15ème législature

Question N° 5469
de M. Dominique Potier (Nouvelle Gauche - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Transition écologique et solidaire

Rubrique > santé

Titre > Enjeux sanitaires relatifs aux nanoparticules

Question publiée au JO le : 13/02/2018 page : 1123
Réponse publiée au JO le : 11/06/2019 page : 5369
Date de changement d'attribution: 05/09/2018
Date de renouvellement: 29/05/2018
Date de renouvellement: 16/10/2018
Date de renouvellement: 26/03/2019

Texte de la question

M. Dominique Potier attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les enjeux sanitaires relatifs aux nanoparticules. En 2012, le ministère de l'environnement chargeait l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de recenser pour la première fois les substances à l'état nano particulaire produites, importées et distribuées en France. Au total, plus de 500 000 tonnes de nanoparticules furent recensées témoignant ainsi de l'importance croissante que celles-ci prennent dans les processus de production de biens manufacturés. Si les nanomatériaux représentent sans conteste de nouvelles perspectives technologiques permettant le renouvellement de secteurs d'activités traditionnels, comme le développement de secteurs d'activités émergents, ils doivent néanmoins être soumis à des contrôles sanitaires stricts. Dans cet esprit la France s'est dotée du premier dispositif européen imposant la déclaration des substances à l'état nano particulaire. Dénommé « R-nano », celui-ci permet de déterminer la quantité, les propriétés et les usages des nanoparticules au-delà de 100 g par an et par substance comme le définit les articles L. 523-1 à L. 523-3 du code de l'environnement. Cependant, hors de ce champ, il apparaît délicat de déterminer avec précision si un matériau entre ou non dans la catégorie des nanomatériaux du fait de l'absence de définition claire, telle que l'explique la recommandation n° 2011/696/UE, mais aussi d'une méthodologie stabilisée opérationnelle et accessible aux entreprises. Du fait de ces raisons, l'institut national de recherche et de sécurité (INRS) déclare que nombre d'entreprises (PME, TPE) ne sont pas en mesure de savoir si elles utilisent ou non des nanomatériaux. Cette opacité a des effets sanitaires concrets en ce qui concerne les évaluations des salariés qui sont quotidiennement confrontés aux nanomatériaux. En effet, les chiffres actuels avancés en la matière en dénombreraient seulement 10 à 15 000. Outre les protocoles scientifiques faisant défaut, et le vide juridique en résultant, il est à noter que l'un des principaux enjeux sanitaires liés aux nanoparticules concerne le manque de coopération des entreprises, et ce, tant avec les pouvoirs publics, qu'avec le consommateur. Partant de ce constat, le 23 janvier 2018, l'association UFC-Que choisir a déposé 9 plaintes contre des fabricants de produits alimentaires et de cosmétiques pour non-respect de l'obligation légale de signalement sur l'emballage. Sur 100 % des produits alimentaires et cosmétiques analysés lors de tests scientifiques réalisés par l'association, 80 % des produits ne possédaient pas de signalement sur leur emballage. Par ailleurs, faisant suite aux analyses menées par la DGCCRF, le ministère de l'économie a indiqué que, sur 64 produits analysés contenant des nanoparticules, un seul produit mentionnait la présence de tous les nanomatériaux identifiés sur son étiquetage. Face aux risques sanitaires que les nanoparticules pourraient représenter pour la société française, et plus généralement face au manque de transparence, tant pour le consommateur, que pour le producteur, il apparaît indispensable que les pouvoirs publics se saisissent de cette problématique en profondeur. Il convient ainsi de rappeler que l'INRS s'est mobilisé depuis plusieurs années en mettant en place un programme d'actions visant à améliorer la prévention du risque lié à l'utilisation des nanomatériaux. En se dotant d'un « Pôle nano », de près de 600 m2 de laboratoires de toxicologie par inhalation, de génération d'atmosphères contrôlées, de métrologie et de tests d'efficacité des équipements de protection individuelle ou collective, cet institut s'est imposé comme la référence française sinon européenne en la matière. Par ses avancées, l'INRS a montré qu'il pouvait exister des effets spécifiques en termes de toxicité pour certains nanomatériaux, et surtout que de nouveaux moyens de protection efficaces peuvent être mis en œuvre. Dès lors, pour ces raisons, il lui demande quelles sont les nouvelles responsabilités que le « Pôle nano » de l'INRS pourrait revêtir, tant au niveau français, qu'au niveau européen, étant donné sa place d'acteur incontournable dans le domaine et quelles pourraient être les évolutions à venir dans le renforcement de la réglementation tant en ce qui concerne les protocoles de production, que ceux de commercialisation, des produits constitués de nanoparticules. Enfin, il souhaite savoir, de façon plus générale, quelle serait la politique que le Gouvernement compte mener de façon systémique concernant les enjeux sanitaires liés au développement des nanomatériaux.

