15ème législature

Question N° 469
de M. Christophe Arend (La République en Marche - Moselle )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > collectivités territoriales

Titre > Déclaration alsacienne, coopération transfrontalière et rôle de la Lorraine

Question publiée au JO le : 11/12/2018
Réponse publiée au JO le : 19/12/2018 page : 13786

Texte de la question

M. Christophe Arend alerte Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les conséquences de la déclaration alsacienne sur le Grand-Est, et plus précisément sur la Lorraine. Le 29 octobre 2018, le Premier ministre et les élus d'Alsace ont annoncé leur volonté de créer une collectivité d'Alsace d'ici 2021 à travers l'adoption d'une déclaration commune. Au nom de tous les Lorrains, M. Christophe Arend fait part de leur inquiétude quant à cette décision. Aucune concertation n'a été faite préalablement ; les élus des zones frontalières de la région Grand-Est étant mis à la l'écart lors des travaux préparatoires, tout comme le groupe de travail parlementaire franco-allemand que M. le député co-préside et qui a pourtant rédigé 2 résolutions phares sur ce sujet. Il est important de rappeler qu'historiquement, c'est une erreur de séparer l'Alsace de la Lorraine. La Lorraine, dont la particularité historique, tant par les guerres que par son histoire industrielle, est tout aussi marquée que celle de l'Alsace. Deuxièmement, il demeure des incohérences fondamentales relatives à la coopération transfrontalière. L'Alsace ne constitue pas « un territoire transfrontalier intégré et européen», tout au plus un territoire frontalier, comme la Moselle, avec l'Allemagne, le Luxembourg et la Belgique. Les territoires transfrontaliers intégrés sont les Eurodistricts, dont le premier fut le territoire SaarLorLux en 1971. Preuve du dynamisme de ce territoire, c'est le Land de Sarre, voisin de la Moselle qui a inscrit dans ses priorités politiques depuis bientôt 6 ans une Stratégie France, visant à rendre tous ses habitants bilingues et à se positionner en tant que plate forme au service de la France et de l'Allemagne pour les échanges franco-allemands dans tous les domaines. Et ce, sans compter les nombreuses réalisations entre la Lorraine et ce Land : Université franco-allemande à Sarrebruck depuis 1997, l'ISFASTES ou encore la Task Force Frontaliers créée en 2011 pour ne citer que quelques exemples. Dans un souci de cohérence, les prérogatives octroyées à la nouvelle collectivité alsacienne en matière de chef de file dans le domaine de l'action transfrontalière doivent être déclinées de la même manière dans les collectivités lorraines pour un développement renforcé de l'écosystème commun à l'échelle de la région Grand Est. Si l'action transfrontalière est « le coeur du projet de la collectivité européenne d'Alsace », il n'est pas acceptable que cette action se fasse au détriment des autres territoires historiques de coopération transfrontalière du Grand Est. Les 2 GECT de Moselle/Lorraine doivent être dotés des mêmes compétences, ressources et procédures accélérées. Enfin, il est essentiel de rappeler un anachronisme : la réforme constitutionnelle citée n'a pas été encore adoptée, le Traité de l'Elysée n'est pas finalisé alors qu'il aurait renforcé ce même projet de loi et permis à l'Alsace de créer cette entité sans que cela ne mettent les territoires en concurrence. Il l'interroge sur la nécessité d'accorder les mêmes droits à l'expérimentation et les mêmes prérogatives particulières en matière de coopération transfrontalière que l'Alsace à l'ensemble de la Lorraine afin d'éviter l'accroissement des inégalités territoriales.

Texte de la réponse

CRÉATION D'UNE COLLECTIVITÉ D'ALSACE ET COOPÉRATION TRANSFRONTALIÈRE


Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Arend, pour exposer sa question, n°  469, relative à la création de la collectivité européenne d'Alsace et à la coopération transfrontalière.

M. Christophe Arend. Le 29 octobre dernier, le Gouvernement et les élus d'Alsace ont annoncé leur volonté de créer la collectivité européenne d'Alsace en adoptant une déclaration commune. En Européens convaincus, nous ne pouvons que saluer la volonté de ce territoire frontalier.

Depuis leur résolution commune du 22 janvier dernier, l'Assemblée nationale et le Bundestag se sont dotés d'un groupe de travail franco-allemand, composé de neuf députés français et neuf députés allemands. L'une des missions de ce groupe de travail a été de faire des propositions pour le futur traité d'amitié franco-allemand, parfois appelé Élysée 2.0.

