15ème législature

Question N° 5187
de M. Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > pollution

Titre > Pollution du grand port maritime de Marseille

Question publiée au JO le : 06/02/2018 page : 925
Réponse publiée au JO le : 14/08/2018 page : 7460
Date de signalement: 19/06/2018

Texte de la question

M. Jean-Luc Mélenchon attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la pollution de l'air des paquebots qui stationnent au port de Marseille. La plupart de ces navires utilisent un fioul lourd, très chargé en soufre, à 3,5 %. Lorsqu'ils sont à quai, ils font tourner les moteurs en continu pour alimenter les activités à bord. Un navire à quai pollue autant que toutes les voitures qui roulent dans la ville en une seule journée. Les mesures réalisées par l'association France nature environnement sont spectaculaires. La pollution est en moyenne de 5 000 particules ultrafines par centimètre cubes dans la ville. Aux abords du port, l'air est vingt fois plus pollué. À bord du navire, l'air respiré par les croisiéristes et le personnel contient jusqu'à 380 000 particules ultrafines par centimètre-cube ! L'oxyde de soufre et l'oxyde d'azote, contenus dans les carburants des navires, accélère la formation de ces particules. Les émissions de soufre seraient responsables de 50 000 morts prématurées en Europe. À Marseille, de nombreux riverains se mobilisent pour protéger leur santé. Plusieurs mesures sont possibles pour éliminer cette pollution : installation d'épurateurs, bonus/malus portuaire dans les tarifs des droits portuaires, création d'une zone d'émission contrôlée (ECA) en Méditerranée, comme en Europe du Nord, dans laquelle des contrôles stricts des navires marchands sont réalisés. Dans les zones ECA, le taux de soufre des carburants utilisés à bord a été réduit à 0,1 % depuis le 1er janvier 2015. Dès maintenant, il faut encourager l'abandon du fioul pour le gaz naturel liquéfié (GNL), en prévoyant les investissements nécessaires dans les ports, notamment celui de Marseille. Les émissions de soufre, de particules fines, sont quasi nulles avec ce carburant, et les rejets de d'oxyde d'azote très faibles, tout en réduisant la facture énergétique. L'armateur CMA-CGM vient d'annoncer qu'il renouvellerait sa flotte en GNL à partir de 2020. C'est un signal fort pour les autres armateurs. Enfin, il est possible à Marseille de permettre à tous les navires de se brancher sur l'électricité, comme c'est le cas des ferries de La Méridionale. Un projet de couverture des toits des hangars du port par des panneaux photovoltaïques qui permettrait au port de produire une énergie propre existe mais est enlisé dans un contentieux depuis plusieurs années. Le 21 novembre 2017, à l'occasion de son discours d'ouverture des assises de la mer, le Premier ministre, M. Édouard Philippe, déclarait que le port de Marseille était d'intérêt national. Par conséquent, il souhaiterait connaître les engagements que l'État souhaite prendre pour opérer une conversion écologique du Grand port maritime de Marseille.

