L'utilisation des machines à voter
Publication de la réponse au Journal Officiel du 31 décembre 2019, page 11568
Question de :
M. Jean-Michel Mis
Loire (2e circonscription) - La République en Marche
M. Jean-Michel Mis attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, au sujet de l'utilisation des machines à voter. La feuille de route du ministère de l'intérieur, publiée début septembre 2017, semble indiquer la fin à venir des machines à voter pour des motifs de simplification et de sécurisation du vote. L'usage des machines à voter est autorisé en France par l'article L. 57-1 du code électoral depuis la loi n° 69-419 du 10 mai 1969, et aucun dysfonctionnement remettant en cause la sincérité du scrutin n'a été révélé depuis le debout de l'utilisation de ces machines. Il a été constaté, suite à la réalisation d'une enquête, que les électeurs, de tous âges confondus, étaient satisfaits par l'usage des machines. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé, dans sa décision n° 2012-154 du 10 mai 2012 qu'au vu des spécifications techniques imposées aux machines à voter, de la procédure d'agrément qui leur est applicable et des contrôles dont elles font l'objet, le secret du vote est préservé. Enfin, la transparence des opérations de programmation fait que tout électeur, tout candidat ou tout parti, peut s'assurer, en amont du scrutin et tout au long de la journée de vote, de la fiabilité de la machine, du secret du vote et de la sincérité des résultats. Aussi, en termes d'accessibilité, les personnes malvoyantes ou non-voyantes sont en mesure de voter seules grâce à un boitier audio, et les personnes à mobilité réduites accèdent sans entrave à la machine. Il lui demande donc si le Gouvernement compte maintenir l'utilisation des machines à voter lors des prochaines élections.
Réponse publiée le 31 décembre 2019
Si les machines à voter dont sont équipées 66 communes au dernier recensement effectué en février 2017 présentent des avantages indéniables en termes de facilitation du processus de dépouillement et également d'accessibilité pour les personnes handicapées, leur usage a soulevé depuis une dizaine d'années des interrogations croissantes tant du point de vue de la rationalisation de l'organisation du scrutin, de la sécurité et de la transparence du processus de vote, que de celui du respect de principes fondamentaux du droit électoral, non seulement en France, mais partout en Europe et dans d'autres pays démocratiques, où leur utilisation est en déclin. Ainsi, entre 2007 et 2012, 32 communes françaises y ont renoncé pour des raisons de coût, de complexité d'usage et de mauvaise acceptation des électeurs. Le constat de risques d'ordre technique, juridique et organisationnel en 2007 a ainsi conduit le ministère de l'intérieur à limiter l'usage des machines à voter. En effet, ces dernières soulèvent de sérieuses difficultés : allongement des temps d'attente dans les bureaux équipés, source de contentieux, coût élevé pour les communes (entre 4 000 et 6 000 euros en 2007 pour l'achat d'une machine, auxquels s'ajoutent les frais d'entretien, de stockage et de formation), et surtout méfiance des citoyens devant l'impossibilité de recompter physiquement des bulletins de vote. Le Conseil constitutionnel soulignait ainsi dans ses observations sur les scrutins présidentiel et législatif de 2007 que « leur utilisation, qui rompt le lien symbolique entre le citoyen et l'acte électoral que la pratique manuelle du vote et du dépouillement avait noué, se heurte aussi à une résistance psychologique qu'il convient de prendre en compte ». Le sujet ne se limite donc pas à la préservation du secret du vote, à laquelle vous faites référence. Face aux critiques précitées, et sur la base des conclusions du groupe de travail mixte (ministère de l'intérieur, Conseil d'Etat, secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, représentants des collectivités et des usagers) qu'il avait mis en place en 2007, le ministère de l'intérieur a décidé depuis 2008 de geler le périmètre des communes utilisatrices. Les communes équipées de machines à voter peuvent continuer à les utiliser à l'occasion des différentes élections mais aucune autorisation supplémentaire n'est, depuis cette date, accordée à de nouvelles communes qui souhaiteraient recourir au vote sur machines. De plus, aucun nouveau modèle de machine n'a été agréé et l'Etat n'a plus versé la subvention de 400 euros pour l'acquisition d'un appareil. En outre, à l'occasion de chaque élection, une circulaire sur l'utilisation des machines à voter rappelant les dispositions à respecter en matière de sécurité est adressée aux maires. Les arguments qui ont motivé le moratoire ont été confirmés par les sénateurs Alain ANZIANI et Antoine LEFEVRE dans leur rapport d'information sur le vote électronique remis en avril 2014. Ces derniers ont estimé nécessaire de proroger le moratoire, compte tenu des risques sur le secret du scrutin et sur sa sincérité associés à l'usage des machines à voter. D'après eux, ces dernières « ne peuvent garantir ni la conformité du choix de l'électeur, ni l'absence de dysfonctionnement dans l'enregistrement des suffrages. » De plus, d'autres dispositifs garantissent l'accessibilité en matière électorale à laquelle vous faites référence, indépendamment de l'usage de machines à voter. L'article L. 62-2 du code électoral prévoit ainsi des obligations d'accessibilité des bureaux et des techniques de vote pour les personnes handicapées, quel que soit le type de handicap (physique, sensoriel, mental ou psychique). Chaque bureau de vote doit être équipé d'au moins un isoloir permettant l'accès des personnes en fauteuils roulants, et l'urne doit être accessible à ces personnes (article D. 56-1 à D. 56-3). En particulier, toute personne handicapée a le droit de se faire accompagner par la personne de son choix pour l'ensemble des actes du processus électoral (article L. 64). Enfin, le niveau élevé de risques « cyber », tels que ceux qui ont récemment caractérisé les scrutins législatif et présidentiel de 2017, doit désormais être pris en compte dans l'appréhension des opérations de vote réalisées à l'aide de machines à voter, du fait, non pas d'un risque d'attaque malveillante via internet étant donné leur étanchéité à ce réseau que vous soulignez, mais, pour une part prépondérante du parc installé, de l'obsolescence technique des dispositifs, ainsi que de l'importance du risque inhérent attaché aux opérations de paramétrage des machines à voter préalables aux opérations de vote à proprement parler. Il existe en effet un risque de fraude ou de piratage lié aux logiciels de paramétrage développés par les sociétés privées agréées et implantés dans les machines à voter avant chaque scrutin, car il n'est pas possible pour l'Etat de les contrôler. C'est pourquoi le Gouvernement a engagé une réflexion visant à réexaminer le cadre applicable aux machines à voter pour les prochains scrutins, y compris pour ce qui concerne l'homologation et l'autorisation de nouveaux modèles.
Auteur : M. Jean-Michel Mis
Type de question : Question écrite
Rubrique : Élections et référendums
Ministère interrogé : Intérieur
Ministère répondant : Intérieur
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 27 mai 2019
Dates :
Question publiée le 20 février 2018
Réponse publiée le 31 décembre 2019