Sur la question de la coopération transfrontalière, les nombreuses auditions d'élus des territoires concernés, d'acteurs de la société civile ou encore d'organisations de coopération franco-allemande l'ont convaincu de demander des compétences spécifiques et un droit d'expérimentation pour les collectivités transfrontalières existantes. Historiquement, Saar-Lor-Lux, créé en 1971, fut la première collectivité européenne transfrontalière intégrée. Cette entité a évolué avec l'ajout quelques années après de la Wallonie. Elle porte aujourd'hui le nom de Grande Région et constitue une véritable collectivité européenne transfrontalière intégrée réunissant quatre pays européens. Elle s'est d'ailleurs dotée depuis plusieurs années d'une structure juridique propre – Task force Frontaliers – et d'une université – UniGR. Dans sa dimension franco-allemande, les collectivités concernées sont essentiellement les trois eurodistricts : Strasbourg-Ortenau, PAMINA et SaarMoselle.

Nous avons compris que le chef de filat mentionné dans l'acte de naissance de la collectivité européenne d'Alsace vaut uniquement pour le périmètre de la nouvelle entité, mais nous tenons à rappeler, avec énergie, que la région Grand Est tout entière est terre de voisinage. C'est pourquoi nous vous demandons de nous rassurer sur l'octroi à l'ensemble des zones de voisinage, dont les eurodistricts, des mêmes prérogatives que celles dont jouira la future collectivité européenne d'Alsace en matière de coopération transfrontalière.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre chargé des collectivités territoriales.

M. Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales. Dès le début, le cap fixé par le Gouvernement en matière institutionnelle a été le suivant : accompagner les initiatives locales, dès lors qu'elles répondent à l'intérêt général ; ne pas provoquer un big-bang des compétences et de l'organisation administrative des collectivités territoriales, qui ont connu suffisamment d'évolutions ces dernières années, lesquelles ont d'ailleurs traumatisé les élus et les territoires ruraux.

Accompagner les initiatives locales, c'était donc entendre et comprendre le désir d'Alsace exprimé par les Alsaciens et leurs élus. Pour comprendre les attentes et créer les conditions d'un dialogue apaisé, le Premier ministre a demandé fin janvier au préfet de la région Grand Est, Jean-Luc Marx, de mener une concertation sur la question institutionnelle alsacienne et de lui faire part de ses propositions, à deux conditions : d'une part, que la région Grand Est conserve son intégrité, et, d'autre part, que les grands équilibres de la loi NOTRe soient respectés. Jacqueline Gourault a ensuite été missionnée pour trouver les solutions d'un « cousu main » pour l'Alsace, ce qui a abouti à la signature d'une déclaration commune le 29 octobre dernier. Je sais d'ailleurs que vous avez été reçu par la ministre et son cabinet à plusieurs reprises sur ce sujet.

En matière de coopération transfrontalière, il est confié à la collectivité européenne d'Alsace un rôle de chef de file sur le seul territoire alsacien. Ainsi, la collectivité pourra organiser l'action collective, sans restreindre la capacité d'action des autres collectivités intéressées ; elle sera chargée d'établir un schéma alsacien de coopération transfrontalière, non prescriptif, en association avec l'ensemble des collectivités et des acteurs concernés ; elle pourra, en parfaite cohérence avec la stratégie régionale, décliner un volet opérationnel sur les projets structurants en matière de mobilité, par exemple.

Le conseil régional du Grand Est continuera à jouer un rôle majeur en la matière, à travers le volet transfrontalier du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation. À ce titre, une représentation transfrontalière de la région par le tandem constitué par le préfet de région et le président du conseil régional – M. Jean Rottner – sera expérimentée très prochainement.

Cette déclaration ne remet donc absolument pas en cause les points négociés dans le cadre du traité de l'Élysée – auquel vous êtes je le sais attaché, monsieur le député. Surtout, elle n'ampute les autres collectivités, notamment celles de Lorraine, d'aucune compétence ou modalité d'action, ni en matière transfrontalière, ni en aucune autre matière, car la loi que vous avez votée s'applique, cela va sans dire.

Les eurodistricts demeurent un outil de coopération transfrontalière très intéressant. Ils pourront continuer à fonctionner en vertu du droit commun, puisqu'ils agissent par délégation de compétences de leurs collectivités membres.

Il faut que nous continuions à appliquer cette méthode du « cousu main » dans d'autres territoires, y compris, d'ailleurs, dans l'ancienne région Lorraine. C'est ce que je ferai en janvier prochain avec la signature du pacte Ardennes : il s'agit là aussi de tenir compte d'une spécificité territoriale, en écoutant bien évidemment les attentes des élus locaux. Telles sont les précisions que je pouvais apporter en réponse à votre question, monsieur le député.

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Arend.

M. Christophe Arend. Je vous remercie, monsieur le ministre, de ces propos en tout point rassurants. En ma qualité de député qui s'intéresse au traité de l'Élysée et de président du groupe de travail franco-allemand, je ne puis, à ce stade, que vous assurer de mon soutien à l'accompagnement que le Gouvernement souhaite apporter sur le terrain en matière de droit à la différenciation. Nous serons amenés à en discuter de nouveau lorsque nous reprendrons l'examen du projet de loi constitutionnelle.