15ème législature

Question N° 4585
de Mme Laurence Vichnievsky (Mouvement Démocrate et apparentés - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Artificialisation des sols au détriment des terres agricoles

Question publiée au JO le : 23/01/2018 page : 544
Réponse publiée au JO le : 27/02/2018 page : 1656
Date de changement d'attribution: 13/02/2018

Texte de la question

Mme Laurence Vichnievsky attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'artificialisation des sols au détriment des terres agricoles. L'artificialisation des sols s'exerce, en France, essentiellement au détriment des terres agricoles. Selon les statistiques de la Banque mondiale, la perte de la surface agricole en métropole, entre 1961 et 2015, a été de 58,121 km², soit plus de 10 % de la surface de la France. Cette perte doit être rapprochée de l'accroissement démographique de la métropole qui, durant la même période, est passée d'un peu moins de 46 millions à un peu plus de 64 millions d'habitants. Ainsi, la surface de terre arable par habitant est passée, entre 1961 et 2015, de 0,75 ha à 0,45 ha ce qui fait exactement un recul de 40 % ! Selon la Fédération nationale des SAFER, le rythme de la perte des terres agricoles atteint désormais 60 000 ha par an, soit la surface agricole moyenne d'un département métropolitain tous les cinq ans ! Les conséquences sur l'environnement sont connues : premièrement la fréquence accrue des inondations dues à la non-absorption des eaux pluviales par les sols artificialisés, et ce malgré les bassins de retenue de plus en plus importants mis en place depuis un siècle pour prévenir ces risques ; deuxièmement, la non-reconstitution des nappes phréatiques par la perte des eaux pluviales tombant sur les sols artificialisés et s'écoulant directement vers les égouts ; troisièmement, un phénomène de lessivage des terres agricoles subsistantes qui reçoivent trop d'eaux pluviales pour leurs capacités d'absorption du fait du débordement des surfaces artificialisées. Cette dernière conséquence - le lessivage - est évidemment cumulative avec la perte des surfaces agricoles décrite plus haut : la terre arable, socle de l'activité agricole, perd ainsi en épaisseur et en qualité. Si l'on raisonne en volume et non plus seulement en surface, c'est une perte de plus de la moitié des terres arables par habitant que la France a perdu en un demi-siècle ! Durant la même période, du fait de la mécanisation, du remembrement, de l'adjonction d'engrais et de pesticides, la productivité agricole s'est considérablement accrue, au point de compenser, et même au-delà, la perte de ces terres agricoles. Mais la production agricole est devenue entièrement dépendante aux énergies fossiles, qu'il s'agisse du pétrole utilisé par les tracteurs et autres engins mécaniques, ou du gaz nécessaire à la production de l'azote des engrais minéraux. Cela contribue de manière importante au réchauffement climatique, dont on sait par ailleurs qu'il est lui-même à l'origine de la baisse des rendements agricoles. C'est dans ce contexte préoccupant que se pose la question de l'artificialisation des sols, qui non seulement contribue à la dégradation de l'environnement et compromet à terme la préservation de la souveraineté alimentaire, mais a pour effet immédiat de renchérir le prix des terres agricoles à proximité des zones urbaines et d'en chasser les petits exploitants. Peut-on alors envisager : pour la fin du quinquennat 2017-2022, la mise en place de dispositifs légaux permettant d'empêcher, sans compensation physique équivalente, toute transaction foncière ayant pour objet ou pour effet la réduction de l'emprise des terres agricoles. D'ici là, un moratoire sur la création des zones commerciales : Mme la députée pense en particulier à cet absurde projet d'EuropaCity, tout près de Paris, qui risque d'engloutir plus de 200 ha des meilleures terres agricoles de l'Île-de-France pour, entre autres équipements, doter les Franciliens de pistes de ski indoor…Elle souhaiterait donc connaître ses intentions sur ces questions.

Texte de la réponse

L'accroissement de l'artificialisation des terres agricoles a de nouveau été mis en lumière par le rapport publié en mai 2017 par la fédération nationale des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (FNSAFER). Les données diffusées par la FNSAFER corroborent, quant au sens des évolutions constatées, toutes les statistiques publiques, françaises et européennes, en particulier celles établies annuellement par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation (MAA). L'enjeu de la préservation des terres agricoles constitue une priorité importante du MAA. Les besoins en matière d'infrastructures, de logement et de développement économique exercent une pression importante sur les surfaces agricoles notamment périurbaines, terres souvent les plus fertiles, qui s'avèrent aussi les plus faciles à urbaniser. À la différence des sols forestiers ou de ceux qui sont protégés en raison des sites ou de la biodiversité, les sols agricoles bénéficient d'une moindre protection juridique. À l'initiative des collectivités territoriales, la mise en œuvre d'outils spécifiques créés par le législateur permet néanmoins de planifier la protection des zones agricoles rendues vulnérables par l'étalement urbain. Il s'agit d'une part des zones agricoles protégées, codifiées à l'article L.112-2 du code rural et de la pêche maritime (CRPM), et d'autre part, des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains, codifiés à l'article L.113-16 du code de l'urbanisme. Ces deux outils produisent des effets différents, mais concourent, ensemble, à une protection ciblée des espaces à vocation agricole. L'encadrement de l'urbanisation se renforce depuis plus d'une décennie à travers des mesures inscrites tant dans le code de l'urbanisme que dans dans le CRPM, à l'instar du renforcement, en 2014, des prérogatives des commissions départementales de la préservation des espaces naturels agricoles et forestiers. Cependant, force est de constater que leurs effets sont encore insuffisants, même si certaines collectivités mettent en œuvre des nouvelles stratégies pour réduire leur expansion urbaine. Une réflexion doit être engagée sur le foncier agricole et sur les moyens de le préserver. Il convient en effet de renforcer le rôle de l'observatoire des espaces naturels, agricoles et forestiers ainsi que celui des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, qui sont de véritables instances de concertation, dans la perspective d'un aménagement du territoire équilibré, intégrant pleinement l'enjeu de préservation des terres agricoles. Le ministre chargé de l'agriculture a demandé au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux d'évaluer la performance des outils de préservation des terres agricoles et de préconiser des voies d'amélioration. Le rapport de cette mission est attendu au premier semestre 2018. En outre, cette problématique sera également traitée dans le cadre de la réflexion sur le foncier qui sera initiée en 2018 comme l'a indiqué le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.