15ème législature

Question N° 5297
de Mme Audrey Dufeu (La République en Marche - Loire-Atlantique )
Question écrite
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > biodiversité

Titre > Équilibre du marais de la Brière en Loire-Atlantique

Question publiée au JO le : 13/02/2018 page : 1128
Réponse publiée au JO le : 05/03/2019 page : 2103
Date de changement d'attribution: 20/11/2018
Date de signalement: 31/07/2018

Texte de la question

Mme Audrey Dufeu Schubert alerte M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur l'équilibre du marais de la Brière en Loire-Atlantique. En vertu d'un acte en date du 1461, approuvé par Louis XVI dans ses lettres patentes de 1784, le marais de la Brière est la propriété indivise des habitants des vingt-et-une communes riveraines. Depuis cette époque, tous les régimes successifs ont reconnu et respecté le statut particulier de ce territoire de 7 000 hectares, géré depuis 1838 par la Commission syndicale de la Grande Brière Mottière (CSGBM). Cette exploitation spécifique participe à la survie du marais, de sa faune et de sa flore exceptionnelle, ainsi qu'au juste équilibre de l'évacuation des eaux naturelles au travers de la Brière qui draine plus de 40 % du phénomène fluvial du bassin du Brivet. À ce titre, la Commission syndicale de la Grande Brière Mottière était membre du syndicat du bassin versant du brivet (SBVB), créé par décret en 2011, en charge de la restauration et de l'entretien des milieux le bassin versant Brière-Brivet. À l'occasion de la préparation de la prise de compétence obligatoire GEMAPI (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations) par le SBVB, la question du maintien de l'éligibilité de ce dernier au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) s'est avérée déterminante. Cette question se pose en raison de l'adhésion à ce syndicat de la CSGBM, commission de gestion d'un bien indivis. Dans une réponse du 6 février 1989, la direction générale des collectivités locales (DGCL) avait précisé que la commission pouvait être considérée comme un groupement de communes et qu'elle était dès lors éligible au FCTVA. L'éligibilité au FCTVA de la CSGBM entrainait en conséquence celle du SBVB (selon l'article L. 615-2 du CGCT, ne sont éligibles au FCTVA que les syndicats mixtes « exclusivement composés de membres éligibles au FCTVA »). Afin de sécuriser l'organisation future de la compétence GEMAPI sur le bassin du Brivet, les EPCI à fiscalité propre concernés ont souhaité s'assurer que la réponse précitée de 1989 était toujours conforme au droit, notamment dans la perspective d'une réforme éventuelle de la gestion du FCTVA fondée sur l'automatisation de son attribution. La direction générale des collectivités locales (DGCL) saisie de cette question a indiqué que la position de 1989 devait être revue. Le Conseil d'État a été amené à saisir le Conseil constitutionnel d'une question prioritaire de constitutionnalité sur la qualification juridique des sections de communes, également gestionnaires de bien indivis, comme les commissions syndicales. Dans sa décision rendue le 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel a ainsi considéré qu'une « section de communes est une personne de droit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune » ; et que si les membres de la section de commune ont la jouissance des biens de la section, « ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou droits ». Selon la DGCL, les sections de communes, qui sont constituées de biens indivis distincts des biens communaux, ne peuvent être considérées comme des communes ou groupements de communes ; ce raisonnement s'applique à la CSGBM, commission de gestion d'un bien indivis. En application de cette doctrine, la CSGBM ne peut plus bénéficier de l'attribution du FCTVA. Elle l'interroge sur l'analogie effectuée entre une section de communes et la CSGBM. Elle précise qu'au titre de l'article L. 5222-1 du CGCT, les commissions syndicales constituent des personnes morales de droit public, et qu'elles représentent une autre forme de coopération intercommunale, à côté des EPCI. Elles sont par ailleurs régies sur le plan administratif et comptable par des règles identiques à celles s'appliquant aux syndicats de communes. La CSGBM qui regroupe 21 communes pour administrer le marais indivis de Grande Brière Mottière ne peut donc relever que de la catégorie des groupements de communes de l'article L. 1615-2 du CGCT. La décision du Conseil constitutionnel portant sur une question très particulière de droit de propriété dans les sections de communes, ne peut être utilisée dans le cadre de la CSGBM. Dès lors, elle l'interroge sur l'analogie effectuée entre une section de communes et la CSGBM, et de fait sur l'inéligibilité de cette dernière au FCTVA. Cette décision met en péril l'équilibre du marais de la Brière en Loire-Atlantique. Or ne pas reconnaître cette exploitation ancestrale, c'est prendre le risque de voir disparaître un savoir-faire unique, de mettre en danger la survie du marais, de sa faune et de sa flore exceptionnelle, ainsi que l'équilibre de l'évacuation des eaux naturelles au travers de la Brière.

