15ème législature

Question N° 4718
de M. Fabien Gouttefarde (La République en Marche - Eure )
Question écrite
Ministère interrogé > Europe et affaires étrangères
Ministère attributaire > Europe et affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Titre > Initiative « euroafricaine » contre la trafic d'êtres humains en Afrique

Question publiée au JO le : 23/01/2018 page : 482
Réponse publiée au JO le : 23/04/2019 page : 3901
Date de signalement: 19/06/2018

Texte de la question

M. Fabien Gouttefarde interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'initiative « euroafricaine » annoncée par le chef de l'État lors de son discours du 28 novembre 2017 à l'Université de Ouagadougou. Le Président de la République avait alors indiqué qu'une telle initiative serait proposée pour « frapper les organisations criminelles et les réseaux de passeurs » qui exploitent les migrants subsahariens en Libye. Actuellement, le nombre de personnes exploitées à travers le monde est estimé, chaque année, à 2,5 millions. La France n'a pas été inactive face aux drames causés par le trafic d'êtres humains : par exemple, en 2013, concernant le cas spécifique de l'Afrique, le ministère des affaires étrangères a élaboré une stratégie de lutte contre ces trafics en Afrique de l'Ouest. Il a, notamment, mis en œuvre un Fonds de solidarité prioritaire (FSP) pour appuyer la lutte contre la traite des êtres humains dans les États du Golfe de Guinée. Pour autant, une politique de lutte efficace nécessite la mobilisation d'acteurs africains et européens. L'Europe, qui accueille de nombreux migrants fuyant ces exactions, est directement concernée. Une politique menée conjointement par l'Europe et l'Afrique, comme annoncée par le Président en novembre 2017, est donc nécessaire et essentielle. Il souhaite connaître l'état d'avancement et le calendrier de cette initiative.

