Emploi d'armes explosives en zones peuplées
Question de :
Mme Frédérique Lardet
Haute-Savoie (2e circonscription) - La République en Marche
Mme Frédérique Lardet interroge M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'emploi d'armes explosives en zones peuplées. Vingt ans après le traité international interdisant les mines anti-personnel et dix ans après celui interdisant les bombes à sous-munitions, l'emploi des armes explosives par des forces gouvernementales ou des acteurs non gouvernementaux, en zones peuplées, se poursuit et a même significativement augmenté ces quatre dernières années, avec des exemples récents en Syrie, à Gaza, au Yémen ou en Ukraine. La zone d'impact de ces armes peut aller de quelques mètres à plusieurs centaines de mètres autour de l'explosion. Et puisqu'aucune arme n'est entièrement fiable, leur degré de précision très variable met en grand danger la vie des civils : un récent rapport d'Handicap international montre que ceux-ci représentent 92 % des victimes. En moyenne, chaque jour, ce sont 90 civils qui sont tués et blessés par des armes explosives dans le monde. La France se mobilise sur ce sujet comme en témoigne l'inauguration en octobre 2017 de l'École régionale de déminage humanitaire au Liban (ERDHL), en présence, entre autres, de l'ambassadeur de France au Liban, M. Bruno Foucher et du directeur de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le général de corps d'armée Didier Brousse. Ce projet, à portée régionale et conduit en partenariat avec le Centre libanais d'action contre les mines, a été initié par la France en 2013 et fait l'objet depuis d'un suivi attentif. Alors qu'une déclaration politique internationale visant à mettre fin à l'usage d'armes explosives en zones peuplées sera présentée devant l'assemblée générale des Nations unies en septembre 2018, elle souhaite connaître sa position quant à ce texte et la manière dont il entend s'impliquer de manière active sur ce dossier, eu égard au statut de la France de membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU.
Réponse publiée le 17 avril 2018
La France joue un rôle de premier plan au sein de la communauté internationale sur les questions de désarmement et de protection des civils. Elle est partie à toutes les conventions internationales visant à limiter les souffrances dans les situations de conflit armé par l'interdiction ou la réglementation de certaines armes conventionnelles qui peuvent causer des maux superflus ou frapper sans discrimination, et contribue activement à leur universalisation comme à leur entière mise en œuvre. En matière de déminage humanitaire, la France apporte également une assistance concrète à ses partenaires affectés, sous la forme d'actions de formation, de sensibilisation et d'échange d'informations ainsi que par la mise à disposition d'experts. Outre l'inauguration récente de l'ERDHL, le Centre de sensibilisation aux restes explosifs de guerre (CREG), abrité par l'Ecole du génie à Angers, ou encore le Centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminage et de dépollution (CPADD), situé à Ouidah au Bénin, sont deux exemples d'importance. S'agissant spécifiquement des armes explosives dans des zones où des civils sont présents, la France reconnaît pleinement la gravité des conséquences de leur utilisation excessive et indiscriminée. Celle-ci est en effet susceptible d'entraîner des dommages considérables pour les personnes et les biens, tels que la destruction de logements ou d'infrastructures de première nécessité. La France a été informée des travaux lancés par certains Etats et membres de la société civile en vue de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies d'une déclaration politique sur l'usage d'armes explosives en zones peuplées. Cette initiative soulève un certain nombre d'interrogations, concernant tant les définitions utilisées et le but recherché que l'inclusivité du processus de négociation, qui reste actuellement fermé à la grande majorité des Etats, dont la France. En réalité, les maux que cette initiative affirme combattre trouvent essentiellement leur origine dans le non-respect du droit existant. Il convient donc de réaffirmer avec la plus grande force la validité et la pertinence des principes fondamentaux du droit international humanitaire (DIH), et, partant, la nécessité de leur stricte application par l'ensemble des parties aux conflits. Le DIH prohibe en effet déjà le fait de viser délibérément des civils ou des biens de caractère civil. Cette règle est au cœur du principe d'humanité. Pour l'appliquer, les belligérants doivent respecter trois principes fondamentaux dans la conduite de leurs opérations : - le principe de distinction, destiné à protéger la population civile et les biens de caractère civil, établit la distinction entre combattants et non-combattants, les Etats ne devant jamais prendre pour cible des civils ne participant pas directement aux hostilités; - le principe de précaution, conformément auquel les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil ; - et enfin le principe de proportionnalité dans l'attaque, selon lequel il ne faut pas causer de maux superflus aux combattants, ni lancer une attaque susceptible de causer incidemment des pertes ou des blessures au sein de la population civile et/ou des dommages à des biens de caractère civil qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire attendu. Dans le cadre de ses engagements en opérations extérieures, la France applique rigoureusement le droit international humanitaire. L'armée française met en œuvre des procédures de ciblage extrêmement contraignantes visant à minimiser les dommages collatéraux. La France entretient également un dialogue régulier avec les organisations actives sur ces questions, dont le Comité international de la Croix Rouge et Handicap International. Elle est aussi pleinement mobilisée pour rappeler à ses partenaires leurs engagements au titre du droit international, et condamne fermement l'utilisation excessive et indiscriminée d'armes explosives en zones peuplées. La France salue toute mobilisation de la communauté internationale visant à assurer le plein respect du droit international humanitaire, et partant la protection des populations civiles et des biens de caractère civil. Elle se tient prête à y contribuer, y compris en partageant les bonnes pratiques permettant de retranscrire les principes pertinents dans la réalité des opérations militaires.
Auteur : Mme Frédérique Lardet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères
Ministère répondant : Europe et affaires étrangères
Dates :
Question publiée le 13 février 2018
Réponse publiée le 17 avril 2018