15ème législature

Question N° 4810
de M. Olivier Gaillard (La République en Marche - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > animaux

Titre > Plan loup

Question publiée au JO le : 30/01/2018 page : 756
Réponse publiée au JO le : 27/03/2018 page : 2660

Texte de la question

M. Olivier Gaillard interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur les réponses à apporter aux dégâts causés par le loup, en vue d'obtenir des éclaircissements sur les orientations gouvernementales car en l'état actuel les données précises et objectives sur le phénomène du loup sont clairement insuffisantes. Cela n'aide pas à trouver des solutions équilibrées de moyen et long terme. Deux intérêts légitimes sont en cause. Le loup est une espèce protégée qui figure sur la liste rouge des espèces menacées de l'UICN en Europe. Il convient d'en tenir compte. Le pastoralisme est une filière en grande souffrance qui connaît déjà les difficultés propres aux marchés agricoles et les affres du climat. Le pastoralisme doit se maintenir car il joue un rôle majeur dans la biodiversité, notamment. Le premier constat est que la destruction par tirs menée en vertu de quotas n'est plus doublée d'un recensement précis et non contesté des effectifs de loups et de leur répartition territoriale. Le deuxième constat est que les tirs, tels qu'ils ont été planifiés ne diminuent pas significativement les déplacements, la dissémination et la prédation. En l'état actuel, il est donc difficile d'affirmer que les nouveaux quotas d'abattage seront efficaces et mèneront à des résultats satisfaisants ni en termes de gestion et de l'espèce, ni en termes de protection du pastoralisme, soit parce qu'ils sont insuffisants soit parce qu'ils sont excessifs ou mal répartis sur le territoire. C'est pourquoi il lui demande que le « Plan Loup » prévoie l'établissement d'une cartographie du loup sur le territoire national (par l'Agence de biodiversité) pour que l'on dispose enfin de données chiffrées permettant de clarifier le rapport entre l'évolution de la population et le nombre de tirs pratiqués. Sans cette connaissance précise de la population lupine, sans cette cartographie, il est difficile d'évaluer l'efficacité des quotas et modes d'abattage. Il lui demande aussi si le volet des mesures de protection et d'effarouchements (solution secondaire et expérimentale pour l'heure) des élevages va être renforcé. C'est un véritable enjeu ressorti du rapport « Terroiko » qui a évalué les moyens de protection des troupeaux domestiques contre la prédation du loup sur la période 2009-2014. Il lui demande enfin son positionnement sur la mise en place d'un zonage qui pourrait s'articuler autour de trois types de zones, en parallèle des tirs menés en vertu des quotas : premièrement, des zones où le loup est prioritaire, au cœur des parcs nationaux, là où il y a peu d'activité pastorale et où la biodiversité sauvage est demeurée quasi intacte. Les dégâts liés au loup n'y sont pas indemnisés. Deuxièmement, des zones de cohabitation en montagne où les dégâts liés au loup seraient indemnisés par un fond national, et où les équipements de protection contre le loup seraient subventionnés. En l'état actuel des orientations, l'indemnisation est subordonnée à la mise en place de mesures de protection des troupeaux, ce qui pose la question du financement de ces mesures. Troisièmement, des zones d'exclusion du loup, où l'animal n'a rien à y faire et où il fait l'objet de campagnes d'abattage pour exclure totalement son installation. Une attention toute particulière doit être accordée à la question du régime applicable aux zones en cœur de parc national où l'activité pastorale est au cœur de la politique du parc. Il pourrait être prévu d'y associer un régime dérogatoire : suivi et régulation de la population, aides nationales ou européennes permettant de financer des projets de prévention et de protection vis-à-vis de la prédation, indemnisation des dégâts causés par le loup sur les troupeaux. Il souhaiterait donc connaître ses intentions sur ces différents sujets.