Texte de la réponse

La pollution atmosphérique est la 3e cause de mortalité en France après le tabac et l'alcool, responsable chaque année de 48 000 décès prématurés (Agence française de santé publique, 2016) et jusqu'à 100 milliards de coût pour la société (Sénat, 2015). Malgré l'amélioration progressive de la qualité de l'air au cours des dernières décennies, les normes sanitaires restent dépassées dans plusieurs agglomérations et la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l'Union européenne du cas de la France pour non respect des valeurs limites en dioxyde d'azote (13 zones) et a notifié à la France un avis motivé sur les particules fines (10 zones). Au niveau national, l'arrêt du Conseil d'État du 12 juillet 2017 enjoint à l'État de prendre d'ici le 31 mars 2018 toutes les mesures nécessaires pour que soient respectées les normes de qualité de l'air dans le délai le plus court possible. Les feuilles de route pour y parvenir ont été diffusées à la Commission européenne et sont téléchargeables sous : https://umap.openstreetmap.fr/fr/map/feuilles-de-route-qualite-de-lair_208822#5/48.575/7.734. La région Provence-Alpes-Côte d'Azur est particulièrement touchée par ces dépassements et l'agglomération de Marseille est visée par les trois procédures d'infraction. Le transport maritime contribue à la pollution atmosphérique. Cette pollution est une conséquence de l'usage de moteurs diesel avec la particularité, aggravante pour la pollution, d'utiliser des carburants de mauvaise qualité et notamment soufrés, des technologies n'atteignant pas les performances du routier ainsi que de l'importance du trafic maritime (marchandises, croisière…). La pollution maritime devient un sujet de préoccupation majeure, notamment localement à proximité des ports et dans les régions côtières proches des grands passages maritimes. Ainsi par exemple à Marseille, les émissions de polluants atmosphériques liées au transport maritime représentent environ 20 % des émissions de NOx, 70 % des émissions d'oxydes de soufre (SOx) et 2 % des émissions primaires de particules fines (PM10). État, collectivités, acteurs économiques, associations et citoyens doivent conjuguer leurs efforts dans tous les secteurs d'activité pour réduire la pollution atmosphérique. Au niveau national, le Gouvernement a adopté le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) qui prévoit des actions pour réduire les pollutions du transport maritime et plusieurs sont déjà bien engagées. Premièrement, un groupe de travail national sur la réduction des émissions de particules des navires a été lancé en mars 2017 avec notamment plusieurs objectifs : établir un état de l'art sur les émissions de particules fines des navires (non réglementées actuellement) et sur l'efficacité des différentes dispositifs de réduction de ces émissions ; lancer une campagne de mesure pour connaître les émissions des particules réelles des navires et tester de nouvelles technologies de réduction sur des navires français ; développer des actions à l'échelle du port avec notamment la poursuite de la promotion du gaz naturel liquéfié (GNL) et des branchements électriques à quai ; faire des recommandations permettant de soutenir le cas échéant le besoin d'une réglementation au niveau mondial sur les émissions de particules. Deuxièmement, le ministère de la transition écologique et solidaire a confié à l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) une étude de préfiguration d'une zone de contrôle des émissions (ECA) en Méditerranée. Les résultats, attendus pour septembre 2018, permettront d'initier les discussions avec les autres pays du bassin méditerranéen, en vue du dépôt d'un dossier à l'Organisation maritime internationale. Par ailleurs, des contrôles sur la concentration des carburants en SOx sont effectués. En mars dernier, pour la première fois un capitaine de navire de croisière a été convoqué par la justice. En 2019, une expérimentation d'un ciblage par drone des navires en mer susceptibles d'être en infraction à la réglementation devrait être menée. Enfin l'utilisation de l'électricité à quai est impulsée par le ministère chargé des transports, avec la réalisation d'une étude portant sur les possibilités de déploiement de l'électricité à quai dans les grands ports maritimes et les ports autonomes fluviaux et sur le modèle économique, juridique et technique afférent. Le Grand port maritime de Marseille (GPMM) a mis en place un service d'alimentation électrique à quai pour les navires de commerce : 3 bornes d'alimentation électrique à quai sont installées, depuis juillet 2016, pour alimenter les navires RoPax (navires et passagers) de la Méridionale qui opèrent entre Marseille et la Corse. Ce projet de 3,2 M€ a été financé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), le fonds européen de développement régional (Feder) et l'État. Au niveau local, la feuille de route en faveur de la qualité de l'air élaboré par l'État et les parties prenantes de l'agglomération de Marseille prévoit notamment de poursuivre le déploiement de l'électrification à quai, notamment pour des navires de Corsica Linea. En outre, le GPMM a instauré, depuis le 1er juillet 2017, une prime aux « navires vertueux », dont les performances environnementales vont au-delà de la réglementation. Cette prime pourrait aller jusqu'à 10 % de réduction sur les droits de port. Soutenu par l'État, l'engagement du port de Marseille en faveur de la transition énergétique trouvera une traduction concrète dans son prochain projet stratégique pour la période 2019-2023. Le port souhaite donner une impulsion forte à sa stratégie de développement des énergies renouvelables (ENR), en mettant en œuvre des solutions énergétiques décarbonés compétitives, combinant la production massive d'ENR, de services énergétiques intelligents et de mécanisme incitatif.