Question écrite n° 5937 :
Conséquences de la loi de modernisation de la justice sur les recours des «dys»

15e Législature

Question de : M. Paul Molac
Morbihan (4e circonscription) - La République en Marche

M. Paul Molac attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les conséquences possibles de la loi de modernisation de la justice sur les recours portés par des personnes « dys », atteintes de troubles spécifiques liés aux apprentissages. En effet, la loi du 18 novembre 2016 supprime les tribunaux des affaires de sécurité sociale (TASS) et les tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) au profit de tribunaux de grande instance spécialement désignés. Ils seront ainsi fusionnés et intégrés dans un pôle social des TGI désignés, à compter du 1er janvier 2019. Cette réorganisation inquiète fortement les personnes atteintes de troubles « dys » - regroupant les troubles cognitifs tels que sont la dyslexie, la dysorthographie, la dyscalculie, la dysphasie ou encore la dyspraxie - et leur entourage. Ceux-ci craignent que cette réorganisation des instances judiciaires ait des effets négatifs, notamment en termes de délais, concernant les recours opérés suite à des refus de dossiers MPDH (Maison départementale des personnes handicapées) ou d'aménagement aux examens. Pour exemple, les jugements des TASS interviennent actuellement dans l'année ou dans les six mois en cours ; un délai déjà long lorsque les recours concernent les demandes d'aménagement aux examens. Il n'est d'ailleurs pas rare, dans ce cadre, que les jugements soient rendus, après la date des examens concernés par la demande ; rendant vain tout droit à compensation en termes d'aménagement. En outre, le TCI comprend actuellement une formation spécifique pour les recours relatifs au handicap de l'enfant, permettant une réponse assez rapide et réactive des recours liés à l'octroi d'un auxiliaire de vie scolaire (AVS), à l'orientation scolaire, aux équipements scolaires adaptés ou encore à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) pour financer des soins non pris en charge par la sécurité sociale et pour lesquels la rapidité des jugements se comprend aisément. Enfin, cette réorganisation des instances judiciaires ne prévoit pas la présence d'un médecin consultant du tribunal en audience comme cela était le cas avant la réforme, ce qui pourrait porter préjudice aux personnes atteintes de troubles « dys ». Aussi, il lui demande quelles mesures pourraient être envisagées afin de ne pas pénaliser ces personnes, en particulier les enfants et plus globalement les élèves et étudiants, atteints de troubles « dys » lorsqu'ils choisissent de porter un recours en rapport avec leur scolarité, leur formation, leurs examens ou encore la prise en charge de leurs soins.

Réponse publiée le 2 juin 2020

Les juridictions sociales et de l'aide sociale recouvrent actuellement 115 tribunaux des affaires de sécurité sociale, 22 tribunaux du contentieux de l'incapacité, 84 commissions départementales d'aide sociale, la Commission centrale d'aide sociale et la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail. Depuis plusieurs années, la question se pose d'éviter au justiciable de devoir saisir parfois trois juridictions différentes afin de faire valoir ses droits. Afin d'éviter cet éclatement juridictionnel, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXème siècle prévoit, à compter du 1er janvier 2019 le transfert des contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux de l'incapacité et des commissions départementales de l'aide sociale vers les pôles sociaux des tribunaux de grande instance spécialement désignés. Le législateur a souhaité privilégier la résolution des litiges en amont de la saisine du juge d'un recours préalable obligatoire en matière de contentieux général et technique de la sécurité sociale et de contentieux de l'aide sociale. Un tel recours n'entraînera aucun surcoût pour le justiciable et permettra d'obtenir une décision, différente ou identique mais davantage explicitée. Ainsi, la personne, compte-tenu de cette possibilité d'une seconde instruction de sa demande ne sera pas toujours contrainte de saisir le juge. Le déroulement de la procédure de recours préalable à l'encontre des décisions rendues par les commissions départementales d'autonomie des personnes handicapées sera prochainement précisé par voie réglementaire. Le Gouvernement entend par ailleurs maintenir la possibilité pour les futurs pôles sociaux de désigner, en matière de contentieux technique de la sécurité sociale, un consultant qui effectuera sa mission à l'audience, à l'instar de la pratiquée généralisée en place dans les tribunaux du contentieux de l'incapacité. Il n'est pas envisagé, à ce stade, d'instaurer une procédure spécifique d'instruction en urgence des recours préalables obligatoires. Il est en revanche prévu, afin de ne pas allonger les délais de traitement des recours, que le silence gardé pendant un certain délai par l'autorité compétente pour statuer sur le recours préalable obligatoire fasse naître une décision implicite de rejet qui pourra être contestée devant les futurs pôles sociaux des tribunaux judiciaires spécialement désignés. Il sera en outre possible, en cas d'urgence, de saisir ces derniers en référé, ce qui constitue une avancée dans la mesure où la procédure de référé n'existait jusqu'à présent que devant le tribunal des affaires de sécurité sociale et non devant le tribunal du contentieux de l'incapacité.

Données clés

Auteur : M. Paul Molac

Type de question : Question écrite

Rubrique : Personnes handicapées

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 27 février 2018
Réponse publiée le 2 juin 2020

partager