Texte de la réponse

Les autorités françaises sont engagées, en coopération étroite avec leurs partenaires européens et africains, pour améliorer la situation des migrants et des réfugiés, notamment sur la route de la Méditerranée centrale. Le Président de la République a ainsi pris l'initiative d'organiser un sommet euro-africain entre l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, l'Union européenne et les présidents du Niger, du Tchad et le premier ministre libyen à Paris le 28 août 2017 dans le but d'améliorer la réponse collective à la crise migratoire en Méditerranée centrale. Conformément à l'annonce faite le 28 novembre 2017 dans son discours de Ouagadougou, le Président de la République a également organisé une réunion sur ce sujet en marge du sommet Union européenne-Union africaine à Abidjan le 29 novembre 2017, avec ses homologues de l'Union africaine, de l'Allemagne, de l'Espagne, de l'Italie, du Niger, du Tchad, de la Libye, du Congo et du Maroc, ainsi que la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité La réunion d'Abidjan a permis l'adoption d'un plan d'action impliquant l'ensemble des pays concernés, européens et africains, afin de renforcer la coopération internationale dans la lutte contre les réseaux de passeurs et venir en aide aux migrants et aux réfugiés. Ce plan prévoit notamment une coopération améliorée avec les autorités libyennes, une coordination policière et de renseignement renforcée pour démanteler les réseaux et leurs financements et, en lien étroit avec l'Organisation internationale des migrations (OIM) et le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), le soutien à l'évacuation des migrants et réfugiés les plus vulnérables de Libye, en vue de leur rapatriement dans leurs pays d'origine ou de leur réinstallation dans des pays tiers pour ceux en besoin de protection internationale. Un groupe de travail ("task force") Nations unies-Union européenne-Union africaine a été constitué pour mettre en œuvre ce plan et coordonner la réponse internationale à la crise migratoire en Libye. Appuyées par les efforts de ce groupe d'action tripartite, les opérations d'évacuation menées par l'OIM et le HCR ont considérablement augmenté ces derniers mois. Avec le soutien de l'Union européenne et de l'Union africaine, l'OIM a ainsi permis depuis le 1er janvier 2018 le retour volontaire assisté de 17 500 migrants depuis la Libye. En conséquence, le nombre de migrants dans les centres de détention officiels libyens a considérablement diminué. Concernant la lutte contre l'impunité, la France a convoqué une réunion dès le 28 novembre 2017 au Conseil de sécurité des Nations unies pour rappeler l'urgence de faire cesser les traitements inhumains contre les migrants et les réfugiés documentés notamment en Libye. Au Conseil de sécurité, la France a travaillé, avec ses partenaires et avec l'appui du gouvernement libyen, à l'adoption, le 7 juin 2018, de sanctions contre des responsables de trafics de migrants et de traite d'êtres humains en Libye. La France est également mobilisée afin d'ouvrir des voies légales et sûres d'accès au territoire européen pour les personnes en besoin de protection internationale, afin qu'elles ne se risquent pas à une périlleuse traversée de la Méditerranée. A l'issue du sommet euro-africain sur les migrations organisé à Paris le 28 août 2017, la France s'est engagée, en coopération étroite avec le HCR et l'OIM, à mener au Niger et au Tchad des missions de protection des personnes en besoin de protection internationale en vue de leur réinstallation en Europe. L'objectif de la France est de réinstaller 10 000 réfugiés d'ici octobre 2019, dont 3000 depuis le Niger et le Tchad. Dans le cadre de ce programme, 501 personnes ont été réinstallées en France depuis le Niger, dont 257 réfugiés évacués de Libye ; 630 personnes sont par ailleurs arrivées du Tchad (chiffres de février 2019). A ces chiffres s'ajoutent 262 personnes au Niger (dont 194 évacués de Libye) et 395 personnes au Tchad sélectionnées et en attente d'être réinstallées. Sur les 3000 personnes devant être réinstallées d'ici octobre 2019, 1788 ont donc été déjà sélectionnées au titre de ce programme. La France appelle ses partenaires européens à se joindre à ces efforts de réinstallation. La Commission européenne a d'ailleurs mis à disposition une enveloppe de 500 millions d'euros pour soutenir la réinstallation de 50 000 réfugiés en Europe d'ici mai 2019. Le ministre de l'Europe et des affaires étrangères s'est par ailleurs rendu en Libye à quatre reprises depuis 2017. Lors de son second déplacement dans le pays, le 21 décembre 2017, il s'était entretenu à Tripoli avec le premier ministre libyen, le ministre de l'Intérieur, le HCR, l'OIM et des organisations non gouvernementales. La situation des migrants, des réfugiés et des déplacés internes en Libye a été au cœur de cette mission. Il avait exprimé aux autorités libyennes les attentes de la France, en particulier s'agissant du respect des droits des migrants, du droit d'asile et de l'accès aux centres de détention. Ce sont les mêmes messages qui ont été passés au Premier ministre libyen lors de la dernière visite du ministre de l'Europe et des affaires étrangères en Libye, le 