Question de : M. Martial Saddier
Haute-Savoie (3e circonscription) - Les Républicains

M. Martial Saddier attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, sur les inquiétudes formulées par les associations chargées des accueils de mineurs quant à la transposition de la directive n° 2015/2302 du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyages liées, dite « directive Travel ». En effet, selon ces organisations, les textes de transposition (l'ordonnance n° 2017-1717 du 20 décembre 2017 et le décret n° 2017-1871 du 29 décembre 2017) semblent soumettre tous les organisateurs d'accueils collectifs de mineurs (ACM) sans but lucratif aux dispositions du code du tourisme, sans tenir compte de leur vocation éducative, sociale et solidaire. Ces derniers se verraient ainsi contraints à une obligation d'immatriculation avec le dépôt d'une garantie financière. Pour ces associations et organismes sans but lucratif qui permettent, chaque année, à plus d'1 million d'enfants et d'adolescents de partir en colonie de vacances, l'impact de la transposition de la « directive Travel » ne sera pas sans conséquence tant pour l'organisation des séjours que pour l'emploi et le dynamisme des territoires. Face à leurs inquiétudes, il souhaite savoir si le Gouvernement envisage des aménagements des textes de transposition, afin de tenir compte des spécificités des organisateurs d'ACM.

Réponse publiée le 13 mars 2018

Jusqu'à présent, le code du tourisme prévoyait une dérogation à l'obligation d'immatriculation et de garantie financière pour les associations et organismes sans but lucratif organisant sur le territoire national des accueils collectifs de mineurs (ACM) à caractère éducatif conformément à l'article L.227-4 du code de l'action sociale et des familles ou ceux gérant des villages de vacances ou des maisons familiales agréées. Cette dérogation était prévue à l'article L.2011-18 III du code du tourisme. L'ordonnance no 2017-1717 du 20 décembre 2017 portant transposition de la directive (UE) 2015/2302 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 relative aux voyages à forfait et aux prestations de voyage liées (dite « DVAF ») n'a pas repris cette dérogation. Cette ordonnance introduit une dérogation limitée aux personnes qui ne proposent des forfaits, des services de voyage ou ne facilitent la conclusion de prestations de voyage liées « qu'à titre occasionnel, dans un but non lucratif et pour un groupe limité de voyageurs uniquement ». Les organisateurs d'ACM ne sont donc exemptés que si leur activité remplit ces trois critères cumulatifs : elle doit être effectuée à titre occasionnel, dans un but non-lucratif, et ne concerner qu'un groupe limité de voyageurs. Ces critères figurent dans le nouvel article L211-1 IV. 1. En premier lieu, le texte de la directive et l'interprétation de la Commission européenne ne permettaient pas, lors du processus de transposition, de ménager une dérogation plus large. Pour rappel, contrairement à la directive précédente (directive du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait), la DVAF est une directive d'harmonisation dite maximale (sauf pour certains domaines explicitement énumérés). La DVAF prévoit notamment dans son article 4 que « les États membres s'abstiennent de maintenir ou d'introduire, dans leur droit national, des dispositions s'écartant de celles fixées par la présente directive, notamment des dispositions plus strictes ou plus souples visant à assurer un niveau différent de protection des voyageurs ». Or, dans le domaine considéré, la DVAF ne prévoit qu'une dérogation très restreinte, inscrite à l'article 2.2.b : « La présente directive ne s'applique pas […] aux forfaits proposés et aux prestations de voyage liées facilitées, à titre occasionnel et dans un but non lucratif et à un groupe limité de voyageurs ». L'impossibilité de maintenir l'ancienne dérogation a été confirmée par la Commission européenne lors des ateliers de transposition (en particulier lors de l'atelier organisé à Bruxelles le 25 février 2016, dont le compte-rendu est disponible sur le site de la Commission européenne). Selon l'interprétation de la Commission, pour être exemptées, les activités spécifiques telles que le tourisme social ou l'accueil de mineurs doivent remplir les trois critères cumulatifs déjà énoncés. Il ressort également des ateliers précités que les termes de la directive devaient être transposés tels quels, afin que les règles soient pleinement harmonisées au sein de l'Union européenne. Selon l'interprétation de la Commission, il n'est pas possible de préciser plus avant dans les textes de transposition le terme « à titre occasionnel ». Il appartient donc aux organismes d'apprécier au cas par cas, en fonction de l'activité envisagée, leur situation au regard des nouveaux critères de dérogation. Revenir à une dérogation aussi large que par le passé serait non seulement contraire à la DVAF, mais également contraire à l'intérêt des mineurs et de leurs familles. Cela aurait paradoxalement pour effet de les priver des droits accordés par le code du tourisme aux autres voyageurs, que ce soit en termes de garantie financière si le séjour ne peut être organisé ou de responsabilité de plein droit (dans le cas du forfait) de l'organisateur du voyage. 2. En deuxième lieu, il convient de relativiser la portée de la transposition de la DVAF sur la situation de l'ensemble des organismes d'accueils collectifs de mineurs en observant que de nombreux organismes accueillant des mineurs sont - d'ores et déjà - immatriculés, tels que les Éclaireuses et éclaireurs de France, la Fédération française d'éducation physique et gymnastique volontaire ou la Ligue de l'enseignement (le registre tenu par Atout France, accessible sur son site Internet, fournit d'autres exemples d'organismes immatriculés). 3. En troisième lieu, il existe des solutions pour que le coût de l'immatriculation et de la garantie financière ne soient pas prohibitifs. L'immatriculation n'est pas onéreuse (100 € pour trois ans). Pour ce qui est de la garantie, les organismes peuvent se tourner vers les banques, les entreprises d'assurance mais également vers les deux garants associatifs spécifiques au secteur du tourisme, l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (UNAT) et l'Association professionnelle de solidarité du tourisme (APST). L'UNAT, dont la vocation sociale constitue le fondement, peut garantir les structures à but non lucratif du tourisme et dispose à cet effet d'un fonds de garantie, le FMS (fonds mutuel de solidarité) aux tarifs relativement modérés pour les petites structures générant moins d'un million d'euros de chiffre d'affaires tourisme. Il convient de rappeler que les taux de cotisation ne sont pas fixés par la puissance publique : l'UNAT a la possibilité de faire varier ses taux de cotisation, mais aussi les planchers, part fixe et droits d'entrée pour s'adapter aux spécificités et capacités contributives de ses adhérents. De plus, les associations et organismes sans but lucratif gardent une possibilité intéressante, celle de s'abriter derrière la garantie d'une fédération ou union immatriculée. En effet, comme sous l'empire des précédentes dispositions, l'article L.218-III tel que modifié par l'ordonnance continue de prévoir une exemption de l'obligation d'immatriculation et de garantie pour « les associations et organismes sans but lucratif appartenant à une fédération ou une union s'en portant garantes », à la condition que ces dernières soient elles-mêmes immatriculées et garanties. Utiliser un tel mécanisme permettrait sans doute à de nombreux organismes et associations d'être garantis par une structure « chapeau », donc à un coût plus faible qu'une adhésion individuelle au FMS.

Données clés

Auteur : M. Martial Saddier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Enfants

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères (M. le SE auprès du ministre)

Ministère répondant : Économie et finances

Dates :
Question publiée le 27 février 2018
Réponse publiée le 13 mars 2018

partager