconsultation. - La troisième priorité vise une meilleure organisation des professionnels de santé pour assurer une présence soignante pérenne et continue via, entre autres, le développement des structures d'exercice coordonné et l'assurance d'une réponse aux demandes de consultations non programmées de médecine générale pour les patients. Le Gouvernement a ainsi pour ambition de doubler le nombre des maisons de santé pluri professionnelles (MSP) et des centres de santé (CDS) d'ici à 5 ans. Des investissements sont prévus dans le cadre du grand plan d'investissement pour soutenir cet objectif. Au-delà des MSP et des CDS, toutes les formes d'exercice coordonné seront encouragées en fonction des territoires : équipes de soins primaires (ESP) associant médecins généralistes et d'autres professionnels de santé, ou encore communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) rassemblant plus largement les acteurs de santé d'un territoire autour d'un projet commun, font également partie des leviers à mobiliser. - La quatrième priorité concerne quant à elle la méthode, inédite : faire confiance aux acteurs des territoires pour construire des projets et innover dans le cadre d'une responsabilité territoriale. Le rôle de l'Etat, des agences régionales de santé et de l'assurance maladie est d'accompagner et d'encourager ces initiatives locales. La ministre suivra personnellement les avancées de ce plan : elle présidera chaque semestre le comité national de suivi et d'évaluation qui va être mis en place. Elle a nommé 3 délégués à l'accès aux soins (un médecin généraliste, un député et un sénateur), chargés de porter le plan auprès de l'ensemble des acteurs, ils ont pour mission de faire remonter les expériences réussies mais aussi d'identifier les difficultés et les freins rencontrés sur le terrain. Ils seront force de proposition auprès du comité pour adapter ou compléter les mesures du plan.