18 mars 2019. Les autorités libyennes, qui doivent être appuyées dans leurs efforts, se sont engagées à renforcer leur coopération avec les organisations internationales. Le HCR, appuyé diplomatiquement par la France, a ainsi pu obtenir l'autorisation d'ouvrir une facilité de rassemblement et de départ à Tripoli. Le gouvernement libyen a accepté les rotations d'aéronefs tunisiens et marocains pour rapatrier des ressortissants en difficulté. L'approche française de la question migratoire en Méditerranée est globale. La priorité est d'aider les Nations unies à stabiliser la Libye sur le plan politique car il ne peut y avoir de réponse durable à la crise migratoire sans que ce pays retrouve sa stabilité et les moyens de contrôler son territoire et de rendre la justice. Le Président de la République s'est personnellement impliqué sur ce volet en conviant à deux reprises les principaux protagonistes libyens en France, à La Celle Saint-Cloud le 25 juillet 2017, puis à Paris le 29 mai 2018, afin d'appuyer les efforts de médiation du Représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies, M. Ghassan Salamé. Au large de la Libye, les Etats membres de l'Union européenne ont lancé en 2015 l'opération militaire EUNAVFOR/MED SOPHIA, qui contribue au démantèlement des réseaux de trafiquants de migrants en Méditerranée, ainsi qu'à la formation des garde-côtes libyens, notamment dans le domaine des droits de l'Homme. Le Conseil européen du 28 juin 2018 a réaffirmé cette priorité, en appelant à "intensifier les efforts pour lutter contre les passeurs opérant au large de la Libye (…), renforcer son soutien aux garde-côtes libyens, aux communautés côtières et du Sud de la Libye, ainsi qu'en faveur de conditions de débarquement humaines, des retours volontaires assistés, et des réinstallations volontaires". En plus d'une aide humanitaire et bilatérale, l'Union européenne soutient des projets relatifs aux migrations en Libye, y compris des programmes d'appui aux communautés hôtes de migrants en Libye. Entre 2016 et 2018, 266 millions d'euros ont ainsi été engagés en Libye via le fonds fiduciaire d'urgence de l'UE (FFU) en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique. La Libye fait l'objet de 7 programmes du FFU qui, notamment financent les activités du HCR et de l'OIM (retours volontaires assistés, fourniture de soins et services de base aux migrants les plus vulnérables) ; appuient les municipalités locales confrontées à la présence de nombreux migrants, réfugiés et déplacés internes ; financent les acteurs de la gestion des frontières libyennes (soutien, formation et équipement des garde-côtes libyens, création d'un centre de coordination et de sauvetage à Tripoli – MRCC). Au-delà de la Libye, la réponse à la crise migratoire suppose un partenariat global avec l'Afrique, qui est au cœur des priorités de l'Union européenne. Le dialogue de La Valette, qui s'appuie sur les processus préexistants de Rabat, dont la France prendra la présidence à partir de mai 2019 et de Khartoum, sont les grands forums de dialogue entre l'UE et l'Afrique dans le domaine migratoire. Le Sommet UE-Afrique de La Valette (novembre 2015) a adopté un plan d'action en vue d'un partenariat global avec les pays d'origine et de transit mis en œuvre notamment à travers le Fonds fiduciaire d'urgence de l'UE pour l'Afrique (FFU) qui constitue l'instrument privilégié de l'appui aux partenaires africains dans le domaine migratoire. Son objectif est double : renforcer la stabilité régionale pour prévenir les migrations irrégulières et les déplacements forcés ; faciliter la gestion de la migration. Il doit permettre le renforcement des capacités des pays d'origines et de transit en matière de contrôle des flux migratoires, qui constitue une priorité, tout particulièrement pour les pays sur les routes occidentale et centrale (Sahel, Maroc, Tunisie et Libye). Le FFU dispose aujourd'hui d'un budget de 4,1 Mds €, dont 3,7 Mds € proviennent des instruments européens et 441 M € des États membres de l'UE et d'autres donateurs (Suisse et Norvège). La lutte contre les réseaux de passeurs et le trafic de migrants passe également par le renforcement des capacités des pays partenaires. En mars 2018, une rencontre de coordination à Niamey sur la migration a permis d'adopter une déclaration de lutte contre le trafic illicite de migrants et la traite des êtres humains. Un atelier à Niamey en juin a réuni pays de destination, pays de transit et d'origine afin d'améliorer la coordination dans ce domaine, notamment en matière de contrôle des frontières, d'état-civil (Côte d'Ivoire, Guinée, Niger, Nigeria) et de lutte contre les réseaux (y compris la mise en place d'équipes d'investigation au Niger ou au Sénégal). Le partenariat avec l'Afrique intègre également le traitement des causes profondes de la migration irrégulière, qui seul permettra d'apporter une réponse de long terme à la problématique migratoire. Les conclusions du Conseil européen de juin 2018 ont appelé à un nouveau partenariat avec l'Afrique. La proposition de la Commission d'une Alliance pour les investissements et les emplois en Afrique décline cette ambition et prolongera l'action entamée avec le Plan d'investissement externe de l'UE.