15ème législature

Question N° 545
de M. Daniel Fasquelle (Les Républicains - Pas-de-Calais )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transition écologique et solidaire
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > catastrophes naturelles

Titre > Chasse aux oies

Question publiée au JO le : 22/01/2019
Réponse publiée au JO le : 30/01/2019 page : 501

Texte de la question

M. Daniel Fasquelle interroge M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire sur la situation des chasseurs d'oies. Il lui demande quelles mesures il entend prendre pour leur permettre de chasser les oies en février et respecter ainsi l'engagement du Président de la République.

Texte de la réponse

CHASSE AUX OIES


M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour exposer sa question, n°  545, relative à la chasse aux oies.

M. Daniel Fasquelle. Ma question porte sur la possibilité de chasser les oies sauvages en France à partir du 1er février prochain.

Avec près d'un million d'individus, la population ouest-européenne d'oies cendrées, dont la France constitue une des zones de stationnement et de transit migratoire, atteint un niveau exagérément élevé, après quatre décennies d'accroissement exponentiel. Un plan de gestion international a été adopté début décembre à Durban et il ressort des modèles démographiques exposés que, si rien n'est fait, la population d'oies cendrées comptera 6 millions d'individus en 2030.

D'autre part, il apparaît que la Finlande, la Belgique, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Norvège, l'Espagne et la Suède s'autorisent par dérogation, en sus de la chasse, à détruire par centaines de milliers des oies migratrices surabondantes, parfois avec des moyens d'un autre âge, comme le gazage ou la destruction d'œufs, alors que, dans le même temps, les chasseurs français se voient refuser quelques jours de chasse supplémentaires. Cette situation ubuesque ne fait que renforcer l'hostilité et l'incompréhension vis-à-vis de l'Europe et risque, si rien n'est fait, de transformer nos amis chasseurs en gilets jaunes.

Nous avons bien noté l'engagement ferme pris voilà un an par le Président de la République d'autoriser la chasse de ces oies en février – ce qui, avec d'autres avancées annoncées en faveur de la chasse, a provoqué le départ de Nicolas Hulot –, mais les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.

Ma question est donc simple : cette promesse sera-t-elle tenue ? En quoi la situation a-t-elle changé depuis un an, notamment sur le plan juridique ? Quelles garanties a-t-on que l'arrêté qui sera pris ne sera pas cassé par le Conseil d'État ? Il est facile, en effet, de donner en apparence satisfaction aux chasseurs en prenant un arrêté dont on sait très bien qu'il sera annulé. Cette promesse est-elle solide ou va t-on, une nouvelle fois, tromper les chasseurs ? Le monde de la chasse attend ce matin une réponse claire, ferme et précise sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. Monsieur le député, le Président de la République s'est engagé à examiner une demande de prélèvement dérogatoire d'oies cendrées en février 2019, en précisant qu'il souhaitait, plus généralement, une gestion adaptative de certaines espèces permettant de fixer le niveau des prélèvements en fonction de leur état de conservation.

L'effectif global de la population d'oies cendrées est passé d'environ 30 000 individus au milieu des années soixante à près d'un million aujourd'hui. Cette dynamique de population a des conséquences préjudiciables sur les activités humaines, comme l'agriculture ou l'aéronautique, voire sur les écosystèmes. À titre d'exemple, le coût annuel de l'indemnisation des dommages causés par les oies cendrées se monte à plus de 6 millions d'euros aux Pays-Bas.

Sans changement du contexte, la population d'oies cendrées atteindra 5 à 8 millions d'individus dans vingt ans, ce qui laisse craindre une augmentation des dégâts et des indemnisations. Or la directive Oiseaux pose le principe que les oiseaux migrateurs ne peuvent être chassés pendant leur trajet de retour vers leurs lieux de nidification, période qui commence fin janvier pour l'oie cendrée. Cela a conduit le Conseil d'État à fixer au 31 janvier la date de la fermeture de la chasse de l'oie cendrée.

La directive Oiseaux prévoit cependant des possibilités de dérogation et c'est sur ce fondement que la Fédération nationale des chasseurs a demandé une dérogation permettant de chasser l'oie cendrée en février, en garantissant le prélèvement de petites quantités dans des conditions strictement contrôlées.

Par ailleurs, réunies à Durban en décembre 2018, les parties à l'accord sur la conservation des oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique-Eurasie – AEWA –, ont adopté un plan international de gestion des populations d'oies cendrées visant à maintenir un bon état de conservation de l'espèce tout en maîtrisant ses effectifs. La demande de la Fédération nationale des chasseurs a été instruite en tenant compte des éléments de ce plan international et un projet d'arrêté ministériel permettant de chasser l'oie cendré au-delà du 31 janvier a été soumis au Conseil national de la chasse et de la faune sauvage le 8 janvier 2019. Il a fait l'objet d'une consultation du public, qui s'est terminée le 24 janvier et dont les résultats ont fait apparaître des positions très partagées entre partisans et opposants à cette dérogation.

Ces résultats et l'analyse de l'évolution de l'espèce vont conduire à adapter l'arrêté, qui autorisera le prélèvement, en février, d'un quota de 4 000 individus, dans des conditions strictement contrôlées. Pour l'avenir, le travail se poursuit dans le cadre du plan de gestion de l'AEWA, en vue de décliner l'ensemble des mesures de régulation de l'oie cendrée dans tous les pays de l'Union européenne.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je vous remercie pour votre réponse, madame la secrétaire d'État. Je crois qu'on va dans la bonne direction, même si je ne suis pas complètement convaincu que le Conseil d'État n'annulera pas ce nouvel arrêté. En effet, le contexte n'a pas fondamentalement changé : la directive Oiseaux n'a pas été modifiée et les discussions internationales que vous évoquez ne sont pas nouvelles. Je crains donc que la promesse du Président de la République ne soit malheureusement pas tenue et je regrette que la France n'ait pas tout fait, notamment à Bruxelles, pour obtenir des avancées plus concrètes sur lesquelles elle aurait pu s'appuyer pour que cet arrêté ne soit pas remis en cause.

Je ne peux que vous encourager à demander une modification de la directive Oiseaux – qui, dans sa rédaction actuelle, interdit toute solution –, à poursuivre les négociations au plan international et à faire avec nous œuvre de pédagogie quant à la nécessaire régulation des espèces : étant donné l'évolution de la population d'oies cendrées, ce n'est pas le prélèvement de quelques individus qui risque de mettre en péril cette espèce, qu'il convient par ailleurs, bien évidemment, de préserver.