Texte de la réponse

Depuis son retour naturel en France en 1992, la population de loups connaît une augmentation régulière. Cette évolution va avoir un impact positif sur la biodiversité mais impose aussi de prendre en compte les conséquences de la prédation sur l'élevage. L'estimation de la population de loups en France repose sur une méthode rigoureuse, faisant intervenir 3 paramètres démographiques : le nombre de zones de présence permanente (ZPP), l'estimation d'un effectif minimum retenu (EMR) et l'estimation du nombre total d'individus présents dans l'ensemble de la population, par modélisation de type « capture, marquage, recapture » (CMR). Ce dispositif a été évalué par des scientifiques européens qui ont jugé que le système de suivi français est l'un des meilleurs en Europe, car les méthodes utilisées sont très robustes et validées par la communauté scientifique internationale. Le Gouvernement a confié le suivi de la population à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), opérateur le plus compétent sur le sujet. Pour assurer la protection du loup et le soutien aux éleveurs qui font face à la prédation des loups sur leurs troupeaux, les ministres chargés de l'environnement et de l'agriculture ont décidé de mettre en place un plan national d'actions (PNA) "loup et activités d'élevage" s'appuyant sur une vision à long terme. Avec ce nouveau dispositif, le Gouvernement répond à un double objectif. Le premier, c'est assurer la viabilité de l'espèce sur notre territoire. Le nombre actuel de 360 loups (bientôt 400 d'après les dernières données) est encore insuffisant et il faut viser l'objectif d'au moins 500 loups avant la fin du quinquennat pour respecter les recommandations scientifiques issues de l'expertise produite en 2016 par le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN) et l'ONCFS. Le plan prévoit de développer les connaissances sur l'espèce et son comportement dans l'environnement, ainsi que de nombreuses expérimentations en lien avec des équipes de chercheurs. Des dispositions spécifiques sont prévues pour les zones de colonisation où les mesures de protection des troupeaux ne sont pas encore mises en place. Face à l'augmentation des prédations malgré les prélèvements, le ministère a commandé en 2017 une étude sur l'impact des tirs sur la baisse de la prédation et sur l'évolution de la population. Les résultats seront connus vers 2020 et seront pris en compte dans la révision à mi-parcours du PNA. En attendant, les préfets sont chargés d'établir un suivi des dommages du loup sur les troupeaux domestiques permettant d'évaluer l'importance et la récurrence des attaques pour mieux orienter les tirs vers les zones de forte prédation. Par ailleurs, la priorité est donnée aux tirs de défense, réalisés à proximité des troupeaux. Le deuxième objectif de ce plan est la protection des éleveurs, dont la détresse et la souffrance face aux conséquences des attaques sur leur troupeau sont comprises. Pour agir en faveur de la baisse de la prédation,  l'accompagnement des éleveurs et le renforcement des mesures de protection des troupeaux sont une priorité. Dans le plan figurent également de nombreuses actions de soutien au pastoralisme et à l'élevage (création de brigade d'aide-bergers, restauration des équipements pastoraux, formation approfondie des bergers à la lutte contre la prédation, etc.). La mise en place progressive et adaptée des mesures de protection des troupeaux devient un préalable à toute intervention sur la population de loups ainsi qu'à la possibilité de percevoir des indemnisations en cas de dommages. Le plan maintient d'ailleurs le financement à 80 % de la mise en place de mesures de protection des troupeaux domestiques, telles que l'embauche de bergers, l'achat et l'entretien de chiens de protection, l'achat de clôtures. Dans les cœurs de parcs, des expérimentations en matière d'effarouchement et de protection des troupeaux seront réalisées pour soutenir le pastoralisme. Si les mesures de protection sont efficaces dans la majorité des cas, il arrive qu'elles ne suffisent pas. Un observatoire permettra alors d'analyser les situations d'échec pour proposer des solutions plus adaptées. En outre, un assouplissement des conditions de tirs de défense permettra dans ce cas à l'éleveur de défendre son troupeau quand il est attaqué, en ciblant les loups responsables. Des dispositions spécifiques sont prévues pour les zones de colonisation où les mesures de protection des troupeaux ne sont pas encore mises en place afin de faciliter l'accès aux tirs, notamment dans les zones où il y a beaucoup de troupeaux. Un seuil de prélèvements annuel est fixé à 10-12 % de l'effectif total de la population de loups. Par la suite, des études continueront à alimenter la réflexion et à orienter ce plan d'actions, dont les résultats seront examinés à mi-parcours, dans 3 ans. Améliorer les actions de manière adaptative sera ainsi possible,  au regard des résultats acquis. La communication et la diffusion de l'information seront fluidifiées pour que chacun dispose de connaissances solides et partagées par l'ensemble des acteurs. La réussite de ce travail collectif repose sur la recherche du meilleur compromis pour répondre à l'ensemble des objectifs fixés par ce nouveau plan. Cet équilibre est fragile et une mobilisation de tous les intervenants est nécessaire pour sa mise en œuvre afin d'apporter des solutions durables aux difficultés rencontrées dans les territoires.