Anonymat des policiers dans les procédures judiciaires
Question de :
Mme Nathalie Elimas
Val-d'Oise (6e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés
Mme Nathalie Elimas appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sur les mesures de protections prises pour garantir l'anonymat et la protection des policiers. Une note datée du 29 juillet 2016 de la direction générale de la police nationale (DGPN), faisant suite à l'assassinat de deux fonctionnaires de police en juin 2016 à Magnanville, a ouvert la possibilité pour les policiers « de s'identifier sous leur numéro de référent d'identité opérationnel (RIO) en lieu et place de leur nom et prénom ». Or cette autorisation ne s'applique qu'aux mesures administratives décidées par le ministère de l'intérieur (assignations à résidence, perquisitions administratives) et non aux procédures judiciaires, lesquelles renvoient pourtant à la délinquance et à la criminalité quotidienne. Ces affaires « du quotidien » exposent les policiers. Elle souhaiterait donc avoir des précisions sur les raisons de cette distinction et connaître les intentions du Gouvernement pour protéger ces derniers et leurs familles dans le contexte sécuritaire actuel.
Réponse publiée le 22 mai 2018
Les policiers, comme les gendarmes, assurent chaque jour, avec engagement et détermination, professionnalisme et courage, le respect de la loi républicaine et la protection de nos concitoyens dans des situations fréquemment difficiles et dangereuses, parfois au péril de leur vie. Tout doit être mis en œuvre pour garantir aux policiers les moyens de remplir leurs missions dans les meilleures conditions possibles de sécurité, alors même qu'ils font l'objet de violences et de menaces croissantes qui atteignent parfois même les familles ou les proches. Face à l'aggravation des risques encourus, d'importantes mesures ont été prises depuis plusieurs années pour améliorer la sécurité des policiers. Le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en a fait une priorité. La question des moyens, humains et matériels, est de ce point de vue essentielle. Mais, comme relevé dans la question écrite, la sécurité des policiers passe aussi par des dispositions juridiques permettant de protéger chaque fois que nécessaire leur anonymat. A la suite de la tentative d'assassinat commise contre 4 policiers à Viry-Châtillon, dans l'Essonne, le 8 octobre 2016, qui a provoqué un mouvement de colère et de solidarité au sein de la police nationale, le précédent Gouvernement avait lancé le 26 octobre 2016 un « plan pour la sécurité publique ». Le plan comportait un volet législatif destiné à renforcer la protection des policiers et des gendarmes ainsi que la sécurité juridique de leurs interventions. Ce volet s'est traduit par la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Cette loi a étendu les mesures de protection de l'identité des policiers et des gendarmes, tant dans le cadre des procédures pénales que lors de certaines interventions, au-delà du dispositif qui existait déjà en matière de lutte antiterroriste. Cette évolution du cadre légal répond aux violences grandissantes dont les membres des forces de l'ordre sont les victimes. Ils sont de plus en plus fréquemment pris pour cible, notamment par les terroristes islamistes. L'abject assassinat terroriste de Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider, fonctionnaires du ministère de l'intérieur, le 13 juin 2016, a démontré qu'une nouvelle étape avait été franchie dans la violence. Il a profondément marqué l'ensemble des policiers nationaux. Il était donc essentiel que de nouvelles dispositions répondent à ces enjeux. La protection de l'identité des agents de la police nationale ou de la gendarmerie nationale dans le cadre des procédures judiciaires est ainsi désormais possible en application de l'article L. 15-4 du code de procédure pénale introduit par la loi précitée du 28 février 2017. L'autorisation de s'identifier par un numéro d'immatriculation administrative en lieu et place de son état civil est délivrée lorsque la révélation de l'identité est susceptible de mettre en danger l'agent concerné ou ses proches. Ce dispositif est applicable dans les actes des procédures portant sur une infraction punie d'au moins trois ans d'emprisonnement. Il peut également s'appliquer pour les procédures portant sur un délit puni de moins de trois ans d'emprisonnement lorsqu'en raison de « circonstances particulières dans la commission des faits ou de la personnalité des personnes mises en cause », la révélation de l'identité de l'agent est susceptible de mettre en danger l'agent concerné ou ses proches. La mise en œuvre des dispositions de l'article L. 15-4 du code de procédure pénale nécessitait l'adoption de règlements d'application. Dès sa nomination, le ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, a fait de l'application concrète de cette réforme une priorité. Elle a aujourd'hui été menée à son terme, après la publication le 31 mars 2018, au Journal officiel, de l'ensemble des textes d'application : décrets no 2018-218 et no 2018-219 du 30 mars 2018 et arrêtés du 30 mars 2018. Le décret no 2018-218 précise les modalités de délivrance et de validité des autorisations permettant aux agents de ne pas être identifiés par leur nom et prénom dans un acte de procédure, tandis que le décret no 2018-219 détermine les responsables hiérarchiques compétents pour délivrer les autorisations nécessaires. Un arrêté du 30 mars 2018 précise le numéro d'immatriculation administrative à utiliser, tandis qu'un second arrêté du même jour crée une interface informatique strictement sécurisée permettant aux juridictions d'instruction ou de jugement d'identifier les agents ayant recouru à la protection de leur identité dans une procédure pénale. Depuis le 3 avril 2018, les agents de la police nationale (policiers et personnels administratifs, techniques et scientifiques) peuvent donc, dans le cadre prévu par le code de procédure pénale et sous réserve de la délivrance des autorisations nécessaires, s'identifier dans les procédures judiciaires qui les concernent par leur numéro d'immatriculation administrative. Celui-ci correspond au numéro référentiel des identités et de l'organisation « RIO ». Ce dispositif d'anonymisation est également applicable aux agents de la gendarmerie nationale et à certaines catégories d'agents des douanes et des services fiscaux.
Auteur : Mme Nathalie Elimas
Type de question : Question écrite
Rubrique : Police
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Dates :
Question publiée le 23 janvier 2018
Réponse publiée le 22 mai 2018