Texte de la réponse

La commission syndicale de la Grande Brière Mottière (CSGBM) a pour objet la gestion du marais de la Grande Brière Mottière. Le marais de la Brière est la propriété indivise des habitants des 21 communes riveraines, telles que l'ont attesté une lettre de François II, duc de Bretagne du 8 août 1461 ainsi que des lettres patentes de Louis XVI du 28 janvier 1784. Le régime juridique des commissions syndicales est défini par l'article L. 5222-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui dispose que « lorsque plusieurs communes possèdent des biens ou des droits indivis, il est créé, pour leur gestion et pour la gestion des services publics qui s'y rattachent, une personne morale de droit public administrée, selon les modalités prévues à l'article L. 5222-2, par une commission syndicale composée des délégués des conseils municipaux des communes intéressées et par les conseils municipaux de ces communes ». Les biens indivis gérés par la commission syndicale de la Grande Brière Mottière étant la propriété reconnue des habitants des 21 communes riveraines et non celle des communes concernées, la CSGBM ne peut être reconnue comme une commission syndicale au sens de l'article L. 5222-1 du CGCT. C'est ce qu'a indiqué la Cour administrative d'appel de Nantes dans son arrêt du 1er août 2002 (n° 98NT02235 et 98NT02265), puisque que celle-ci ne présente pas la CSGBM comme une commission syndicale de biens indivis au sens de l'article précité du CGCT mais comme une commission qui ne se voit appliquer, que par renvoi, certaines des règles régissant un telle commission. De surcroît, même si les commissions syndicales constituent une forme de coopération intercommunale dans la mesure où elles associent plusieurs communes, elles ne sauraient être assimilées à des établissements publics de coopération intercommunale. Dans sa décision n° 2011-118 QPC du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d'État sur la qualification juridique applicable aux sections de commune, a considéré qu'une « section de commune est une personne morale de doit public possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune » et que si les membres de la section de commune ont la jouissance des biens de la section, « ils ne sont pas titulaires d'un droit de propriété sur ces biens ou droits ». Le commentaire de la décision indique également à ce sujet que « la section de commune est une personne juridique dont l'élément essentiel est constitué par des biens ou par des droits. Il ne s'agit ni d'une collectivité territoriale ni d'un établissement public mais d'une institution administrative au statut singulier ». À ce titre, la section de commune ne peut être considérée comme une commune ou un groupement de communes éligible au Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) au regard de l'article L.1615-2 du CGCT. Par analogie, ce raisonnement s'applique aux commissions syndicales, dès lors que, comme pour les sections de commune, les commissions syndicales sont également gestionnaires de biens indivis. L'article L. 1615-2 du CGCT dispose que « les ressources destinées au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, visé à l'article L. 1615-1, sont réparties entre les régions, les départements, les communes, la métropole de Lyon, leurs groupements, leurs régies, les services départementaux d'incendie et de secours, les centres communaux d'action sociale, les caisses des écoles, le Centre national de la fonction publique territoriale et le centre de gestion des personnels de la fonction publique territoriale et les centres de gestion des personnels de la fonction publique territoriale au prorata de leurs dépenses réelles d'investissement, telles qu'elles sont définies par décret ». Au regard des entités retenues pour bénéficier de ce fonds, les commissions syndicales, tout comme les sections de commune, ne peuvent être considérées comme des communes ou groupement de communes et ne peuvent donc être reconnues comme éligibles au FCTVA. Cette analyse est enfin corroborée par la délibération du 28 septembre 2017 de la CSGBM demandant son retrait du syndicat mixte du bassin versant du Brivet afin que celui-ci puisse continuer à bénéficier du FCTVA au titre du deuxième alinéa de l'article L. 1615-2 du CGCT, qui indique que sont éligibles au FCTVA les syndicats mixtes « exclusivement composés de membres éligibles au Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée ». Ce retrait a été acté par arrêté préfectoral du 27 décembre 2017.