Texte de la réponse

Il est rappelé par le député l'obligation faite depuis 5 ans en France de déclarer les substances à l'état nanoparticulaire. Ce dispositif a été porté au niveau européen, sans en obtenir sa mise en place, la Commission préférant mandater l'agence européenne des produits chimiques (ECHA) pour la mise en place d'un observatoire européen sur les substances nanoparticulaires (UEON). Dans le même temps, l'existence de plusieurs définitions au niveau européen rend l'application des textes plus complexe. Le ministère de la transition écologique et solidaire (MTES) exprime régulièrement le besoin d'obtenir une définition communautaire harmonisée et ce besoin est d'autant plus nécessaire que les substances à l'état nanoparticulaire sont utilisées dans de très nombreux domaines d'activité. En outre, la très grande diversité des substances à l'état nanoparticulaire rend l'étude de leurs effets longue et complexe, bien que les effets de certaines substances commencent à être suffisamment documentés et font naître des questionnements quant à leur innocuité sur la santé ou l'environnement. Dans ce contexte, l'action du MTES consiste, avec l'appui de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) chargée de la mise en œuvre du registre de déclaration des substances à l'état nanoparticulaire « R-Nano », à mettre à disposition les données déclarées aux différents organismes de recherche autorisés, afin qu'ils puissent mener les travaux scientifiques appropriés. Par ailleurs, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) s'est prononcé pour le renforcement de l'obligation de déclaration de la présence de nanoparticules dans les produits et matériaux au sein de la base de données « R-Nano », en intégrant les substances dès 10 % minimum en nombre de nanoparticules, en remplacement d'un seuil fixé à 50 % à l'heure actuelle. Plus spécifiquement pour le secteur alimentaire, la direction générale de l'alimentation, la direction générale de la santé, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), la direction générale du travail, et la direction générale de la prévention des risques ont saisi l'Anses le 17 octobre 2016 pour mener une évaluation des risques portant sur l'exposition aux « nanomatériaux dans les produits destinés à l'alimentation ». Des résultats intermédiaires sont attendus en avril 2019. Plus généralement, le sujet de l'utilisation de nanomatériaux en alimentaire est porté par l'agence européenne de sécurité alimentaire (EFSA), du fait de l'autorisation des additifs et des nouveaux aliments à l'échelle européenne, telle que prévue dans les règlements (CE) n° 1333/2008 sur les additifs alimentaires et (UE) n° 2015/2283 relatif aux nouveaux aliments. Concernant l'information du consommateur, le sujet relève prioritairement du ministère de l'économie et des finances et plus particulièrement de la DGCCRF. L'obligation d'étiquetage des ingrédients alimentaires ou des produits cosmétiques qui se présentent à l'état nanoparticulaire avec la mention [nano], est fixée par le règlement européen n° 1169/2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires et le règlement (CE) n° 1223/2009 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Les contrôles effectués en 2017 ont révélé que l'obligation n'était majoritairement pas respectée par les industriels. Des contrôles se poursuivent dans l'alimentaire et les produits cosmétiques. Enfin, le député signale l'excellence du travail engagé par l'institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) en matière de recherche sur la prévention des risques professionnels liés aux nanomatériaux. Le ministère du travail s'appuie notamment sur l'expertise de l'INRS bien que ce dernier ne soit pas un établissement public mais une association loi 1901. En tant que partenaire du ministère du travail et d'autres acteurs publics tels que la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ou l'Anses, l'INRS prend une part importante dans le cadre du plan santé travail 3 (PST3) qui couvre bien évidemment des actions relatives aux nanomatériaux. Le Gouvernement porte d'autres actions au niveau national, comme le plan national santé-environnement, et européen, afin de mieux réglementer et mieux contrôler les risques liés aux nanomatériaux.