15ème législature

Question N° 4739
de M. Bruno Fuchs (Mouvement Démocrate et apparentés - Haut-Rhin )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > religions et cultes

Titre > L'islam dans l'enseignement public religieux des département d'Alsace-Moselle

Question publiée au JO le : 23/01/2018 page : 476
Réponse publiée au JO le : 01/05/2018 page : 3746

Texte de la question

M. Bruno Fuchs attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur la place de la religion musulmane dans l'enseignement religieux dans les trois départements d'Alsace-Moselle. Le droit local alsacien-mosellan fait de l'enseignement religieux une mission de l'enseignement dont les autorités publiques sont responsables, la loi leur donne pleine compétence pour sa mise en œuvre. Le caractère obligatoire de cet enseignement s'entend comme l'obligation pour l'autorité scolaire d'organiser un enseignement religieux pour tous les élèves, sauf demande de dispense. Cet enseignement religieux est actuellement limité aux cultes statutaires d'Alsace Moselle, catholique, protestant et israélite. Afin d'éviter une discrimination à l'égard du culte musulman, les rapports Stasi en 2003 et Machelon en 2006, ainsi que la proposition de loi Grosdidier n° 3212 du 28 juin 2016, avaient déjà proposé l'extension de cet enseignement à la religion musulmane. Les textes de la législation locale mentionnent l'enseignement religieux sans préciser lequel, cette législation étant indépendante de celle régissant les cultes statutaires. La prise en compte d'autres religions ne nécessiterait donc pas une modification législative. De même, il est possible, sur la base des textes existant, de développer un enseignement de culture religieuse se substituant à un enseignement confessionnel, ainsi que l'a relevé la commission du droit local d'Alsace-Moselle. Les autorités religieuses ont conduit une réflexion avec le projet d'expérimentation « Éducation au dialogue interreligieux et interculturel » qui prendrait la forme d'un enseignement de culture religieuse de caractère non confessionnel. Cette initiative, qui a rencontré une forte adhésion au plan local mérite d'être soutenue. En effet, c'est le rôle de l'école de permettre à chaque enfant d'avoir la possibilité de découvrir la culture de l'autre dès le plus jeune âge et d'être un vecteur d'intégration. Dans un contexte d'ignorance croissante sur les traditions religieuses, un cours de religion conçu comme une éducation au dialogue interreligieux et interculturel permettrait une meilleure compréhension réciproque entre élèves provenant de milieux culturels et religieux différents et peut aider à renforcer la tolérance. C'est pourquoi il lui demande ce qu'il envisage en réponse aux demandes adressées aux autorités académiques d'apporter leur concours à l'initiative susmentionnée.

Texte de la réponse

L'enseignement dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin est régi par des dispositions particulières constituant la base d'un droit local, dont l'existence est qualifiée de principe fondamental reconnu par les lois de la République par le Conseil constitutionnel (décision no 2011-157 QPC du 5 août 2011, Société Somodia). Parmi ces règles particulières figure l'obligation d'assurer un enseignement religieux dans tous les établissements scolaires publics de ces départements. Cette obligation découle de la loi Falloux de 1850 (article 23) et d'une ordonnance allemande du 10 juillet 1873, modifiée par l'ordonnance du 16 novembre 1887 (article 10A), dont les dispositions ont été maintenues dans ces départements par les lois du 17 octobre 1919 et du 1er juin 1924 et l'ordonnance du 15 septembre 1944. Le Conseil d'État s'est prononcé sur le périmètre de cette obligation et a jugé qu'elle impliquait, pour les pouvoirs publics, d'organiser un enseignement de la religion pour chacun des quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle (CE, 6 avril 2001, no 219376, publiée au recueil Lebon). Par ailleurs, dans sa décision no 2012-297 QPC du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en proclamant que la France est une République laïque, la Constitution n'a pas pour autant entendu remettre en cause les dispositions législatives ou réglementaires applicables en Alsace-Moselle lors de l'entrée en vigueur de la Constitution et relatives à l'organisation de certains cultes et, notamment, à la rémunération de ministres du culte. Il résulte de ces dispositions particulières et de leur interprétation jurisprudentielle, d'abord, que l'obligation de l'État de dispenser un enseignement religieux est circonscrite aux seuls quatre cultes reconnus en Alsace-Moselle avant l'entrée en vigueur de la Constitution (le culte catholique, les deux cultes protestants, correspondant, d'une part, à l'Église luthérienne, dite Église de la confession d'Augsbourg d'Alsace et de Lorraine et, d'autre part, à l'Église réformée d'Alsace et de Lorraine, ainsi que le culte israélite). L'État ne saurait donc, sur le fondement du droit local, organiser et financer l'enseignement d'un autre culte, notamment du culte musulman, dans les écoles publiques de ces départements. La loi ne saurait en tout état de cause en prévoir la possibilité, le Conseil constitutionnel ayant jugé qu'à défaut de leur abrogation ou de leur harmonisation avec le droit commun, ces dispositions particulières ne peuvent être aménagées que dans la mesure où les différences de traitement qui en résultent ne sont pas accrues et où leur champ d'application n'est pas élargi (décision no 2011-157 QPC précitée). Une autre conséquence réside dans le fait que l'organisation d'un enseignement confessionnel dans les écoles publiques de ces départements pour ces quatre cultes constitue une véritable obligation pesant sur l'État. Le Conseil d'État a en outre précisé dans sa décision du 6 avril 2001 que « [Cette] obligation (…) constitue une règle de valeur législative s'imposant aux pouvoirs réglementaires ». Ainsi, dès lors que la mise en place de cours de « culture religieuse » ou « d'enseignement interreligieux » à la place des enseignements religieux aurait nécessairement pour conséquence de vider ces enseignements de leur caractère confessionnel, une telle mesure ne pourrait être considérée comme légale au regard des obligations qui incombent à l'État dans ce domaine.