15ème législature

Question N° 5233
de Mme Virginie Duby-Muller (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > sécurité des biens et des personnes

Titre > Législation pour l'intrusion dans une propriété privée

Question publiée au JO le : 06/02/2018 page : 898
Réponse publiée au JO le : 03/04/2018 page : 2825

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'interprétation de l'article 226-4 du code pénal concernant l'intrusion dans une propriété privée. L'article 102 du code civil considère le domicile comme le lieu dans lequel la personne a « son principal établissement ». Plusieurs propriétaires rencontrent aujourd'hui des difficultés dans des cas d'intrusion dans leurs immeubles d'habitation, dans les parties communes. En essayant de porter plainte auprès des commissariats, sur la base de l'article 226-4 du code pénal pour intrusion dans une propriété privée (« L'introduction dans le domicile d'autrui à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende »), il leur est notifié que la plainte n'est pas enregistrable, car il n'y a pas de violation de domicile puisque l'intrusion a eu lieu dans les parties communes. Aussi, elle souhaite connaître l'interprétation juridique qui peut être faite de l'intrusion dans les parties communes d'un immeuble.

Texte de la réponse

Le délit prévu par l'article 226-4, classé dans le code pénal parmi les infractions contre les personnes, tend à protéger la vie privée et la sécurité des citoyens. Le code pénal ne définit pas la notion de domicile, qui est une question de fait relevant du pouvoir souverain des juges du fond. La Cour de cassation a précisé que « le domicile ne signifie pas seulement le lieu où une personne a son principal établissement, mais encore le lieu où, qu'elle y habite ou non, elle a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux » (ex : Crim., 26 févr. 1963 : Bull. crim. 1963, no 92). La notion de domicile est donc entendue largement par la jurisprudence, incluant les locaux d'habitation, mais aussi leurs dépendances dès lors qu'elles en constituent le prolongement. Il en est ainsi d'une cave (Crim. 19 juin 1957 Bull. crim. no 513), de la terrasse ou du balcon d'une maison (Crim., 4 mai 1965 : Bull. crim. 1965, no 128 ; Crim. 8 févr. 1994), du couloir d'un immeuble non accessible au public (CA Aix-en-Provence 20 oct. 2003), ainsi que de la cour ou du jardin d'une habitation (Crim. 12 avr. 1938 : Bull. crim. 1938, no 122 ; CA Aix-en-Provence, 17 déc. 2001). Le délit suppose toutefois l'emploi d'un procédé illégitime : manœuvres (procédé astucieux, ruse), menaces, voies de fait (escalade d'un mur ou d'un portail, actes de violence contre les biens ou les personnes) ou contrainte (ex : intrusion en masse d'un groupe de personnes). Il n'est donc pas retenu par la jurisprudence lorsque l'auteur entre dans un domicile en profitant du fait que le portail est resté ouvert (CA Grenoble 31 oct. 1997) ou entrouvert (CA Paris 22 juin 1990). Si l'accès est libre, l'individu qui en a franchi l'entrée sans user de violence ne commet pas de violation de domicile (Crim. 8 déc. 1981, Juris-Data no 3501). Dans le même sens, une cour d'immeuble non close ne peut être considérée comme un domicile (Crim. 26 sept. 1990 : Bull. crim. 1990, no 321). Une autre qualification peut être envisagée : le délit d'occupation abusive de halls d'immeubles. Créé par la loi no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, l'article L.126-3 du Code de la construction et de l'habitation dispose que « le fait d'occuper en réunion les espaces communs ou les toits des immeubles collectifs d'habitation en empêchant délibérément l'accès ou la libre circulation des personnes ou le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 € d'amende. Lorsque cette infraction est accompagnée de voies de fait ou de menaces, de quelque nature que ce soit, elle est punie de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende ». Peut donc relever de ce texte un attroupement dans des parties communes d'un immeuble ayant empêché la circulation des personnes, en raison de l'attitude même passive des mis en cause.