15ème législature

Question N° 5415
de M. Mansour Kamardine (Les Républicains - Mayotte )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale
Ministère attributaire > Éducation nationale

Rubrique > outre-mer

Titre > Reconnaissance du shimaoré et du kibouchi comme langues régionales

Question publiée au JO le : 13/02/2018 page : 1082
Réponse publiée au JO le : 07/08/2018 page : 7175
Date de signalement: 24/07/2018

Texte de la question

M. Mansour Kamardine interroge M. le ministre de l'éducation nationale sur la place des deux langues régionales pratiquées à Mayotte. Le 19 décembre 2017, il déclarait à la tribune de l'Assemblée nationale que « les huit langues régionales métropolitaines et les cinq langues ultramarines sont une richesse pour la France et participent de notre patrimoine ». Il lui demande de bien vouloir lui préciser la liste des cinq langues reconnues outre-mer et notamment si les deux langues locales parlées à Mayotte, le shimaore et le kiboushi sont officiellement reconnues par la République comme un enrichissement de notre espace culturel national. Dans le cas contraire, il le demande de lui préciser les initiatives qu'il entend prendre pour favoriser la reconnaissance des deux langues régionales pratiquées à Mayotte.

Texte de la réponse

Le ministère de l'éducation nationale est particulièrement attaché à la préservation et à la transmission des diverses formes du patrimoine linguistique et culturel des régions françaises. La circulaire no 2017-072 du 12 avril 2017 a rappelé cet attachement ; elle contient en outre la liste des langues vivantes qui font l'objet d'un enseignement de langue et culture régionales de l'école primaire au lycée. Pour l'outre-mer, cinq langues ou familles de langues sont concernées : le créole, le tahitien, les langues mélanésiennes (drehu, negone, païci, aïje), le wallisien et le futunien. L'organisation de l'enseignement d'une langue vivante sur l'ensemble de la scolarité nécessite que plusieurs conditions soient remplies, parmi lesquelles une transcription écrite stabilisée et normée, la disponibilité de ressources scientifiques, didactiques et pédagogiques et de professeurs formés, l'existence d'un corpus littéraire écrit suffisant et varié. Au regard de ces critères, ajouter le shimaoré et le kibushi à la liste des langues faisant l'objet d'un enseignement de langue et culture régionales paraît pour l'heure prématuré. De plus, le cadre légal ne permet pas une telle mesure : l'article L. 372-1 du code de l'éducation précise en effet que l'article L. 312-10 du même code portant sur les langues régionales n'est pas applicable à Mayotte. Cependant, le ministère de l'éducation nationale ménage une place importante aux langues vernaculaires des territoires d'outre-mer et aux cultures qu'elles portent, qui sont les langues maternelles de nombreux élèves. L'article L. 321-4 du code de l'éducation dispose d'ailleurs que dans les académies d'outre-mer, des « approches pédagogiques spécifiques » sont prévues dans l'enseignement de l'expression orale ou écrite et de la lecture. Les membres des équipes éducatives sont encouragés à s'appuyer sur la langue maternelle des élèves et sur les compétences linguistiques acquises par les jeunes enfants dans la maîtrise de cette langue pour favoriser leur apprentissage du français. C'est particulièrement le cas à Mayotte, où le vice-rectorat a mis en place des dispositifs spécifiques. Ainsi, le dispositif « Plurilinguisme » expérimenté à l'école maternelle depuis 2015 permet la structuration de la langue maternelle des enfants, que ce soit le shimaoré ou le kibushi, et l'introduction progressive de la langue française. Lors des premiers mois de la classe de petite section, le professeur et l'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (ATSEM) parlent la ou les langues locales et les élèves sont libres de choisir la langue dans laquelle ils s'expriment. À partir de janvier, un enseignant s'exprimant en langue locale enseigne durant la première partie de la journée, puis un enseignant francophone co-intervient avec lui avant de prendre en charge seul la fin de la journée ; l'ATSEM parle en langue (s) locale (s) et peut traduire les propos de l'enfant à l'enseignant francophone. En moyenne section, l'organisation de la seconde partie de l'année de petite section est reprise ; peu à peu, les enfants sont mis en situation de se faire comprendre de l'enseignant sans l'aide de la traduction. Enfin, en grande section, l'organisation est inversée (enseignant francophone en début de journée, co-intervention des deux enseignants puis enseignant en langue locale en fin de journée). En outre, afin de donner des repères partagés et de faciliter l'intégration de l'école dans le quotidien, les parents sont encouragés à visiter la classe et à y intervenir. Un autre dispositif, appelé « Éveil aux langues », permet de mettre les élèves de maternelle en contact avec des corpus oraux et écrits dans différentes langues, dont le shimaoré et le kibushi. Le vice-rectorat encourage en parallèle le développement d'outils pédagogiques : un imagier plurilingue multimédia, construit par des enseignants, est ainsi mis à la disposition des écoles. Enfin, l'accent est mis sur la formation des personnels enseignants. Dans le second degré ont été mises en place des formations qui aident les enseignants locuteurs natifs à utiliser les deux langues vernaculaires au service de l'acquisition des compétences du socle commun, conformément aux termes de l'article L. 312-11 du code de l'éducation, qui dispose que les enseignants peuvent « recourir aux langues régionales, dès lors qu'ils en tirent profit pour leur enseignement » et « s'appuyer sur des éléments de la culture régionale pour favoriser l'acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture et des programmes scolaires ». Ce recours au shimaoré et au kibushi est alors un moyen, et non une fin, il doit aider les élèves à dépasser d'éventuelles inhibitions et à rester engagés dans les apprentissages. Le contexte plurilingue de Mayotte et les langues shimaoré et kibushi sont donc bien reconnus, pris en compte et valorisés par l'éducation nationale afin de favoriser la réussite de tous les élèves scolarisés dans ce département.